Question orale n° 327 :
Continuité du service public garantissant l'accès à la contraception et à l'IVG

17e Législature

Question de : Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Rhône (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la menace qui pèse sur la continuité de l'offre de service public garantissant la liberté du recours à la contraception et à l'IVG. À Lyon, les médecins de la maison médicale « La Présence », établissement pourtant conventionné secteur 1, font usage de leur clause de conscience générale pour ne pas prescrire de pilules contraceptives et d'IVG et indiquent à leurs patientes avoir été formés à la « gestion naturelle de la fertilité comme alternative à la contraception », en contradiction avec la Haute Autorité de la santé qui mentionne que « l'information délivrée doit être claire, loyale, appropriée et permettre un choix éclairé de la méthode contraceptive » dans ses recommandations de 2025 sur l'accompagnement de la vie intime, affective et sexuelle des personnes en établissements et services médico-sociaux. Elle lui demande comment elle compte assurer l'accès à la santé sexuelle pour les femmes sur tout le territoire, alors que la couverture médicale est en déclin à Lyon et que les femmes vivant dans des déserts médicaux rencontrent de plus en plus de difficultés d'accès à la contraception et à l'avortement.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ACCÈS À LA CONTRACEPTION ET À L'IVG
Mme la présidente . La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, pour exposer sa question, n°  327, relative à l'accès à la contraception et à l'IVG.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi . À Lyon, l’accès à la pilule contraceptive et à l’IVG est de plus en plus menacé. Dans la maison médicale La Présence, pourtant conventionnée en secteur 1 par la sécurité sociale, certains médecins invoquent une clause de conscience généralisée pour refuser la prescription de contraceptifs aux femmes et aux jeunes filles qui les consultent. Une pratique qui, sous couvert de convictions personnelles, constitue une entrave grave et directe à un droit fondamental. Soixante ans après la loi Neuwirth qui a légalisé la contraception en France, il est inacceptable que ce droit – celui de disposer librement de notre corps – soit remis en cause.

De façon plus alarmante encore, ces praticiens promeuvent une prétendue « gestion naturelle de la fertilité », dont le taux d’échec est estimé entre 30 à 40 % selon la méthode employée. Ces praticiens ne respectent pas la déontologie médicale qui les oblige à transmettre une information claire et loyale aux patients. La propagation de fausses informations comme une gestion de la contraception par le suivi du cycle menstruel peut mettre les femmes en danger. Que font l’agence régionale de santé (ARS) et l’Ordre des médecins ?

Depuis 2019, cette maison médicale a fait l’objet de plusieurs signalements à l’ARS de la part du Planning familial, demeurés sans réponse. Sommes-nous réellement en train de faire marche arrière et de piétiner toutes ces femmes qui se sont battues dans ces murs et en dehors pour faire respecter nos droits ?

Cette situation s’inscrit dans un climat plus large de remise en cause des droits des femmes. Au café Simone, dans le 2e arrondissement de Lyon, des conférences sont organisées pour désinformer et culpabiliser les femmes qui ont recours à l’avortement. Il y a moins d’un mois, des militants anti-avortement ont défilé dans les rues de Lyon afin de promouvoir leur vision rétrograde et dangereuse pour nos corps et nos vies.

La contraception et l'IVG ne sont pas seulement des actes médicaux ; ce sont des conquêtes sociales, une affirmation de liberté, d'égalité et de dignité. L'IVG est un choix, parfois difficile, toujours personnel. Il appartient à chacune de pouvoir décider de sa vie, de sa maternité, de son avenir. Personne ne peut, ni ne doit, juger ni entraver cet intime cheminement.

Protéger l'IVG, c'est aussi garantir l'accès effectif à ce droit, partout et pour toutes. Car un droit théorique, sans moyens concrets pour l'exercer, est toujours une illusion. Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous mobiliser pour garantir le droit à la contraception et à l’IVG sur l’ensemble du territoire ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . S'agissant du cas particulier de la maison médicale lyonnaise La Présence que vous évoquez, je tiens à vous assurer que l'agence régionale de santé est informée et mobilisée, et qu'un travail est engagé avec la présidente du conseil départemental du Rhône de l'Ordre des médecins et avec des élus de la ville de Lyon, pour faire toute la lumière sur les pratiques que vous avez signalées. Les faits que vous rapportez requièrent toute notre attention.

Si la clause de conscience est un droit, elle ne peut en aucun cas faire obstacle à l'accès aux soins ou à une information claire, loyale et appropriée, comme le rappellent les recommandations récentes de la Haute Autorité de santé (HAS) relatives à l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. D'autant que nous venons de commémorer la promulgation, il y a cinquante ans, de la loi Veil.

Plus largement, la métropole de Lyon dispose d'un maillage sanitaire serré : la densité des sages-femmes y est nettement supérieure à la moyenne nationale, avec 3,6 sages-femmes pour 10 000 femmes, contre 2,4 dans le reste du pays. De même, la densité de médecins y est de 11,5 pour 10 000 habitants, contre 8,2 à l'échelle nationale. La métropole de Lyon compte également dix-sept centres de santé et d'éducation sexuelles. Enfin, l'accès à la pilule du lendemain a été étendu en pharmacie, sans ordonnance et sans avance de frais ; nous avons également instauré, pour les moins de 26 ans, le dispositif Mon test IST, sans rendez-vous et sans ordonnance, en laboratoire.

Par ailleurs, le développement de l'accès à l'IVG en établissement de santé demeure un axe prioritaire de mon ministère. Le décret du 23 avril 2024 permet désormais aux sages-femmes de réaliser des IVG en établissement de santé dans les mêmes conditions que les médecins. Cet élargissement de leurs compétences permet l'accès à la technique instrumentale dans de plus nombreux territoires.

Enfin, l'organisation d'une enquête nationale permettant d'évaluer précisément les délais d'accès à l'IVG, les parcours des patientes et les représentations de l'IVG au sein de la population, a été annoncée le 7 mars 2025. Les résultats de cette enquête permettront, j'en suis sûr, d'affiner les politiques publiques destinées à améliorer l'accès à l'IVG en France.

Mme la présidente . La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi . J'ai reçu plusieurs témoignages assez affolants concernant la maison médicale La Présence. Plusieurs femmes ont confié avoir essuyé des refus de prescription de la pilule ; les praticiens leur expliquent que la pilule n'est pas fiable et ces femmes se trouvent renvoyées à des méthodes pour connaître leur cycle et leur période de fertilité. Une autre patiente s'est vue refuser la prescription d'une ordonnance de dépistage de la trisomie 21, alors qu'elle était enceinte ; le médecin a finalement accepté de la fournir à condition que cela soit seulement à titre d'information, précisant à la patiente qu'il ne pourrait tolérer une décision d'avortement prise en cas de test positif.

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre . Madame la députée, les faits que vous rapportez sont graves. Je rappelle que garantir les droits sexuels et reproductifs n'est pas une option, mais une obligation constitutionnelle, éthique et de santé publique. En tant que ministre de la santé de la France, j'y veillerai.

Données clés

Auteur : Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Type de question : Question orale

Rubrique : Interruption volontaire de grossesse

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025

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