Question écrite n° 6363 :
Nécessité de clarification des conditions réglementaires de taille des haies

17e Législature
Question renouvelée le 23 septembre 2025

Question de : M. Julien Guibert
Nièvre (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Guibert attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la nécessité de clarification des conditions réglementaires de taille des haies bordant les chemins ruraux et les voiries communales, dans l'objectif de garantir la sécurité de la circulation publique. Les collectivités territoriales rurales, et notamment les communes, rencontrent des difficultés croissantes dans l'application harmonieuse des textes réglementaires relatifs à la taille des haies bordant les chemins ruraux ou les voies communales, dans un contexte où la sécurité publique et la protection de la biodiversité doivent être conciliées. En application de l'article D. 161-24 du code rural et de la pêche maritime, les haies, arbres et arbustes bordant les chemins ruraux doivent être taillés « à l'aplomb des limites de ces chemins » et ce « à la diligence des propriétaires des fonds riverains ». Cette disposition vise notamment à garantir la libre circulation des usagers ainsi que la préservation du gabarit réglementaire de la voie. Elle participe donc directement à l'objectif de continuité et de sécurité de la circulation publique, notamment pour les piétons, cyclistes et véhicules agricoles ou d'entretien. Cependant, depuis l'introduction par le décret n° 2022-698 du 26 avril 2022 de l'article D. 614-52 du même code, un flou juridique est apparu sur le terrain. En effet, ce dernier interdit la coupe et la taille des haies et des arbres situés sur des parcelles agricoles entre le 16 mars et le 15 août de chaque année, dans une logique de protection des oiseaux en période de nidification. Nombre de communes se voient opposer cette interdiction par des riverains refusant d'autoriser ou de procéder à l'élagage, quand bien même les haies concernées empiètent sur des voies affectées à la circulation publique. De plus, les entreprises mandatées pour effectuer ces travaux rencontrent des obstacles pratiques et juridiques, redoutant des sanctions en cas d'interprétation divergente ou contestée de la réglementation. Or il apparaît que cette disposition de l'article D. 614-52 n'a pas vocation à s'appliquer aux haies bordant les chemins ruraux, dès lors que ces derniers appartiennent au domaine privé de la commune et que la parcelle concernée ne relève pas d'un régime d'éligibilité à la politique agricole commune (PAC). En effet, la notion de « parcelle agricole » dans ce contexte suppose une exploitation effective et une déclaration dans le cadre du régime des aides de la PAC, ce qui n'est pas le cas pour les chemins ruraux, même si ceux-ci traversent des territoires agricoles. En outre, l'intervention en période hivernale est fortement restreinte dans les territoires tels que la Nièvre, en raison des conditions climatiques. Les sols, gorgés d'eau entre novembre et avril, deviennent alors inaptes au passage d'engins, sous peine de dégradation irrémédiable des voiries. Le report des travaux aux mois de septembre et octobre se heurte, quant à lui, à la saturation des entreprises de travaux agricoles, généralement mobilisées sur d'autres travaux des champs à cette période, ce qui limite les disponibilités opérationnelles et engendre des conséquences économiques. Cette contradiction apparente entre les dispositions légales et réglementaires génère donc une grande insécurité juridique pour les élus locaux et les prestataires chargés de l'entretien des voiries, au détriment de la sécurité des usagers et compromet l'entretien régulier du réseau rural, pourtant essentiel à la cohésion territoriale et à la qualité de vie en milieu rural. Appuyée sur les éléments précis et concrets transmis par l'association Tous en chemin rural, investie dans la défense et la valorisation des chemins ruraux en tant que patrimoine commun et vecteur de mobilité douce, cette interpellation vise à attirer l'attention de Mme la ministre sur la nécessité de clarifier sans ambiguïté les régimes juridiques applicables à la taille des haies bordant les chemins ruraux. Aussi, M. le député demande si le Gouvernement envisage de modifier ou d'interpréter expressément les textes en vigueur, afin de permettre que la taille et l'élagage des haies bordant les chemins ruraux et les voiries communales puissent être effectués en toute période de l'année, lorsque ces interventions sont strictement nécessaires pour garantir la sécurité de la circulation publique et ce indépendamment du statut foncier de la parcelle voisine, dès lors que ladite haie déborde sur une voie affectée à l'usage public.

