Abrogation de l’accord de 1968 avec l’Algérie
Question de :
Mme Marine Le Pen
Pas-de-Calais (11e circonscription) - Rassemblement National
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 2025
ABROGATION DE L'ACCORD DE 1968 AVEC L'ALGÉRIE
Mme la présidente . La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen . Monsieur le premier ministre, le 5 juillet 1962, l'Algérie prenait son indépendance. Le 30 octobre 2025, la France affirmait enfin la sienne. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Après cinquante-sept ans d'un accord anachronique, peu glorieux pour l'Algérie et léonin pour la France, il était temps de purger les reliquats d'une situation coloniale. (Mêmes mouvements.)
Mme Danielle Simonnet . Nostalgie !
Mme Marine Le Pen . Les patriotes algériens devraient se réjouir de notre vote : rien n'a jamais justifié qu'un grand pays comme l'Algérie ne soit pas traité par la France comme tous les autres pays du monde et se trouve dans la situation humiliante de bénéficier d'une sorte de régime de discrimination positive de la part de l'ancienne puissance coloniale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Brun . Avec vous, surtout négative !
Mme Marine Le Pen . L'Assemblée nationale française est également venue mettre fin à un accord dicté…
M. Philippe Brun . Par le général de Gaulle !
Mme Marine Le Pen . …en son temps par un certain patronat sans scrupule qui cherchait à disposer d'une main d'œuvre venue d'ailleurs pour travailler à bas prix dans des conditions bien souvent peu reluisantes.
M. Jean-Paul Lecoq . Vos amis !
Mme Marine Le Pen . Ce vote est donc le symbole du changement d'époque et, pour les travailleurs algériens comme pour les travailleurs français, celui du retour à une morale sociale élémentaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce vote de l'Assemblée va également permettre au gouvernement de nous montrer si vos déclarations, monsieur le premier ministre, sur la reconnaissance du Parlement relèvent d'une adhésion réfléchie ou d'un élément de langage, d'un changement réel de mentalité ou d'un effet de manche déployé dans le but de neutraliser certains députés apeurés à l'idée de retourner devant les électeurs. Monsieur Lecornu, je veux croire en votre honnêteté et, monsieur le premier ministre, je veux croire en votre sincérité. Puisque vous avez conditionné la légitimité de votre ministère à la reconnaissance explicite d'un régime parlementarisé, ma question sera simple : comment et sous quel délai comptez-vous mettre en application le vote de l'Assemblée nationale qui décide pour la France d'abroger l'accord de 1968 avec l'Algérie ? (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
Mme Sandrine Rousseau . Jamais !
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Avant de vous répondre précisément sur le fond, deux points de méthode.
Dans mes anciennes fonctions de ministre des armées, je me suis fixé une règle, que je continue à m’appliquer comme premier ministre : ne jamais faire de l’Algérie un sujet de politique intérieure en France (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.), d’autant plus qu’il est arrivé que la France devienne un sujet de politique intérieure en Algérie. Je souhaite qu’on puisse avancer sur ce chemin.
Le deuxième point concerne la Constitution de 1958, que nous respectons tous. Elle prévoit que les traités et les accords relèvent de la compétence de l’exécutif…
M. Jean-Paul Lecoq . Elle ne le sait pas, elle n'a jamais gouverné ! Par contre Édouard Philippe le savait, il a été premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . …et qu’il revient ensuite à l’Assemblée nationale de les ratifier par son vote. Ce qui a été voté est une résolution et seulement une résolution. Cela ne signifie pas que le gouvernement de la République ne prend pas acte du vote de l’Assemblée nationale…
Mme Marine Le Pen . Je ne crois pas !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . …mais ne faisons pas de cette résolution ce qu’elle n’est pas.
M. Thierry Tesson . Courage, fuyons !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Sur le fond, je ne crois pas à l'abrogation de cet accord mais plutôt à sa renégociation.
M. Thierry Tesson . Eh bien !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Soyons précis : il y a déjà eu trois renégociations dans l'histoire, deux menées par des gouvernements de gauche et une autre par un gouvernement de droite. Cet accord est caduc, il n’est plus complètement à jour au regard des attentes des deux parties.
La feuille de route que je propose est de repartir de la décision de renégocier cet accord qu'a proposée le comité intergouvernemental de haut niveau d'octobre 2022, entre la France et l’Algérie. Nous savons tous ce qu’il s’est passé depuis, avec les différentes pannes et freins dans la relation entre la France et l’Algérie.
Je considère qu’il faut remettre cette négociation sur la table en partant de nos intérêts plus globaux. Il n’y a pas que la question migratoire, mais aussi celles de la lutte contre le terrorisme, de la coopération en matière de sécurité, de la pression terroriste qui monte au Sahel, de la sécurité maritime, mais aussi les questions économiques. Le moment est venu d’avoir une approche beaucoup plus globale de la relation bilatérale.
Je vous rejoins sur le respect de la souveraineté de l’Algérie. Quels que soient nos désaccords avec les gouvernements algériens, nous devons être capables de mener une discussion exigeante et protectrice de nos intérêts.
On sait que ces choses peuvent prendre du temps. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) La renégociation doit donc démarrer le plus vite possible. Il revient au ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et aux ministres de l’intérieur et des armées pour ce qui les concernent, d’arrêter une méthodologie avec leurs homologues.
On ne peut pas évoquer cette question sans citer le cas de nos compatriotes Christophe Gleizes et Boualem Sansal. (Applaudissement sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, Dem et GDR. – Quelques députés du groupe EPR se lèvent pour applaudir.) L’ensemble des services de l’État, notamment ceux de notre diplomatie sont mobilisés et poursuivent leurs efforts pour obtenir leur libération.
L’Algérie n’est donc pas un sujet de politique intérieure, mais un sujet bilatéral de respect qu’il convient de traiter avec beaucoup de sang froid pour nous permettre d’avancer. Vous avez parlé d’histoire, il y a aussi une réalité, celle de la géographie, que nous ne pouvons pas mettre de côté. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen . La renégociation, c'est votre avis personnel mais ce n'est pas ce qu'a voté l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Frédéric Boccaletti . Exactement !
Auteur : Mme Marine Le Pen
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 novembre 2025