Pour une formation des soignants à la détection de la soumission chimique
Question de :
M. Damien Maudet
Haute-Vienne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Damien Maudet interpelle Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins au sujet de la formation des soignants à la soumission chimique, dans le cadre de leur cursus et dans leur formation continue. « Ce n'est pas pour moi que je témoigne, mais pour toutes ces femmes qui subissent la soumission chimique », déclare Gisèle Pélicot le 5 septembre 2024. Un message d'un courage sans pareil, d'une victime droguée par son mari et violée par plus de 50 hommes, entre 2011 et 2020. Pendant près de 10 ans, Gisèle Pélicot a donc subi le pire, sans qu'aucun neurologue, gynécologue, soignant n'a soupçonné la soumission chimique. Si le courage de cette femme, qui a décidé de rendre le procès public, force l'admiration, on doit collectivement s'interroger sur : comment un tel crime a pu se dérouler, si longtemps, si fréquemment, sans qu'aucun soignant ne s'en aperçoive ? Sans que personne ne remarque quoi que ce soit, pas même les médecins qu'elle a pu consulter ? Ce procès doit nous alerter, nous faire agir. Son mari, Dominique Pélicot, avait pris l'habitude de dissimuler des pilules de Temesta, un puissant anxiolytique, dans sa nourriture. Les analyses de ses cheveux révèlent aussi l'ingestion d'un somnifère, au moins pendant un an. Plongée dans un sommeil profond, proche du coma, au moment des faits, Gisèle Pélicot n'a jamais pu faire le lien entre ses problèmes de santé, la soumission chimique et les viols dont elle a été victime. Elle souffrait pourtant de trous de mémoire, parfois pendant 48 heures. Elle était parfois désorientée et pouvait tenir des propos incohérents, mais que les week-ends. Des comportements qui ont inquiété ses enfants, qui l'on alors poussé à consulter des médecins. Mais rien n'est suspecté, détecté, diagnostiqué. « Pour déceler la soumission chimique, il faut savoir que cela existe. D'où l'importance de former les soignants, afin qu'ils orientent les victimes vers les bons interlocuteurs », explique Leïla Chaouachi, pharmacienne au centre d'addictovigilance de Paris. Une formation des soignants qui est capitale car le cas de Gisèle Pélicot, même s'il se distingue par la monstruosité des faits, est loin d'être isolé. En 2022, une étude sur le phénomène a pu révéler 1 229 signalements suspects, 97 soumissions chimiques vraisemblables, 786 possibles et 346 vulnérabilités chimiques. Si depuis 2019, la Haute Autorité de santé recommande aux professionnels « de demander à toutes leurs patientes si elles subissent ou ont subi des violences par le passé, même en l'absence de signes d'alerte », une formation complète sur le sujet, aussi bien dans le cadre du cursus que dans la formation continue doit être mise en place. « Les jeunes soignants savent que ces violences constituent un problème de santé mais ne savent pas comment procéder. C'est plus dur pour ceux qui ont une grande expérience mais qui sont formés sur le tard. Ils sont souvent effarés et se disent : j'ai vu passer tellement de patientes, je n'ai rien vu... », témoigne Lucie Bosméan, médecin généraliste, spécialisée dans les violences intrafamiliales. Pourtant, aujourd'hui encore, aucune formation complète n'est au programme des futurs soignants afin de les armer face à cette violence. Alors même que les médecins, infirmiers, pharmaciens, sont souvent en première ligne pour les détecter. Mme la ministre, tristement, la soumission chimique est en hausse dans le pays. Il y a urgence à agir, à former les professionnels de santé, à la fois pour qu'il ait la capacité de faire la prévention nécessaire, mais aussi pour être à même de poser un diagnostic et démarrer au plus vite la prise en charge vitale aux victimes. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 15 avril 2025
La lutte contre les violences et le repérage de celles-ci par les professionnels de santé, notamment la soumission chimique, constituent une priorité du Gouvernement. La formation des professions de santé est consacrée par le développement professionnel continu, qui a pour objectifs le maintien et l'actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l'amélioration des pratiques. Il constitue une obligation pour les professionnels de santé. Chaque professionnel de santé doit justifier, sur une période de trois ans, de son engagement dans une démarche de Développement professionnel continu (DPC) comportant des actions de formation continue, d'analyse, d'évaluation et d'amélioration de ses pratiques et de gestion des risques. L'engagement dans une démarche d'accréditation (pour les médecins et les équipes médicales des spécialités à risques en établissement de santé) vaut engagement dans une démarche de développement professionnel continu. A ce titre, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, et du ministre de la défense pour les professionnels du service de santé des armées, définit les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu. En outre, l'agence nationale du développement professionnel continu a en charge le pilotage des orientations prioritaires de DPC de la période triennale 2023-2025, parmi lesquelles une orientation est dédiée au repérage et à la conduite à tenir face aux violences ou suspicions de violences faites aux adultes. Cette orientation couvre notamment les violences conjugales qui peuvent revêtir plusieurs formes : verbales, psychologiques, économiques, physiques et sexuelles, et donc englobe le périmètre de la soumission chimique connue pour constituer une véritable problématique de santé publique. Les professionnels de santé sont formés d'une part pour connaître les principales données chiffrées et les différentes formes de violences et d'autre part pour acquérir les bons réflexes et systématiser le questionnement de l'existence des violences : identification des situations de danger, interrogation du patient, reconnaissance du phénomène d'emprise et aussi évaluation des situations de danger de la victime et de ses proches. Ils sont ainsi formés à l'accueil, la prise en charge et l'orientation des victimes de violences sexuelles et connaissent la procédure et la réalisation du signalement à l'autorité judiciaire. Outre les dispositions du DPC, le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est reconnu aux fonctionnaires. C'est donc dans ce cadre qu'une note annuelle d'information interministérielle relative aux orientations retenues en matière de développement des compétences des personnels des établissements de santé a pour objet d'impulser, dans les établissements relevant de la fonction publique hospitalière de l'ensemble du territoire, des axes de développement des compétences des personnels en soutien aux politiques sanitaires, sociales et médico-sociales portées au niveau national. Les établissements sont ainsi invités à intégrer dans leur plan de formation ces thématiques, dont celle dédiée au repérage et à la conduite à tenir face aux violences ou suspicions de violences faites aux adultes.
Auteur : M. Damien Maudet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 15 avril 2025