Invisibilisation des hommes victimes de violences conjugales
Question de :
M. Alexandre Allegret-Pilot
Gard (5e circonscription) - Union des droites pour la République
M. Alexandre Allegret-Pilot attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur l'absence flagrante d'égalité de traitement entre hommes et femmes victimes de violences conjugales. Depuis plus de vingt ans, le 3919 est présenté comme le numéro national de référence pour les victimes de violences conjugales. Or ce dispositif demeure strictement réservé aux femmes, tandis que les hommes victimes en sont exclus et orientés vers des numéros secondaires, généralistes, peu connus et souvent inopérants. C'est le constat de toutes les associations concernées. Pire, son évolution, au lieu d'intégrer les violences faites aux hommes dans le cadre conjugal, s'est attachée à en faire un numéro réservé aux femmes et indépendant des violences conjugales. Une telle différenciation, non nécessaire et fondée sur le sexe, crée une véritable rupture d'égalité devant le service public. Pire, il tend à confirmer un gynocentrisme parfaitement inutile à la lutte contre les violences conjugales. Il convient de rappeler que près de 14 % des victimes recensées sont des hommes, proportion certainement bien en-deçà de la réalité tant un tabou demeure chez ces derniers et tant les institutions peuvent fermer les yeux sur leur situation, minimisant souvent les violences (physiques et psychologiques) dont ils peuvent faire l'objet. Pourtant, les politiques publiques continuent d'ignorer cette réalité, au nom d'une conception biaisée et exclusivement féministe des violences conjugales. Cette approche militante tend à écarter non seulement les femmes victimes au sein des couples lesbiens (pourtant sur-représentées, notamment pour ce qui concerne les violences psychologiques et contraintes) mais aussi les hommes victimes. Cela revient non seulement à nier la souffrance de milliers d'hommes qui, faute de reconnaissance et de dispositifs adaptés, se retrouvent réduits au silence, mais aussi à les mettre en danger faute d'accompagnement institutionnalisé. Dans une réponse récente à une question parlementaire, le ministère a justifié le refus d'ouverture du 3919 par la « spécialisation historique » (sic) de ce numéro à destination des femmes. Un tel argument ne saurait être recevable : si l'égalité entre les sexes est un principe fondamental de la République, alors rien ne justifie que les femmes disposent d'un numéro national et de ressources dédiées quand les hommes en seraient exclus. Pire, entre les affirmations du ministère et les faits, existe un hiatus flagrant : la page « Service-public » explique ainsi que « le 3919 accompagne les femmes victimes de violences » et « assure un premier accueil pour toutes les femmes victimes de violences sexistes ». Exit le périmètre du couple, pourtant censé être le champ officiel de la politique publique de prévention et de détection. Il y a bien longtemps que le périmètre intra-familial, intégrant le plus vulnérable de tous (l'enfant) a lui aussi été écarté par l'idéologie sous-jacente. Le champ affiché ici n'est donc plus celui des violences conjugales mais celui des « violences sexistes (sic) concernant les femmes ». On ne peut que regretter un détournement manifeste de la politique publique, qui, au lieu de lutter contre les violences conjugales (au sein des couples et indépendamment du sexe) est utilisé à la protection d'un seul sexe (féminin), pour des violences particulières (« violences sexistes ») et indépendamment de la considération initiale (le couple), tendant par ailleurs à faire de toute violence envers une femme une « violence sexiste » dès lors qu'elle provient d'un homme. La seule description présente sur le site internet, qui mélange accessoirement « violences sexuelles », « violences sexistes » et « mariage forcé », atteste de cette dérive. A fortiori, le sexe de la victime devrait être indépendant du dispositif permettant de donner l'alerte et d'assurer son accompagnement, sauf à assumer des situations particulières et un service dédié aux hommes. Or ce n'est pas le cas, les parcours de femmes et d'hommes victimes étant largement similaires comme l'a montré la chercheuse Sophie Torrent dans L'homme battu (2001). Il s'agit donc manifestement ici d'une discrimination institutionnalisée qui se révèle inacceptable dans un pays qui affirme faire de l'égalité (notamment de traitement) entre les hommes et les femmes un cheval de bataille. Si le 3919 est en réalité réservé « aux femmes victimes de violences sexistes » comme tout tend à le démontrer, il importe donc d'urgence de mettre en place des numéros respectivement réservés « aux hommes victimes de violences, notamment conjugales ». Cela serait la moindre des choses pour un pays qui s'est par ailleurs doté d'un numéro dédié aux animaux maltraités (4677), sauf à révéler la motivation fondamentale derrière ce blocage. La question de M. le député ne vise pas à minimiser les violences intolérables que rencontrent les citoyennes et il est nécessaire que le Gouvernement lutte férocement contre ces dernières. Il se désole cependant de l'aveuglement qui consiste à ignorer les violences que rencontrent les citoyens masculins et de leur exclusion manifeste des dispositifs dont ils pourraient bénéficier sans que cela ne coûte au contribuable, le tout sur un fond idéologique manifeste. Ils subissent de toute évidence un militantisme féministe dévoyé qui a noyauté les politiques publiques et dont la misandrie latente doit être interrogée. Dans ce contexte, il lui demande si elle entend enfin mettre fin à cette inégalité flagrante en ouvrant publiquement le 3919 à tous les publics victimes de violences conjugales (ou à toute victime de violence sexuelle, voire de violence sexiste), sans distinction de sexe ; à défaut, si elle entend créer un dispositif équivalent pour les hommes victimes et disposant de ressources au moins proportionnelles. Il souhaite également savoir quelles mesures concrètes elle compte prendre pour rétablir l'égalité réelle entre toutes les victimes dans la prise en charge des victimes de violences conjugales et donc pour commencer par libérer la parole chez les hommes, ce frein ayant été identifié par de nombreux rapports sans qu'aucune véritable campagne de communication ou de sensibilisation à destination des hommes victimes (ou a minima « inclusive » comme les autres politiques publiques aiment à l'être) n'ait été diligentée par les pouvoirs publics.
Auteur : M. Alexandre Allegret-Pilot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aide aux victimes
Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Date :
Question publiée le 16 septembre 2025