Réponse publiée le 16 décembre 2025

La réglementation encadrant les périodes d'élagage de haies bordant les chemins ruraux se fonde sur l'article L. 411-1 du Code de l'environnement, qui transcrit en droit français les principes posés par les directives « Habitats » et « Oiseaux », relatifs à l'interdiction de toute perturbation intentionnelle des espèces protégées, notamment pendant les périodes sensibles de reproduction, et à l'interdiction de détruire ou d'endommager les nids et les œufs. Les oiseaux fréquemment observés et susceptibles de nicher dans les haies de chemins ruraux, à l'exemple de la mésange charbonnière ou encore du rouge-gorge familier, sont ainsi protégés. Ces dispositions peuvent également être contrôlées au titre de la conditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC) pour ce qui concerne les haies des exploitations agricoles bénéficiant d'aides soumises à cette conditionnalité. Des exigences spécifiques s'appliquent par ailleurs aux haies des exploitations bénéficiaires de la PAC afin de protéger les habitats en faveur de la biodiversité. Les travaux de taille des haies et des arbres localisés sur les parcelles de ces exploitations agricoles sont ainsi interdits pendant la période de nidification en application de la norme relative aux bonnes conditions agricoles et environnementales BCAE 8 (article D. 614-52 du Code rural et de la pêche maritime - CRPM). Cette période est aujourd'hui fixée du 16 mars au 15 août en métropole et est adaptée aux contextes locaux pour les territoires ultramarins. Toutefois, si la taille de la haie (ou de l'arbre) s'impose pour des motifs de sécurité établis par une autorité compétente pendant la période d'interdiction, le non-respect de l'interdiction de taille n'est pas imputable à l'exploitant et n'est pas sanctionné au titre de la conditionnalité des aides de la PAC. Cette règle ne concerne toutefois que la PAC. Cette obligation de réaliser des travaux peut découler par exemple de l'application des articles D. 161-22 à D. 161-24 du CRPM qui prévoient que tout propriétaire doit s'assurer que ses plantations ne troublent pas la sécurité et la commodité de passage, le maire pouvant décider d'une mise en demeure de réaliser les travaux nécessaires d'entretien ou de destruction. L'agriculteur doit détenir dans ce cas une preuve de cette injonction de l'autorité compétente mentionnant l'obligation de tailler sa haie pendant la période d'interdiction. La loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a permis, dans son article 37, de définir un cadre permettant de limiter les injonctions contradictoires et d'assurer la lisibilité du droit applicable aux haies. L'article 37 a ainsi instauré un régime unique pour les déclarations et autorisations de destruction de haies qui couvrent treize procédures existantes. L'article 37 de la loi a prévu la possibilité de définir par décret en Conseil d'État les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la destruction de haies pour assurer la sécurité publique ainsi que, en cas d'urgence, l'intégrité des réseaux et des infrastructures de transport ou pour assurer une obligation légale ou réglementaire, dans le respect de l'article 16 de la directive 92/43/ CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Ce même article a également prévu les bases juridiques, inscrites désormais dans l'article L. 412-27 du Code de l'environnement, pour définir par arrêté préfectoral dans chaque département une période d'interdiction de travaux sur les haies, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et des conditions climatiques et pédologiques du département. Cette période vaudra tant pour la réglementation environnementale que pour la PAC. Un arrêté préfectoral permettra également de définir une liste des pratiques locales usuelles présumées répondre, de manière constante sur le territoire du département, à la notion de travaux d'entretien usuels de la haie. Ces évolutions sécuriseront les interventions des différents acteurs dans leurs actes d'entretien des haies. Elles doivent faire l'objet d'un encadrement par un décret en Conseil d'État et devraient entrer en vigueur dès 2026. Enfin, la loi exclut de son périmètre d'application la chaussée des « chemins ruraux ».

Données clés

Auteur : M. Julien Guibert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales

Renouvellement : Question renouvelée le 23 septembre 2025

Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 16 décembre 2025

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