Secteur de l'aide sociale à l'enfance en crise
Question de :
M. Aurélien Dutremble
Saône-et-Loire (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Aurélien Dutremble interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la crise traversée par le secteur de l'aide sociale à l'enfance (ASE) Le secteur de l'aide sociale à l'enfance (ASE), fondamental pour la protection des enfants vulnérables, traverse aujourd'hui une crise particulièrement grave et profonde. Cette situation est exacerbée par l'augmentation continue du nombre d'enfants accueillis, en particulier des nourrissons, phénomène qui reflète une précarité sociale grandissante. Alors que le taux de natalité en France connaît une chute significative, le nombre d'enfants pris en charge par l'ASE ne cesse d'augmenter, notamment en raison de l'accroissement des violences intrafamiliales, ainsi que des situations familiales et sociales de plus en plus difficiles. Cette hausse, particulièrement inquiétante, entraîne une pression immense sur les structures d'accueil et les professionnels de l'ASE. Chaque jour, des milliers d'enfants sont confrontés à des situations de danger et de maltraitance. Cependant, le nombre de places en hébergement spécialisé reste insuffisant et les délais d'attente deviennent de plus en plus longs. En conséquence, de nombreux enfants sont laissés sans solution adéquate, dans un climat d'incertitude et de vulnérabilité extrême. Simultanément, les conditions de travail des professionnels de l'ASE se détériorent de façon alarmante. Selon le syndicat national des travailleurs sociaux, le nombre d'enfants pris en charge par chaque travailleur social a considérablement augmenté ces dernières années. Cette surcharge de travail nuit gravement à la qualité du suivi, ce qui entraîne un risque réel de maltraitance institutionnelle et compromet le soutien à apporter aux enfants et aux familles. Récemment, et avant même la remise du rapport d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance, Mme la ministre a évoqué la nécessité de moderniser l'ASE et d'accroître les investissements dans ce secteur fondamental. Toutefois, malgré ces déclarations positives, il est évident que les projets actuels se heurtent à une réalité budgétaire bien éloignée des attentes. Le budget alloué à l'ASE reste largement insuffisant face à l'ampleur des besoins et bien en-deçà des augmentations réelles des dépenses, notamment liées à l'accueil des enfants. En effet, l'État ne contribue actuellement qu'à hauteur de seulement 3 % au financement global de l'ASE, ce qui souligne l'inadéquation entre les besoins croissants du secteur et les moyens alloués. La protection de l'enfance, qui était déjà à bout de souffle, est aujourd'hui dans un gouffre. Les premières victimes de cette crise sont malheureusement les enfants, dont le droit à une protection effective et à un suivi digne est compromis par l'insuffisance de moyens. Cette crise ne pourra être résolue que par des actions concrètes, soutenues par des financements suffisants et pérennes, afin de garantir une prise en charge de qualité pour tous les enfants en situation de danger. Sans une révision significative des priorités budgétaires, il semble difficile d'envisager une amélioration de la situation. Pour que le secteur de l'ASE puisse continuer à remplir sa mission essentielle sans compromettre la sécurité et le bien-être des enfants, il est impératif d'augmenter de manière substantielle son budget, à la hauteur des défis auxquels il est confronté. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures précises qu'elle prévoit pour soutenir financièrement de manière urgente le secteur de l'aide sociale à l'enfance et quelles initiatives seront mises en place pour garantir une réponse à la hauteur des besoins exprimés sur le terrain.
Réponse publiée le 17 juin 2025
Dans un contexte de situation préoccupante du système de protection de l'enfance et des enfants en situation de danger en attente d'un accueil et d'un accompagnement, le Gouvernement sait la nécessité d'une attention renforcée à la protection de l'enfance par les départements et par les services de l'État. La refondation de la politique nationale de la protection de l'enfance constitue une des priorités du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles qui porte aujourd'hui un plan ambitieux de refondation de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), fondé sur les besoins réels des enfants et élaboré en concertation avec les professionnels du secteur et les acteurs du terrain. Ce plan s'appuie pleinement sur les recommandations formulées par la commission d'enquête parlementaire sur les manquements de la politique publique de protection de l'enfance, et s'articule autour de sept priorités : - prévenir et éviter le placement chaque fois que possible, en renforçant la prévention, dès la périnatalité grâce à des dispositifs de détection et d'accompagnement précoces, en suivant un plan de soutien à la parentalité ciblé sur les situations de vulnérabilité sociale et familiale et en poursuivant la contractualisation à la prévention entre l'Etat et les départements ; - permettre aux enfants de grandir dans un cadre familial et stable, en facilitant l'adoption des enfants sans possibilité de maintien de liens familiaux, en faisant évoluer les pouponnières en lieux de placement temporaire, en accroissant les possibilités d'accueil à caractère familial, en lançant un plan d'attractivité des métiers d'assistants familiaux, notamment en garantissant des moments de répit, et en ayant recours plus largement aux tiers de confiance et à l'accueil durable et bénévole ; - garantir la santé des enfants, en généralisant des parcours de soins coordonnés pour un accompagnement global de la santé, et en soutenant la création de centres d'appui à l'enfance, ainsi que de 25 nouvelles unités d'accueil pédiatriques enfants en danger en 2025 ; - permettre aux enfants en double vulnérabilité de grandir dans un endroit adapté à leurs besoins en mobilisant le plan « 50 000 solutions » et en développant l'accueil familial thérapeutique ; - ouvrir le champ des possibles par l'éducation, et mobiliser les entreprises pour mener à bien des actions concrètes : stages, mentorat, présentations de métiers, accès à la culture… - préparer à l'âge adulte pour réussir son insertion et ses projets, en facilitant l'accès aux études supérieures, à la formation et à l'emploi, en accompagnant l'accès au logement et à l'autonomie, en redéfinissant les conditions d'allocation du pécule et en travaillant avec les départements à une meilleure prise en charge des mineurs non accompagnés ; - refonder la gouvernance de la protection de l'enfance, en installant les instances nécessaires avec les acteurs, et en renforçant la présence de l'Etat au niveau local, afin de garantir l'égalité et la qualité de prise en charge sur tout le territoire. Pour mettre en œuvre ces priorités sur le terrain, les services de l'État s'appuieront notamment sur le cadre renouvelé de la contractualisation avec les départements, axé sur la prévention et la protection de l'enfance. Ce cadre pluriannuel permettra de structurer des actions dans la durée, en mobilisant plusieurs leviers financiers : - des crédits du fonds d'intervention régional pour renforcer la prévention, dès la périnatalité, notamment durant les mille premiers jours de l'enfant ; - 50 millions d'euros de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie médico-social pour développer, en lien avec les agences régionales de santé, des solutions adaptées aux enfants à double vulnérabilité et soutenir les professionnels de l'ASE ; - 117 M€ des crédits du programme 304 pour encourager les interventions à domicile et les formes d'accueil à dimension familiale, au cœur de la contractualisation 2025-2027. Par ailleurs, le Gouvernement est pleinement conscient des retards dans la publication de certains décrets d'application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, du fait pour certains du temps nécessaire au développement de nouveaux systèmes d'informations. La publication de ces textes réglementaires fait l'objet d'un suivi prioritaire.
Auteur : M. Aurélien Dutremble
Type de question : Question écrite
Rubrique : Institutions sociales et médico sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025