Avenir de l'éducation à Saint-Martin
Question de :
M. Frantz Gumbs
Saint-Barthélemy et Saint-Martin (1re circonscription) - Les Démocrates
M. Frantz Gumbs appelle l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'avenir de l'éducation à Saint-Martin. Depuis plusieurs semaines, syndicats d'enseignants et fédérations de parents d'élèves sont mobilisés pour dénoncer la suppression de 89 postes à la rentrée 2025 dans l'académie de Guadeloupe. Là où les performances scolaires se situent bien en deçà des résultats nationaux, ces mesures sont de nature à aggraver la situation et à mettre en péril la qualité de l'enseignement proposé aux élèves scolarisés dans l'académie. Bien qu'une avancée ait été obtenue le 31 mars 2025 avec l'annonce de 13 postes sauvegardés, cette décision n'est toujours pas satisfaisante ni suffisante et elle aura inévitablement des conséquences sur Saint-Martin. Saint-Martin où plus de 8 écoliers sur 10 et près de 7 collégiens sur 10 sont scolarisés en éducation prioritaire ! Saint-Martin où le taux moyen d'élèves présentant une maîtrise satisfaisante en français se situe à 25,8 points en deçà du taux moyen académique et à 40,4 points en deçà du taux moyen national. Dans ce contexte territorial si particulier, la logique comptable qui consiste à supprimer des postes lorsque les effectifs sont en baisse n'est absolument pas adaptée et elle est même tout à fait incompatible avec toute perspective d'amélioration des résultats. Il est primordial de contextualiser les méthodes, les contenus et les critères d'attribution des moyens humains. À défaut, ce sont les élèves les plus fragiles qui continueront à payer le prix de ces règles déconnectées de la réalité. Là où les indicateurs de réussite sont si faibles, pourquoi ne pas plutôt saisir l'opportunité de la baisse des effectifs pour favoriser la réussite des élèves ? La situation de l'état de l'école dans l'académie de Guadeloupe doit être posée. La Guadeloupe n'est pas Paris, Saint-Martin n'est pas la Guadeloupe. Il semble à M. le député impérieux d'analyser les causes de ces disparités pour mieux réfléchir à des solutions idoines pour mener les élèves au moins au même niveau de réussite scolaire que partout ailleurs. M. le député sait qu'une mission ministérielle devrait être programmée au mois de mai 2025. Il l'invite à prévoir, à cette occasion, une séquence à Saint-Martin et souhaite connaître les perspectives à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
CONDITIONS D'ENSEIGNEMENT À SAINT-MARTIN
Mme la présidente . La parole est à M. Frantz Gumbs, pour exposer sa question, n° 311, relative aux conditions d'enseignement à Saint-Martin.
M. Frantz Gumbs . Je me suis permis de comparer les résultats du Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – de cinq pays que nous connaissons tous, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, en privilégiant deux matières : les mathématiques et la lecture. Ces cinq pays sont comparables parce qu'ils connaissent des évolutions sociétales similaires, caractérisées par des publics scolaires d’une grande diversité ethnique et culturelle, en particulier linguistique, dans certains endroits. La France est quatrième sur cinq en mathématiques et cinquième sur cinq en lecture.
Dans ce contexte, je souhaite vous faire part de mon sentiment que le système éducatif français aurait de meilleurs résultats sur ces territoires à forte identité régionale si, la formation académique des enseignants étant la même pour tous, le profil culturel de ces derniers leur laissait plus de liberté pour s’adapter à la culture régionale, en particulier linguistique, du public scolaire qu’ils rencontrent. Le premier résultat serait selon moi une modification du rapport à l’école, de la confiance en l’école de la part des élèves et de leurs parents.
J'illustrerai mon propos avec l'exemple de l’académie de Guadeloupe, en particulier celui du territoire de Saint-Martin. À Saint-Martin, la langue usuelle la plus parlée est l’anglais saint-martinois, plus de huit écoliers sur dix et près de sept collégiens sur six sont scolarisés en réseau d'éducation prioritaire (REP), et les évaluations nationales montrent que le taux moyen d’élèves présentant une maîtrise satisfaisante en français est de vingt-six points inférieur au taux moyen académique, et de quarante points inférieur au taux moyen national, étant précisé que, d’aussi loin que je me souvienne, on constate ces contre-performances – autant dire qu’elles existent depuis très longtemps –, et que ces résultats se sont aggravés entre 2023 et 2024.
Dans ce contexte territorial si particulier, la logique comptable qui consiste à supprimer des postes lorsque les effectifs sont en baisse n'est pas de nature à améliorer les résultats. La revendication de postes et de moyens n’est cependant pas mon sujet aujourd’hui ; les organisations syndicales le font suffisamment bien. Il me semble en revanche qu’un des facteurs qui influence négativement les résultats scolaires dans ce contexte culturel si particulier est précisément la trop grande déconnexion culturelle entre enseignants et enseignés.
Afin d'améliorer la situation et les résultats scolaires, il me semble nécessaire, entre autres, d'adapter l’organisation des mouvements interacadémiques, en séparant les demandes visant la Guadeloupe proprement dite de celles destinées à Saint-Martin et de celles destinées à Saint-Barthélemy, et aussi de favoriser le recrutement de profils volontaires, adaptés et préparés. À défaut de l'avoir choisie, de trop nombreux enseignants subissent leur affectation, la vivent mal et font tout pour partir le plus rapidement possible.
Pourriez-vous envisager de porter un regard particulier sur l’état de l’école dans les outre-mer, dans l’académie de Guadeloupe et dans ma circonscription en particulier ? Nous ne pouvons pas continuer à être ainsi, indéfiniment, au-dessous de tout.
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Je me permets de vous répondre au nom de Mme la ministre de l'éducation nationale qui m'a fourni les éléments suivants. Votre question permet de revenir sur l’importance que nous attachons à la réussite des élèves partout sur le territoire. Cette réussite passe par l’amélioration des conditions d’encadrement. Nous faisons le constat d’une forte baisse démographique, comme vous le savez : pour la rentrée 2025, nous compterons près de 93 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Cette baisse touche la métropole, mais aussi plusieurs territoires ultramarins, en particulier les Antilles françaises ainsi que Saint-Martin. De cette baisse démographique, nous faisons une force, qui permettra de poursuivre la baisse du nombre moyen d’élèves par classe, lequel atteindra à la rentrée prochaine le niveau historiquement bas de 21,1 élèves par classe en moyenne. C'est aussi un facteur de réussite. Vous invitez la ministre d’État à mettre la baisse démographique au service de la réduction des inégalités sociales et territoriales : c’est bien ce que nous faisons, à l’échelle nationale comme à l'échelle locale.
Pour l’académie de Guadeloupe, la diminution des effectifs depuis 2017 est de l’ordre de 18 %, plus du double de la moyenne de la baisse nationale. Malgré cette évolution, les moyens ont été maintenus, ce qui s’est traduit par l’amélioration du taux d’encadrement des élèves, passé, entre 2017 et aujourd’hui, de 21 à 16,3 élèves par classe dans l’académie.
À Saint-Martin, la baisse des effectifs sera de 2,7 % à la rentrée. Afin de préserver les conditions d’apprentissage les plus satisfaisantes possibles, seules quatre classes seront supprimées sur les dix-sept fermetures prévues initialement. Nous sommes très attentifs à ce que la fermeture des classes n'affecte en rien la réussite des élèves.
Concernant enfin l'adaptation des enseignants aux publics particuliers de ces territoires, vous devrez en discuter plus avant avec la ministre de l'éducation nationale.
Auteur : M. Frantz Gumbs
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025