Fiscalité des rentes maladies professionnelles des victimes de pesticides
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur la fiscalité des rentes de maladies professionnelles des personnes victimes de pesticides. Le Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) a été créé par l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 dans le but de garantir la réparation forfaitaire des dommages subis par l'ensemble des personnes concernées dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides. Ce fonds permet le versement d'un complément d'indemnisation aux non-salariés agricoles. Ce nouveau dispositif génère une modification des indemnisations pour certaines catégories de personnes, en particulier pour les non-salariés. Jusqu'à la mise en place effective du FIVP, l'indemnisation des non-salariés provenait de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP). La ressource financière était issue exclusivement de cotisations sociales payées par ces derniers et la dépense de ces cotisations étaient imputables dans les charges de l'entreprise. En contrepartie, les éventuelles indemnisations restaient imposables par la logique fiscale. Le système est différent pour les salariés qui ne déduisent pas leurs cotisations et qui ne se voient donc pas fiscaliser leurs indemnisations. Cependant, la mise en place du Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides modifie le contexte sur le plan fiscal. En effet, pour les non-salariés, la mise en place du fonds génère une seconde provenance de ressource pour leurs indemnisations. Le nouveau dispositif prévoit effectivement que les améliorations de prise en charge soient versées en redistribuant une part d'une taxe sur la vente de produits phytosanitaires qui alimente le fonds d'indemnisation. Cette amélioration d'indemnisation n'a donc plus de logique fiscale. Le maintien de la fiscalisation totale des indemnités revient à pénaliser fortement les victimes non-salariées et à créer une nouvelle inégalité de traitement par rapport aux salariés, ce qui semble totalement contraire à la volonté initiale de la loi qui proposait ce nouveau dispositif. Lors de la mise en place du Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP), les modalités d'adaptation à ce nouveau cadre juridique de la fiscalité sur les rentes de maladies professionnelles pour les non-salariés agricoles n'avaient pas été clairement précisées. Les victimes de pesticides se trouvent aujourd'hui démunis face à ce flou juridique sur la fiscalité des rentes de maladies professionnelles. Cette absence de réponse crée des situations d'inégalité de traitement des victimes de pesticides, avec des agriculteurs fiscalisés et d'autres non. Dans ce contexte, la non-fiscalisation des rentes et la mise en place d'un rattrapage pour les agriculteurs injustement imposés jusqu'alors lui apparaissent être les mesures les plus pertinentes pour répondre à l'objectif d'assurer une égalité de traitement entre l'ensemble des victimes de pesticides. Il lui demande donc de préciser sa position et de rendre publiques les dispositions réglementaires concernant la fiscalité des rentes de maladies professionnelles.
Réponse publiée le 18 mars 2025
Par principe, en vertu des dispositions prévues au 8° de l'article 81 du code général des impôts (CGI), les prestations et rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles (AT/MP) salariées, ou à leurs ayants droits, sont affranchies en totalité de l'impôt sur le revenu. Le traitement fiscal applicable aux rentes versées aux non-salariés agricoles en cas d'AT/MP ou en réparation des maladies causées par des pesticides a fait l'objet d'évolutions au cours de ces dernières années. Par le passé, les caisses de mutualité sociale agricole (MSA) faisaient application d'une note de l'administration fiscale de 2003, qui considérait que les rentes AT/MP versées aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole devaient être soumises, pour l'intégralité de leur montant, à une imposition sur le revenu. Cette doctrine fiscale s'appliquait également au complément d'indemnisation, visé à l'article R. 752-88 du code rural et de la pêche maritime, créé dans le cadre de l'indemnisation des victimes de pesticides, qui garantit une amélioration du niveau de prestations versées aux non-salariés agricoles en l'alignant sur celui, plus favorable, des salariés. L'exclusion de toute exonération pour les exploitants agricoles actifs se justifiait par le fait que leur cotisation AT/MP était déductible fiscalement. Toutefois, en précisant que l'exonération prévue au 8° de l'article 81 du CGI concerne les rentes viagères versées aux victimes d'AT/MP « qui sont allouées en vertu d'obligations résultant de la loi ou de dispositions réglementaires », la jurisprudence du Conseil d'État a confirmé l'application de cette disposition à l'ensemble des rentes versées dans le cadre d'un régime obligatoire de sécurité sociale. Consciente de la différence de traitement qui perdurait entre les salariés et les non-salariés agricoles, l'administration fiscale en a tiré les conséquences par un courrier adressé le 26 juin 2024 au président de l'association Phyto-victimes. Il en résulte que sont, désormais, affranchies en totalité de l'impôt sur le revenu : - les rentes versées aux assurés ou à leurs ayants droits au titre du régime d'assurance obligatoire contre les AT/MP des non-salariés des professions agricoles ; - les rentes versées aux assurés relevant du régime précité en réparation des maladies causées par des pesticides, à la fois au titre de ce régime obligatoire et au titre de la solidarité nationale (b du 1° et a du 2° de l'article L. 491-1 du code de la sécurité sociale). Cette exonération est également applicable aux indemnités en capital pouvant être versées dans ce cadre aux assurés dont le taux d'incapacité permanente est inférieur à 10 %. La caisse centrale de la MSA, officiellement informée les 29 octobre et 12 novembre 2024 du nouveau traitement fiscal précité, assure son application, depuis les rentes versées au titre de novembre 2024, à l'ensemble des non-salariés agricoles concernés. Elle veille également à assurer un accompagnement de ces derniers dans leurs démarches auprès des services des impôts des particuliers, afin de leur permettre d'obtenir le reversement du trop payé d'impôt pour les années (non atteintes par le cours de la prescription fiscale) au cours desquelles ces rentes ont été fiscalisées. Les réclamations doivent être présentées à l'administration fiscale, au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Autrement dit, au 31 décembre 2024, le délai de réclamation s'achève pour l'impôt sur les revenus 2021. Ce délai de réclamation pour les revenus 2021 étant très court, la direction générale des finances publiques (DGFIP) a confirmé que les services fiscaux feraient preuve de bienveillance et accepteraient toutes réclamations au-delà du 31 décembre 2024 et au moins jusqu'au 31 janvier 2025. Une note a été adressée par la DGFIP aux services des impôts, afin de leur permettre d'assurer le traitement des demandes présentées par les assurés de la MSA ou leurs ayants droit.
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question écrite
Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles
Ministère interrogé : Budget et comptes publics
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 18 mars 2025