Découverts bancaires
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 2025
DÉCOUVERTS BANCAIRES
Mme la présidente . La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon . Monsieur le ministre de l'économie et des finances, avec votre ordonnance sur le découvert bancaire, vous condamnez des millions de foyers à une précarité encore plus grande. Pour beaucoup de nos concitoyens, le découvert représente malheureusement un moyen de respirer, un filet de survie qui permet de faire face aux dépenses du quotidien, d’atteindre la fin du mois sans sombrer. Les chiffres sont clairs : près d’un Français sur cinq est à découvert chaque mois d’après le dernier baromètre de la précarité en France. Les territoires ultramarins, qui subissent des taux de pauvreté records et qui sont frappés par des frais bancaires bien plus élevés que dans l’Hexagone, seront les premiers touchés par cette mesure. Le taux de pauvreté à La Réunion s'élève à 36 % ; la survie des familles y dépend en grande partie de cette autorisation de découvert. En durcissant les règles d’accès, vous privez les plus modestes d’un outil vital.
Ceux qui n’y auront plus droit se tourneront fatalement vers les sociétés de crédit à la consommation, avec des taux d’intérêt exorbitants. Il en résultera davantage de dettes, de surendettement et de drames humains.
M. Stéphane Peu . Tout à fait !
Mme Karine Lebon . Tout cela est décidé par un Conseil des ministres déconnecté de la réalité des Françaises et des Français qui comptent chaque euro. L’Union européenne n’a jamais exigé une telle sévérité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR ainsi que sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ainsi le montant de 200 euros n'est-il pas mentionné dans le texte européen qui vise à renforcer la protection des consommateurs. Cependant, vous en avez dévoyé l’esprit : ce qui devait les protéger devient une arme contre les plus fragiles. Vous réduisez la survie de nos concitoyens à une simple question de solvabilité et aux décisions unilatérales des banques. On n’extermine pas la pauvreté en exterminant les pauvres. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Attelez-vous enfin à une politique de redistribution juste des richesses. Mais vous n’en prenez pas le chemin. Les Français l’auront définitivement compris : donnez le pouvoir à un banquier, il donnera ce pouvoir aux banques. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . Je suis désolé mais je ne peux pas vous laisser dire ça. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous colportez de fausses nouvelles. Je vais tenter de vous éclairer. La directive européenne que, j'imagine, vous avez lue, généralise à l'Union européenne des pratiques déjà effectives en France.
M. Daniel Labaronne . Eh oui !
M. Roland Lescure, ministre . Les banques y étaient déjà obligées, au-delà de 200 euros, de procéder à une analyse systématique une fois pour toutes de la capacité d'un ménage à vivre avec des découverts. Heureusement que les banques le font ! La directive ne rend évidemment pas l'autorisation de découvert automatique, mais celle-ci ne l'était pas auparavant ; elle encadre les conditions qui permettent aux banques d'autoriser les découverts pour éviter qu'ils soient trop importants. (M. Jean-Paul Lecoq s'exclame.)
J'entends qu'on me parle des frais : je vais y venir parce que c'est très important. Il n'y aura ni interdiction, ni automaticité. La directive ne change rien à ce sujet. Ce qui change, c'est qu'en dessous de 200 euros, l'analyse qui était déjà effectuée par les banques deviendra systématique. Ensuite, vous avez parlé des frais.
Mme Karine Lebon . Non !
M. Roland Lescure, ministre . Jusqu'à présent, une banque était en droit de prélever des frais fixes allant jusqu'à 5 euros, auxquels il fallait ajouter les frais d'intérêt, pour un découvert qui ne représentait parfois que 10 ou 15 euros. Ces forfaits fixes sont désormais interdits.
Si tous les groupes représentés au Parlement européen ont voté pour cette directive, c'est peut-être qu'elle n'était pas si mauvaise que ça. Des gens votent à Bruxelles pour des réglementations qu'on retranscrit dans le droit français. Seulement sept parlementaires européens ont voté contre la directive : ils ne sont issus d'aucune des familles politiques présentes ici. S'il vous plaît, évitons les fake news ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot . Vous racontez n'importe quoi !
Mme la présidente . La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon . Le découvert moyen des Français est de 411 euros par mois. Pourquoi avoir fixé ce seuil à 200 euros ?
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 novembre 2025