Avenir d’Exaion
Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Union des droites pour la République
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 2025
AVENIR D'EXAION
Mme la présidente . La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti . Monsieur le premier ministre, depuis son avènement, le pouvoir macroniste, que vous incarnez et que vous représentez, a bradé de nombreux fleurons de notre technologie et de notre industrie : Altsom, Technip, Latecoere en sont de tristes exemples. Aujourd’hui, EDF s’apprête à s'inscrire dans cette sombre perspective en cédant une de ses filiales stratégiques, Exaion, à la société américaine Mara. Cette vente au rabais marquerait un abandon supplémentaire de notre souveraineté énergétique, numérique et monétaire.
Pourtant, Exaion pourrait devenir l’une des pépites de demain, dans des domaines porteurs d'avenir et à haute valeur ajoutée : le calcul haute performance, l’intelligence artificielle et le minage des bitcoins. Avec ce rachat, la France perdra – perdrait, si vous n'intervenez pas – un atout stratégique dans la révolution technologique, industrielle et monétaire en cours. Pire, une clause de non-concurrence interdirait à EDF de relancer une activité similaire pendant deux ans. EDF et notre parc nucléaire constituent un trésor national, héritage du général de Gaulle, financé par des générations de Français. Le temps presse !
Monsieur le premier ministre, vous avez le pouvoir de bloquer cette vente. Je vous le demande solennellement : allez-vous brader un nouveau fleuron né du génie national ou allez-vous vous opposer à cette vente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR, dont certains députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Avant de répondre à votre question, j'aimerais rendre hommage au caporal Jimmy Gosselin du septième bataillon de chasseurs alpins de Varces, mort tragiquement en servant courageusement au sein des forces armées guyanaises. (Les députés de tous les groupes se lèvent et applaudissent longuement. – Les membres du gouvernement se lèvent aussi.) Son décès vient rappeler à quel point l'opération Harpie est une mission intérieure dangereuse : malheureusement trop de nos soldats, affrontant le péril au service des Guyanaises, des Guyanais et de la nation française, viennent encore à être blessés ou tués. Merci pour vos applaudissements.
Monsieur Ciotti, soyons précis – le diable se niche dans les détails : Exaion n'est pas à vendre, heureusement. Le sujet est celui de l'augmentation de capital. En effet, nous avons souhaité – cela fera d'ailleurs sans doute l'objet d'un relatif consensus sur ces bancs – qu'EDF se concentre sur le financement du nucléaire, notamment de son nouveau nucléaire. Cela pose la question de l'avenir de cette start-up, filiale d'EDF. Je le répète, Exaion n'est pas à vendre.
M. Éric Ciotti . C'est pareil !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Non, ce n'est pas pareil ! EDF restera au capital de cette entreprise.
M. Éric Ciotti . Mais minoritaire !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Même un actionnaire minoritaire – ce n'est pas encore décidé –, peut disposer d'un pouvoir de blocage et de protection – les gouvernements de gauche et de droite l'ont fait des centaines de fois ces vingt dernières années, ce qui prouve que c'est possible.
À quelles conditions cette augmentation de capital est-elle acceptable ? C'est le cœur de votre question. C'est bien pour cela qu'une procédure dite investissements étrangers en France a été déclenchée depuis le mois de septembre. Elle permettra aux services de Bercy, au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et à celles et ceux qui ont à connaître des questions numériques et énergétiques, d'émettre un avis et de poser des conditions à l'augmentation de capital.
Au cours de cette procédure, qui va prendre un certain temps – je pense que nous aurons une réponse d'ici à la fin de l'année –, il est nécessaire d'objectiver et de documenter le caractère réellement critique des activités de l'entreprise. On a parfois considéré que certaines entreprises avaient un rôle critique dans la défense nationale avant de s'apercevoir, après un examen plus poussé, que ce n'était pas le cas – en tant qu'ancien ministre des armées, je suis bien placé pour le savoir. Il convient également de préciser les conditions dans lesquelles cette affaire peut se faire – le ministre Roland Lescure ou moi-même en rendrons compte à la représentation nationale.
Permettez-moi d'ouvrir plus largement le débat. Sans exercer un droit de suite des discussions que nous avons eues la semaine dernière sur la fiscalité, cette situation nous interroge sur la disponibilité de capitaux français pour investir dans de telles entreprises. Nous serons amenés à revenir dans les prochaines semaines sur la question des fonds souverains, de la mobilisation de l'épargne des Français et de l'assurance-vie – le travail engagé pour les entreprises liées à la défense nationale doit impérativement être accéléré pour l'ensemble des secteurs souverains.
Un des gros problèmes de l'Europe et de la France, c'est le manque de disponibilité des capitaux, qui crée des vulnérabilités et permet que des capitaux étrangers, tantôt chinois, tantôt en provenance du Golfe, tantôt américains, viennent au secours d'entreprises françaises qui n'ont pourtant pas spécialement envie de se donner à ces fonds. Nous devons donc trouver une solution au manque de capitaux disponibles. Nous allons protéger cette entreprise : EDF restera actionnaire et la procédure IEF, qui est une bonne procédure, fonctionnera. Mais derrière tout cela, il va bien falloir quand même traiter le mal à la racine et aborder, dans les prochains jours, la question de la disponibilité des capitaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 novembre 2025