Fin de la trêve hivernale et enfants à la rue
Question de :
Mme Soumya Bourouaha
Seine-Saint-Denis (4e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Soumya Bourouaha alerte Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur la fin de la trêve hivernale et la mise à la rue de familles avec leurs enfants alors que le nombre de sans abris en France - et particulièrement des enfants - n'a jamais été aussi important.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
FIN DE LA TRÊVE HIVERNALE
Mme la présidente . La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour exposer sa question, n° 323, relative à la fin de la trêve hivernale.
Mme Soumya Bourouaha . Je souhaite faire part de ma vive inquiétude et de ma colère. Lors de mes permanences, je n'ai jamais reçu autant de familles et d’enfants qui dorment à la rue que cet hiver. La crise du logement dans notre pays est catastrophique. Les structures d’hébergement d’urgence n’ont plus les capacités de mettre à l’abri toutes les personnes vulnérables, y compris lorsqu’il s’agit d’enfants.
En août 2024, l’Unicef France recensait 2 043 enfants dont la famille restait sans solution d’hébergement après avoir sollicité le 115. En Seine-Saint-Denis, où je suis élue, ce chiffre s'est accru de 23 % en quatre ans. Pire, dans son dernier rapport, la Fondation pour le logement des défavorisés estime que plus de 8 000 personnes, dont 2 800 enfants, sont refoulées chaque soir au 115 faute d'hébergement. Nous ne pouvons accepter cela en France !
Alors que les expulsions ont repris avec la fin de la trêve hivernale, le 31 mars, je crains que cette situation s’aggrave. En effet, l'été approche et l'on considère que cette saison est encore plus dure que l'hiver pour les sans-abri. Pour protéger les locataires expulsés, deux villes de ma circonscription, La Courneuve et Stains, ont pris des arrêtés suspendant la mise en œuvre des expulsions le temps de trouver une solution de relogement afin d'empêcher toute mise à la rue. Je tiens à saluer l’action de ces communes et de toutes les associations qui se battent quotidiennement pour trouver des solutions pérennes, alors que nous restons dans l’attente d’une politique de l’État plus ambitieuse en matière de logement et d'hébergement.
Il y a urgence car, d’année en année, le nombre de mises à la rue augmente. En effet, la Fondation pour le logement des défavorisés a relevé que 24 000 ménages ont été expulsés en 2024. Ce chiffre dépasse le record précédent, soit 19 000 expulsions en 2023 : il a plus que doublé en dix ans.
D'après les retours de plusieurs territoires, ce chiffre record, en hausse de plus de 130 % en vingt ans, risque fort d'augmenter encore en 2025 : les bailleurs constatent une hausse des impayés en lien avec la crise économique, l'inflation et l'augmentation des prix de l'énergie.
Il faut renforcer l’hébergement d’urgence, en finir avec les suppressions de places et se donner les moyens d’en créer de nouvelles. Comme les associations, nous demandons au gouvernement de conduire une politique pluriannuelle de lutte contre le sans-abrisme et de relancer la construction de logements sociaux. Quand tant d’enfants dorment à la rue, que faites-vous pour les protéger ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . On ne peut rester insensible à votre question. Depuis 2017, grâce aux plans « logement d'abord », plus de 650 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement. En complément de ce programme, l'hébergement d'urgence reste indispensable pour répondre aux situations de crise et de grande précarité. Depuis 2020, plus de 200 000 places sont ouvertes chaque année – 203 000 à l'heure actuelle – pour mettre à l'abri des familles, où grandissent près de 70 000 enfants. On estime également qu'environ 25 000 mineurs bénéficient des dispositifs d'intermédiation locative financés par l'État ; au total, plus de 80 000 personnes sont logées grâce à ce mécanisme. Entre 2017 et 2023, cet effort s'est traduit par une augmentation de 57 % du budget dédié à l'hébergement d'urgence, qui s'établit à plus de 3 milliards d'euros.
Vous avez, à juste titre, rappelé la situation en Seine-Saint-Denis. Pour faire face aux besoins de ce département, le nombre des places d'hébergement financées par le ministère du logement y a augmenté de 40 % en cinq ans.
Le 31 mars dernier, la trêve hivernale a pris fin. À cette occasion, ma collègue Valérie Létard, ministre chargée du logement, a transmis une instruction aux préfets, préconisant notamment de renforcer les dispositifs d'accompagnement des locataires dès les premiers impayés de loyers, pour limiter au maximum le recours à la procédure judiciaire. On a créé vingt-six équipes mobiles destinées à aller au-devant des locataires du parc privé en situation d'impayé. Les financements alloués au renfort des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ont récemment été augmentés dans les soixante-cinq départements où les expulsions sont le plus fréquentes.
Toujours dans une optique de prévention renforcée, la ministre chargée du logement a relancé l'Observatoire national des impayés de loyers et de charges, qui se réunira au début du mois de mai. Elle travaille également avec son collègue chargé de la santé et de l'accès aux soins pour améliorer la prise en charge sanitaire dans les centres d'hébergement, qui profitera au premier chef aux enfants. Le gouvernement, notamment ma collègue Valérie Létard, reste pleinement mobilisé.
Auteur : Mme Soumya Bourouaha
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025