Question orale n° 329 :
Droits des résidents étrangers

17e Législature

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les droits des résidents étrangers. « À la préfecture on m'a dit que je n'avais qu'à faire ma demande en ligne ». « Ça fait un an déjà que je n'arrive pas à prendre de rendez-vous ». « Ça fait un an et demi que j'attends mon titre de séjour, je n'obtiens qu'un récépissé après l'autre ». « Je n'ai pas réussi à faire renouveler mon titre de séjour, j'ai perdu mon emploi et j'ai reçu une obligation de quitter le territoire français ». Ces témoignages, ce sont ceux des habitantes et des habitants de la circonscription de M. le député, à Aubervilliers et Pantin. Depuis des années, il reçoit chaque semaine dans ses permanences parlementaires des ressortissants étrangers, qui ne parviennent pas à faire les démarches nécessaires pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour. Parce qu'ils en sont empêchés, par un système dysfonctionnel et brutal. Depuis des années, il alerte les autorités sur cette situation intolérable. Et pourtant rien ne change. Au contraire, la situation s'aggrave. Dans son département, la Seine-Saint-Denis, qui compte 30 % de résidents étrangers, cette situation touche des centaines de milliers de personnes. Pour elles, les difficultés s'accumulent à chaque étape, faisant de la procédure administrative un véritable parcours du combattant. Manque d'accueil physique dans les préfectures et sous-préfectures. Dysfonctionnements récurrents de tous les services en ligne dédiés. Délais à rallonge pour l'instruction des dossiers et de fabrication des titres. Absence totale de rendez-vous pour déposer un dossier et même pour récupérer un titre fabriqué. Ce n'est pas l'annonce récente d'un « plan d'action départemental » qui changera grand-chose à cet état de fait. Les ressortissants étrangers se trouvent soumis à une situation de non-droit. Un système opaque et arbitraire, dans lequel le droit élémentaire de chacun à accéder au service public n'est plus garanti. Et la corruption prospère, quand les rendez-vous en préfecture se monnayent pour plusieurs centaines d'euros, par le biais d'entremetteurs crapuleux, sur internet ou de main en main. Le nombre et l'éventail des personnes concernées par cette situation scandaleuse ne cesse d'augmenter et de s'élargir. Il y a dix ans, les problèmes concernaient avant tout les personnes sollicitant pour la première fois une admission exceptionnelle au séjour. Ils touchent aujourd'hui massivement des personnes déjà titulaires d'un titre de séjour, souhaitant effectuer un changement de statut ou effectuant le renouvellement de celui-ci. Des conjoints de citoyens français également. Pour tous ceux qui subissent ces difficultés, les conséquences sont dramatiques. Certains se voient privés de toute possibilité de régularisation. D'autres encore qui sont en situation régulière, se retrouvent sans papiers, privés de leurs droits, perdent leur emploi. Une véritable machine à précariser et à exclure. Des vies mises entre parenthèses. Brisées. Les causes de cette situation dégradée sont connues de tous. Elles sont structurelles. Elles tiennent d'abord à la logique de dématérialisation totale des procédures, qui crée une fracture entre le service public et les usagers. Elles se rapportent également au manque de moyens matériels et humains à la hauteur des besoins. Mais quand ces carences durent et s'accroissent depuis des années au vu et au su des autorités, sans réel effort pour y remédier, l'on ne peut que conclure qu'elles font système. Un système qui met en œuvre une politique d'exclusion tacite, aux dépens de la dignité des personnes, de leurs droits, de la vocation du service public et des principes de la République. Un système qui est le fruit d'une intention tout à fait délibérée. Quand M. le Premier ministre lui-même reprend les mots de l'extrême-droite en évoquant une « submersion migratoire » contre laquelle il conviendrait de lutter, l'on comprend aisément qu'il y a « une volonté politique de multiplier les obstacles » pour les étrangers, comme le déclarait récemment le président de la Fédération des acteurs de solidarité. Avec dix autres associations, celle-ci a récemment saisi le Conseil d'État pour dénoncer les dysfonctionnements auxquels sont exposés les étrangers dans leurs démarches administratives. M. le député n'accepte ni que les services de l'État manquent ainsi à leurs devoirs, ni que les ressortissants étrangers soient privés de leurs droits et traités en citoyens de seconde catégorie. Ces hommes et ces femmes vivent dans le pays depuis des années, y ont fondé une famille, y travaillent, contribuent à la collectivité, se conforment à la loi et à tous leurs devoirs. Elles ne demandent rien d'autre que leurs droits. Il lui demande alors quand il va enfin les respecter.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

ÉTRANGERS
Mme la présidente . La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  329, relative aux étrangers.

M. Bastien Lachaud. « À la préfecture, on m’a dit que je n’avais qu’à faire ma demande en ligne. » « Ça fait un an déjà que je n’arrive pas à prendre rendez-vous. » « Ça fait un an et demi que j’attends mon titre de séjour définitif. » « Je n’ai pas réussi à faire renouveler mon titre de séjour, j’ai perdu mon emploi et j’ai reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). »

Ces témoignages sont ceux des habitantes et des habitants de ma circonscription, à Aubervilliers et à Pantin. Depuis des années, dans mes permanences, je reçois des ressortissants étrangers qui ne parviennent pas à accomplir les démarches nécessaires pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour, parce qu’ils en sont empêchés par un système dysfonctionnel et brutal. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, qui compte 30 % de résidents étrangers, cette situation touche des centaines de milliers de personnes.

