Exposition aux risques des sapeurs-pompiers
Question de :
M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Sylvain Carrière attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de prendre en compte et reconnaître l'exposition aux risques des sapeurs-pompiers. Les pompiers, dans leurs activités, sont exposés à de nombreuses substances toxiques pour l'organisme. C'est le cas de la suie composée, entre autres, d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes. C'est le cas des déblais qui entraînent une concentration en particules fines jusqu'à 400 fois plus importante qu'à l'air ambiant. C'est le cas des fumées irritant la peau et pénétrant dans les voies respiratoires, dont la toxicité est accrue par l'usage de nouveaux matériaux synthétiques comme le plastique, les composites, le bois traité ou encore les nanoparticules. C'est le cas de la mousse anti-incendie composée essentiellement de per et polyfluoroalkylées (PFAS). En 2010, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a conclu que l'exposition professionnelle en tant que pompier est « possiblement cancérogène pour l'humain ». L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu en 2022 la surexposition des pompiers à nombre de maladies et d'infections chroniques. Par rapport au reste de la population, c'est +58 % de risque de contracter un mésothéliome, +16 % de contracter un cancer de la vessie. Sans compter nombre de cancers et autres maladies chroniques directement causées par l'activité de pompier dont la surexposition n'a pas pu être chiffrée. De nombreux pays comme le Canada, les États-Unis d'Amérique et la Belgique, ont reconnu la causalité de ces maladies dans l'exercice des fonctions des sapeurs-pompiers. En conséquence, ils ont mis en place une protection générale digne de ce nom. En France il n'en est rien, alors même que c'est le pays qui expose le plus les pompiers à ces risques. Pourtant, le 24 octobre 2023, devant l'Assemblée nationale, M. le ministre de l'intérieur annonçait que les pompiers « sont amenés à contracter des maladies très graves, notamment des cancers ». Il s'agit donc d'agir en conséquence. Le 3 octobre 2023, le Parlement européen a adopté une résolution législative sur l'exposition à l'amiante, depuis traduite en directive, dont le point 28 qualifie les pompiers de « personnels à protéger ». Mais les exigences des pompiers vont plus loin que le seul champ de l'exposition à l'amiante. Ils veulent enfin que soient intégrés les « cancérigènes, reprogènes et reprotoxiques » (CMR) ainsi que les HAP. Dès lors, il s'agit de mettre en place une règle générale de protection des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs qui participent aux missions de secours. Il est également urgent de reconnaître enfin ces maladies comme professionnelles et de les prévenir en séparant les filières au sein des SDIS afin de limiter l'exposition. Comme le rappellent les membres de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés, « les pompiers ne sont pas des héros qui peuvent impunément exposer leurs vies. Ce sont des femmes et des hommes ordinaires qui gèrent des situations exceptionnelles de crises et de détresse auxquels leurs concitoyens sont inlassablement confrontés ». Il lui demande donc quelles mesures il compte prendre afin de mieux protéger les 250 000 pompiers du pays.
Réponse publiée le 3 juin 2025
La prise en charge des risques liés à la toxicité des résidus d'incendie et à la pollution par les particules fines constitue une problématique majeure de protection de la santé des sapeurs-pompiers clairement identifiée par le Gouvernement. Depuis plusieurs années et notamment à la suite de la publication en 2017 d'un rapport de la CNRACL relative à la prévention des risques induits par les résidus des fumées d'incendie sur la santé des sapeurs-pompiers, les services du ministère de l'intérieur ont engagé un plan d'actions visant d'une part, à mieux connaître la réalité de l'exposition à certains risques et leurs conséquences pour les sapeurs-pompiers, et, d'autre part, à mieux les prévenir et les empêcher. Après avoir établi, en 2018, un guide de doctrine opérationnelle « prévention des risques liés à la toxicité des fumées » à destination des services d'incendie et de secours (SIS), l'amélioration de la protection individuelle des sapeurs-pompiers a été inscrite dans des travaux continus notamment au sein du plan global de santé, sécurité et qualité de vie en service porté par le ministère de l'intérieur et s'est traduite par l'évolution des équipements de protection individuelle (cagoule de protection filtrante, …). Dans le domaine de la connaissance des risques, les services du ministère de l'intérieur ont également initié plusieurs chantiers d'études relatifs à l'élaboration d'une matrice emploi/tâche/exposition visant à identifier les risques associés à chaque activité de sapeurs-pompiers et au soutien d'un travail de thèse sur les effets à moyen et long termes des activités de sapeur-pompier sur la santé. S'agissant des maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers, il peut être utile de rappeler qu'il est d'ores et déjà possible de bénéficier de leur reconnaissance lorsque l'affection résulte d'une maladie non inscrite au tableau des maladies professionnelles, conformément au dernier alinéa de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique. Des travaux scientifiques nécessaires à conforter le faisceau d'arguments internationaux tendant à mettre en évidence le lien entre l'activité de sapeur-pompier et certains cancers sont en cours. Ils devraient permettre d'établir un consensus, sur les pathologies à soumettre à l'inscription au tableau des maladies professionnelles, notamment au sein de l'observatoire national sur la santé des agents des SIS, mis en place en 2024 et dans lequel les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels sont partie prenante. Une demande de révision du tableau des maladies professionnelles a par ailleurs été adressée à madame la ministre chargée du travail en décembre 2024. Ces études contribueront également à poser des éléments plus concrets du suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers aux risques inhérents aux différentes missions des services d'incendie et de secours, éléments qui pourront utilement éclairer le suivi médical des sapeurs-pompiers tout au long de la carrière ainsi que le suivi post-professionnel instauré dans la fonction publique territoriale par le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015. En particulier, concernant le suivi tout au long de leur carrière, les sapeurs-pompiers bénéficient d'ores et déjà d'examens cliniques et de bilans sanguins réguliers permettant de dépister les cancers hématologiques tel le lymphome. Le dépistage du sang dans les urines permet aussi de détecter les cancers de l'arbre urinaire. S'il n'existe pas d'examens de dépistage systématique aujourd'hui recommandés en France en prévention de la toxicité des fumées, des cytologies urinaires pour les sapeurs-pompiers très exposés, comme certains formateurs utilisant régulièrement les dispositifs de feux réels, sont préconisés par un référentiel national, à paraître dans le cadre de la réforme des textes relatifs à l'aptitude des sapeurs-pompiers. Il est souligné que la réforme de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est largement initiée suite à la parution du décret n° 2025-330 du 10 avril 2025 relatif à la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ainsi que de son arrêté d'application qui permettront, au 1er janvier 2026, de disposer d'un système rénové. De même, les actions menées avec les parlementaires sur les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services d'incendie et de secours seront aussi de nature à mieux tenir compte des risques de cancers. Dans un domaine particulièrement complexe, les travaux et les dispositifs que le Gouvernement déploient ont vocation à déterminer plus précisément les risques auxquels les sapeurs-pompiers sont exposés, y compris pour les fumées toxiques, à prévenir l'apparition de maladies et à mieux les protéger face à ces risques.
Auteur : M. Sylvain Carrière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 1er octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025