Politique de prévention des violences conjugales
Question de :
Mme Constance de Pélichy
Loiret (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
Mme Constance de Pélichy interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les politiques de prévention des violences conjugales. En 2024, la Maison des femmes de l'hôpital d'Orléans a suivi 364 patientes victimes de violences en leur offrant un appui médical, psychologique et social. Cela correspond à une admission par jour pour un bassin de vie de 400 000 habitants, chiffre absolument colossal. Par ailleurs, ce n'est là que la face visible de l'iceberg, dans la mesure où ce chiffre ne compte que les femmes qui ont osé aller se faire soigner, au risque de se voir violenter deux fois plus durement en retournant chez elles, dans le secret des foyers. Ces violences conjugales endémiques sont un fléau absolu, contre lequel seules des politiques ambitieuses de prévention et de répression des auteurs peuvent produire des effets, adossés à des moyens pour les forces de police. Elle lui demande quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour juguler ce phénomène et comment mieux détecter les individus dangereux pour leur foyer.
Réponse publiée le 17 juin 2025
La lutte contre les violences intrafamiliales, conjugales et sexuelles constitue une politique publique prioritaire. Elle s'est traduite, notamment, par le renforcement régulier de l'arsenal législatif et réglementaire et le développement de nombreux dispositifs. Il peut par exemple être rappelé qu'en 2018 la France a été le premier pays à créer l'infraction d'outrage sexiste et que le « Grenelle des violences conjugales » de 2019 a conduit à un plan d'action national dont le premier pilier concerne la lutte contre les violences sexuelles. Par ailleurs, la « lutte contre les violences faites aux femmes » constitue le premier axe du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027). La gendarmerie nationale et la police nationale ont modernisé et renforcé leur action. Le ministère de l'intérieur a porté des mesures significatives dans le cadre du « Grenelle des violences conjugales » : audit annuel de l'accueil des victimes dans les services de police et les unités de gendarmerie, utilisation d'une grille d'évaluation du danger dans chaque commissariat de police et brigade de gendarmerie, hausse du nombre d'intervenants sociaux dans les services de police et unités de gendarmerie, formation de plus de 160 000 policiers et gendarmes. Le ministère est également à l'initiative de mesures internes, notamment la saisie systématique des armes détenues par l'agresseur, dès le dépôt de plainte, la création d'un fichier de prévention des violences intrafamiliales, le développement de la prise de plainte hors des services de police et unités de gendarmerie (par exemple dans les locaux d'associations d'aide aux victimes ou dans les établissements hospitaliers). Dans ce cadre, la gendarmerie a déployé des mesures concrètes qui permettent le renforcement de l'accueil, de la prise en charge et de l'accompagnement des victimes. Ces mesures consistent en l'ouverture systématique d'une procédure judiciaire dès connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction (la main courante est proscrite pour les violences intrafamiliales -VIF- et les violences sexuelles et sexistes), la refonte du récépissé de dépôt de plainte afin de simplifier l'information de la victime concernant ses droits en fonction de l'infraction concernée (avec par exemple l'accès à l'aide universelle d'urgence), la mise en place d'un canevas d'audition des victimes de VIF adapté à la situation de chaque victime et l'édition d'un guide à destination des enquêteurs. De nombreuses mesures sont mises en place pour mieux protéger les victimes (inscription sur demande au module de sécurisation des interventions et demandes particulières de protection, systématisation de la recherche et saisie d'armes, mise en relation avec un intervenant social, prise en charge par la maison de protection des familles, orientation vers des associations, etc.). Le ministère a par ailleurs développé à partir de novembre 2018 une plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes, dénommée depuis 2022 plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d'accompagnement des victimes (PNAV), ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il doit aussi être rappelé que le 3919-Violences Femmes Info, plateforme téléphonique d'écoute, d'information et d'orientation des victimes de violences sexuelles, est accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Afin de s'adapter aux nouveaux modes de communication, les forces de sécurité intérieure se sont également rapprochées des associations qui proposent des applications d'aide aux victimes de violences. Une convention a par exemple été signée en 2022 avec les responsables de l'application « UMAY », qui a vocation à identifier des lieux sécurisés où peuvent se rendre les personnes se sentant en danger sur la voie publique (harcèlement, agression physique, agression sexuelle, etc.). Les locaux de police et de gendarmerie ont ainsi été intégrés dans les « safe places » recensés dans l'application. Les services de police et les unités de gendarmerie sont organisés pour prendre en charge les victimes de violences intrafamiliales et sexuelles de façon optimale, en assurant un traitement prioritaire de ces dossiers parmi le flux des procédures et en garantissant un suivi judiciaire. Depuis fin 2023, le déploiement progressif du fichier de prévention des violences intrafamiliales (FPVIF) constitue également un nouvel outil à la disposition des gendarmes et des policiers (fiches et cas pratiques, consultation simultanée des fichiers). La police nationale s'appuie sur des moyens spécifiques : près de 200 groupes et brigades de protection de la famille et plus de 2 000 enquêteurs spécialisés. Par ailleurs, pour garantir aux victimes l'accueil et l'accompagnement le plus adapté possible, la police nationale s'appuie sur plus de 800 « correspondants aide aux victimes » et sur plus de 600 « référents accueil ». La gendarmerie nationale déploie une chaîne territoriale complète de prise en charge et d'accompagnement des victimes de violences intrafamiliales. Au niveau national, une référente placée auprès du directeur général de la gendarmerie coordonne et anime le suivi des VIF et des missions de prévention. Au niveau départemental, 101 maisons de protection des familles participent à la formation des personnels, au développement des partenariats, aux actions de sensibilisation ainsi qu'à l'accompagnement des victimes. Les maisons de protection des familles sont renforcées par plus de 188 intervenants sociaux en gendarmerie (ISG) et 89 intervenants sociaux mixtes (police/gendarmerie). Enfin, un référent VIF est présent dans chaque brigade, et les gendarmes bénéficient d'un cursus de formation spécifique à la prise en compte des victimes de violences intrafamiliales. Ce cursus couvre notamment une sensibilisation dès la formation initiale en école (17 449 élèves gendarmes formés), des modules de formation continue déconcentrée au niveau des groupements (près de 40 000 gendarmes formés) et une formation expert au niveau national. En 2024, près de 49 000 gendarmes ont obtenu une ou plusieurs qualifications relatives à cette thématique prioritaire. Plus globalement, ces dispositifs et personnels s'inscrivent pleinement dans le parcours victimes/usagers, déployé en mai 2024, qui participe au renforcement de l'offre de service en matière d'accueil et d'accompagnement de l'ensemble des usagers, notamment des publics vulnérables et des victimes (confidentialité des échanges, écoute et respect). Au sein de la préfecture de police, afin d'assurer l'accueil des femmes victimes de violences dans les meilleures conditions, 37 intervenants sociaux et 21 psychologues sont affectés dans les commissariats de l'agglomération parisienne. Ils ont pour mission de renforcer la prise en charge des femmes victimes en leur proposant un accompagnement social, juridique et/ou psychologique. En commissariat, les agents de police sont également sensibilisés par la diffusion de fiches réflexe qui visent à renforcer et adapter l'accueil des personnes vulnérables. Les policiers disposent de grilles d'évaluation du danger ainsi que de modèles de PV d'audition et de plainte spécifiques aux victimes de violences conjugales ou sexuelles. Un dispositif d'accueil et de mise en sécurité des victimes en cas de danger a également été créé. Par ailleurs, lorsqu'une femme victime de violences conjugales le souhaite, elle a la possibilité de porter plainte en dehors des commissariats. Cela est notamment possible, par convention, au sein des services d'urgence des établissements de l'assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP). Enfin, si la victime ne souhaite pas immédiatement déposer plainte, elle peut néanmoins bénéficier du « recueil de preuves sans plainte » par un médecin légiste de l'unité médico-judiciaire (UMJ). Ces éléments, conservés pendant trois ans, permettent d'étayer une procédure judiciaire ultérieure. Dans le prolongement des politiques publiques priorisées par le Gouvernement, 758 721 € issus du fonds de prévention de la délinquance (FIPD) ont été alloués en 2024 à des associations dédiées aux personnes vulnérables (+ 23 000 € par rapport à 2023). Le FIPD co-finance des dispositifs en lien avec l'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences. Le centre d'information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF de Paris) porte différents projets, dont les permanences à l'unité médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu, qui permettent la formation des professionnels sur le sujet des violences faites aux femmes. Le FIPD soutient également le centre Hubertine Auclert, qui œuvre à la formation des policiers d'Île-de-France en matière d'accueil des victimes de violences.
Auteur : Mme Constance de Pélichy
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025