Depuis des années, j’alerte les autorités sur cette situation intolérable, mais rien ne change. Pire, la situation s’aggrave ! Il y a dix ans, les problèmes concernaient avant tout les personnes sollicitant une première admission exceptionnelle au séjour. Ils touchent désormais massivement des personnes déjà titulaires d’un titre de séjour, voulant changer de statut ou le renouveler, ainsi que des conjoints de citoyens français.

Les difficultés s’accumulent à chaque étape : absence d’accueil physique, dysfonctionnements récurrents de tous les services en ligne, délais à rallonge pour l’instruction et la fabrication des titres, absence totale de rendez-vous pour déposer un dossier et même pour récupérer un titre fabriqué. Nous avons affaire à une situation opaque et arbitraire, où le droit élémentaire d’accéder au service public est bafoué ; une situation de non-droit.

Résultat : la corruption prospère. Les rendez-vous en préfecture se monnayent pour plusieurs centaines d’euros, par le biais d’entremetteurs crapuleux ; des officines crapuleuses, qui exigent plusieurs milliers d’euros sans résultat garanti, ont pignon sur rue.

Les conséquences sont dramatiques : certains sont privés de toute possibilité de régularisation ; d’autres, en situation régulière, se retrouvent sans papiers et perdent leur emploi. Voilà une véritable machine à précariser et à exclure, qui brise des vies.

Les causes de cette situation sont structurelles. D’abord, la dématérialisation totale des procédures crée une fracture entre le service public et les usagers. Ensuite, les moyens matériels et humains ne sont pas à la hauteur des besoins. Malgré l’annonce récente d’un plan d’action départemental visant à améliorer cette situation, on ne peut qu’être très sceptique. En effet, ces carences s’accroissent depuis des années : on ne peut que conclure qu’elles font système. C'est un système d’exclusion, qui se développe aux dépens de la dignité des personnes, de leurs droits, de la vocation du service public et des principes de la République. Il est le fruit d’une intention tout à fait délibérée.

Il y a « une volonté politique de multiplier les obstacles » pour les étrangers, déclarait récemment la Fédération des acteurs de la solidarité. Qui peut en douter quand le Premier ministre lui-même reprend les mots de l’extrême droite, en évoquant une « submersion migratoire » contre laquelle il faudrait lutter, et quand la presse révèle que la préfecture de la Seine-Saint-Denis a mis en place, en toute illégalité, un système de fichage des étrangers en situation régulière dans les commissariats ? C'est révoltant !

Nous n’acceptons ni que les services de l’État manquent à leurs obligations, ni que les ressortissants étrangers soient traités comme des citoyens de seconde catégorie. Ces hommes et ces femmes vivent dans notre pays depuis des années, y ont fondé une famille, y travaillent, contribuent à la collectivité, se conforment à la loi et à tous leurs devoirs. Elles ne demandent rien d’autre que leurs droits, rien d’autre qu’un accueil et un traitement juste et digne de la part de l’État. Quand allez-vous enfin les respecter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Si vous me le permettez, je me substitue au ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour vous répondre. Je partage le constat que vous dressez ; en revanche, je ne partage pas votre interprétation ni les conséquences que vous en tirez.

Je veux tout de même vous donner quelques précisions. Tout d'abord, je vous assure que l'accès aux droits des usagers du service public est évidemment un combat quotidien du gouvernement. Conscient des conséquences que peuvent entraîner les délais de traitement dégradés dont vous avez parlé – et que j'ai d'ailleurs moi-même pu constater –, le ministère de l’intérieur a fait de la lutte contre la rupture de droits une priorité.

Ainsi, le portail de l’administration numérique pour les étrangers en France – plus connue sous l'acronyme Anef –, utilisable à tout moment, permet le dépôt dématérialisé d’une demande de titre de séjour, ce qui limite, pour l’usager, le nombre de passages en préfecture. Plus de 80 % des demandes font d’ores et déjà l’objet d’une téléprocédure.

Afin de garantir l'égal accès au service public et l'exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d'accompagnement numérique des usagers étrangers a été mis en place depuis novembre 2021 pour les personnes éloignées du numérique ou ne disposant pas d'un accès à internet. Cet accompagnement est réalisé par le centre de contact citoyen (CCC) de France Titres et par les points d’accueil numérique des préfectures et des sous-préfectures.

L’administration est par ailleurs tenue de mettre en œuvre une solution de substitution pour les usagers qui sont dans l’impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l'Anef.

En outre, afin d’éviter les situations de rupture de droits – c'est ce que vous évoquiez – et d'atténuer les incidences de délais de traitement dégradés, l'Anef permet à un grand nombre d’usagers de télécharger, depuis leur espace personnel, les documents suivants : une attestation de prolongation d’instruction renouvelable lorsque l’instruction se poursuit au-delà de la date de validité du titre expiré – ce document permet de justifier de la régularité du séjour ; et une attestation de décision favorable dès que l’administration statue favorablement sur la demande – ce document permet lui aussi de justifier de la régularité du séjour, dans l’attente de la remise effective du titre de séjour.

Je n'entrerai pas davantage dans le détail, mais de tels dispositifs sont déjà en vigueur. J'ajoute simplement qu'avant le prononcé d'une OQTF, la situation juridique de la personne concernée doit être vérifiée. (M. Bastien Lachaud et Mme Sophia Chikirou s'exclament.) C'est la réalité !

Mme la présidente . Merci, monsieur le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre . Je pourrais continuer mais Mme la présidente m'invite à conclure ; j'aurai d'autres occasions de compléter mon propos.

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025

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