Situation des infirmiers libéraux
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Paul-André Colombani attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur la dégradation des conditions d'exercice des infirmiers libéraux. Déjà soumis à des cadences soutenues (rythme et horaires de travail, déplacements, charge mentale, charge physique) et à des urgences qui exigent une grande abnégation, la profession infirmière, dans son exercice libéral, exprime sa colère à travers différentes actions menées sur le territoire. En effet, acteurs de premier plan dans nombre de territoires ruraux, où les médecins et l'accès à la santé restent, pour certains concitoyens, un défi, les infirmiers libéraux dénoncent le manque de reconnaissance de leur profession par les autorités. S'il y a eu quelques avancées positives et utiles notamment avec la forfaitisation de certains actes liés à la prise ne charge de patients dépendants (BSI), leur effet a été contrebalancé par des tarifs de base bloqués dans un contexte d'inflation. Aussi, ils réclament : une révision de la lettre AMI, restée inchangée depuis 2009, afin d'obtenir une revalorisation des tarifs de base, la reconnaissance de certains soins non rémunérés malgré les transferts de charge de l'hôpital vers la médecine de ville (diminution des séjours, développement de la chirurgie ambulatoire, de l'approche domiciliaire), la révision des règles de cumul des actes et une meilleure indemnité forfaitaire de déplacement, l'augmentation de 25 centimes accordés en juillet 2023 ne compensant pas les pertes subis par la hausse des prix des carburants. En plus d'obtenir une meilleure reconnaissance financière, ils demandent à ce que la pénibilité de leur travail soit également mieux reconnue. M. le député rappelle, en ce sens, qu'un infirmier libéral voit en moyenne plus de 20 patients par jour et effectue bien plus que 35 heures par semaine, car après avoir vu leurs patients, une charge administrative importante reste à effectuer. Au-delà des soins, il est un relais important dans le système de santé pour alerter les autres professionnels de santé en cas d'aggravation de l'état du patient. L'infirmier libéral a aussi un rôle social, souvent un interlocuteur et médiateur des difficultés sociales, psychologiques et psychiques de leur patient. Les effets de la faillite de la prise en charge de la santé mentale est d'ailleurs de plus en plus perceptible ; les infirmiers libéraux étant de plus en plus confrontés à des situations extrêmes avec des patients, ou des personnes de leur entourage, qui relèveraient davantage de la psychiatrie. L'accumulation de ces différentes difficultés amène un grand nombre de professionnels à un épuisement moral et physique face auquel ils ressentent un manque d'écoute et de solutions de la part des pouvoirs publics. Bien que la dépréciation de cette branche ne soit pas un phénomène récent, elle s'est néanmoins accentuée depuis deux ans avec le départ de nombreux professionnels de santé, éprouvés par la crise covid. Malgré leur mobilisation sans faille durant les confinements successifs, beaucoup s'offusquent d'avoir été écartés des accords du Ségur de la santé. La situation ne peut perdurer ; les infirmiers libéraux jouant un rôle essentiel dans le système de santé et de soins, alors que l'hôpital public et l'offre de santé se dégradent. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures et quelles annonces le Gouvernement entend faire auprès des infirmiers libéraux afin d'apporter des réponses concrètes à leur détresse légitime.
Réponse publiée le 24 juin 2025
Les infirmiers jouent un rôle essentiel dans notre système de soins, en particulier auprès des patients les plus fragiles, grâce à la prise en charge à domicile des patients dépendants. Plusieurs mesures conventionnelles ont été adoptées au cours des dernières années pour mieux valoriser cet engagement des infirmières et infirmiers libéraux. L'avenant n° 8 de la convention nationale, entré en vigueur en janvier 2022, a prévu un doublement sur la période 2020 à 2024 du budget consacré au bilan soins infirmiers, dédié à la prise en charge des patients dépendants, avec un montant de 217 millions d'euros par an contre 122 millions d'euros prévus initialement. Par ailleurs, pour tenir compte de l'impact de l'inflation sur les frais de déplacement auxquels les infirmiers libéraux doivent faire face, en raison de l'importance des prises en charge à domicile, l'avenant n° 10, signé le 16 juin 2023, a prévu une augmentation de 10% de l'indemnité forfaitaire de déplacement à compter du 28 janvier 2024. Enfin, l'Assurance maladie a lancé au printemps 2024 une série de groupes de travail avec les organisations représentatives visant, notamment, à réduire les indus grâce à la clarification et à l'harmonisation des processus de prescription et de facturation. Par ailleurs, le rôle des infirmières et infirmiers dans l'organisation des soins sur le territoire et la transformation du système de santé se renforce depuis plusieurs années en raison de l'évolution de leurs compétences : reconnaissance de leur rôle en matière de prise en charge des plaies et de soins non programmés par la loi du 19 mai 2023, renforcement de leurs compétences vaccinales par le décret du 8 août 2023, création du statut d'infirmier-référent par la loi du 27 décembre 2023. En outre, de nombreux protocoles de coopération ont été créés pour ces professionnels (44 des 57 protocoles de coopération nationaux existants concernent les infirmiers, et 41 des 60 protocoles locaux). C'est aussi dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé en mai 2023 un chantier d'ampleur pour repenser le métier d'infirmier autour de trois axes : les compétences, la formation et les carrières. Ce chantier a abouti à la proposition de loi sur le métier d'infirmier, en cours d'examen au Parlement et qui se traduira par une liste des soins rénovée dans son architecture et son contenu. Aussi, le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins a mandaté le directeur général de la caisse nationale de l'Assurance maladie, dans une lettre de cadrage le 20 mai dernier, pour ouvrir des négociations conventionnelles entre l'Assurance maladie et les organisations représentatives des infirmiers libéraux avant l'été 2025. Ces négociations auront vocation, d'une part, à répondre aux enjeux d'attractivité et de revalorisation du métier et, d'autre part, à donner corps, pour l'exercice de ville, à l'évolution majeure pour la profession que constitue la refonte du métier infirmier. La loi infirmière, adoptée par le parlement, reconnait les compétences des infirmiers, inscrit pour la première fois une définition du métier, structuré autour de 5 grandes missions et ouvre l'accès à la consultation infirmière dans un cadre déterminé. C'est une avancée majeure pour la profession qui reconnait sa place dans le système de santé.
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 24 juin 2025