Question orale n° 338 :
Situation inquiétante des vignerons

17e Législature

Question de : M. Pierre Meurin
Gard (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Pierre Meurin attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation inquiétante des vignerons et souhaite lui poser trois questions. Premièrement, la situation alarmante de la cave des Vignerons de Saint-Gély dans le Gard, qui illustre la rigidité kafkaïenne dont l'administration peut être l'auteur. Dans le cadre du plan de distillation d'urgence, la coopérative s'est vu exclure son vin par l'établissement public FranceAgriMer, au motif d'un surplus de 0,33 % du pourcentage d'alcool. Pourtant, le vin a bel et bien été réceptionné, contrôlé, puis distillé, mais la cave n'a pas été payée des 18 000 euros qui lui sont dus. La coopérative a tenté de défendre ses intérêts auprès de FranceAgriMer et a alerté le ministère de l'agriculture à plusieurs reprises. Cependant, la situation, manifestement injuste, n'a pas été résolue et la cave coopérative est toujours dans une situation financière plus que préoccupante. Que compte faire Mme la ministre afin d'aider cette coopérative, régler ce litige révoltant et venir en aide à des vignerons qui perdent espoir ? De plus, le plan prime à l'arrachage, piloté par le même FranceAgriMer et mis en place pour aider la filière viticole, prévoit une indemnisation en fonction des surfaces arrachées. Or cette prime est aujourd'hui jugée insuffisante par de nombreux professionnels pour compenser la perte d'exploitation à moyen terme. Pire encore, l'imposition de cette prime réduit encore davantage son efficacité en tant qu'outil de soutien. M. le député interroge Mme la ministre sur la possibilité d'exonérer cette prime afin d'en assurer son efficacité. Enfin, les producteurs français sont aujourd'hui pris en tenaille entre une multiplication des normes européennes, des exigences de certification sans réelles plus-values, une concurrence européenne et extra-européenne qui baisse le prix du marché et ne se plie pas toujours aux règles que doivent respecter les vignerons français. Il est urgent d'agir pour les vignerons, pour les 85 000 exploitations viticoles, pour les 500 000 emplois directs et indirects de ce secteur et pour le second contributeur à la balance commerciale française. Il lui demande donc ce qu'elle compte mettre en œuvre afin de soutenir concrètement les vignerons français dans la tourmente.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

VIGNERONS
Mme la présidente . La parole est à M. Pierre Meurin, pour exposer sa question, n°  338, relative aux vignerons.

M. Pierre Meurin . Tout d'abord, je vous remercie, madame la ministre de l'agriculture, de vous être rendue disponible pour échanger utilement avec nous ce matin.

Premièrement, je souhaite évoquer une question très spécifique. Ma circonscription, la quatrième du Gard, compte de nombreuses caves coopératives, parmi lesquelles la cave des vignerons de Saint-Gély. Celle-ci est confrontée à une situation alarmante, qui illustre la rigidité kafkaïenne dont l’administration fait parfois preuve.

Dans le cadre du plan de distillation d’urgence, l’établissement public FranceAgriMer a exclu le vin de la coopérative au motif qu'il présentait un degré d'alcool supérieur de 0,33 point au degré maximal autorisé. Le vin a bel et bien été réceptionné, contrôlé puis distillé, mais la cave n’a pas reçu les 18 000 euros qui lui sont dus, ce qui représente un manque à gagner très important pour une petite cave coopérative.

Celle-ci a tenté de défendre ses intérêts auprès de FranceAgriMer, qui a décidé de ce non-paiement, et a alerté le ministère de l’agriculture à plusieurs reprises – j'espère que vous avez au moins été informée de cette situation parfaitement injuste. Le problème, pendant depuis un an, n’a pas été résolu. La cave coopérative se trouve donc toujours dans une situation financière préoccupante.

Que comptez-vous faire pour régler ce litige ? L'administration ne doit pas être forte avec les faibles et faible avec les forts – ce qui est trop souvent le cas. Les vignerons attendent votre réponse.

J'en viens à ma deuxième question. Le plan d'arrachage, lancé pour aider la filière viticole et piloté par le même FranceAgriMer, prévoit une indemnisation en fonction des surfaces arrachées. Or cette prime est jugée encore insuffisante, d'autant plus que son imposition réduit son efficacité en tant qu’outil de soutien. Envisagez-vous, par exemple dans le cadre du prochain budget, une défiscalisation partielle ou totale de cette prime ?

Troisièmement, les producteurs français sont pris en tenaille entre, d'un côté, une multiplication des normes européennes – vous connaissez bien ce problème –, des normes nationales, des exigences de certification sans réelle plus-value et, de l'autre, une concurrence européenne et extra-européenne qui entraîne une baisse des prix du marché et qui se révèle déloyale puisqu'elle ne se plie pas toujours aux règles que doivent respecter nos vignerons.

Je rappelle que la France compte 85 000 exploitations viticoles, ce qui représente 500 000 emplois directs et indirects. Ce secteur est le second contributeur à la balance commerciale de notre pays – vous connaissez ces questions mieux que moi.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Pour avoir consacré mes premiers déplacements ministériels de terrain aux difficultés du vignoble, je mesure les défis auxquels sont confrontés les vignerons de votre département.

L'État ne ménage pas ses efforts pour soutenir la filière : 1 milliard d'euros a été consenti par l'État depuis 2020. Au cours des dernières années, ce soutien a notamment pris la forme de mesures de distillation, dont vous regrettez les modalités de contrôle. Vous le savez, ces mesures sont encadrées par Bruxelles. Cet encadrement est bien connu des opérateurs et FranceAgriMer ne peut s'en abstraire. J'ajoute que la cave que vous mentionnez a touché 300 000 euros, soit 94 % de l'aide demandée.

S'agissant de l'arrachage définitif, j'ai obtenu le feu vert de Bruxelles pour un financement à hauteur de 120 millions d'euros, comme l'avait sollicité mon prédécesseur. De nombreux viticulteurs ont recouru à cette mesure financée sur crédits nationaux. Son calibrage ne semble pas faire obstacle à son attractivité, puisque les crédits ont été consommés à 90 %.

Vous appelez de vos vœux une défiscalisation de la prime d'arrachage. Sachez que tout le monde demande des dispositifs de défiscalisation ! Or, en tant que parlementaire, vous connaissez comme moi la situation budgétaire du pays. L'heure n'est pas à la multiplication de telles mesures.

Depuis le plan d'arrachage, nous avons proposé, à la demande des professionnels, des prêts exceptionnels de court terme – avec un taux bonifié par l'État de 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et de 1,75 % pour les autres – ainsi que des prêts de consolidation de plus long terme et garantis gratuitement par l'État à 70 %. Il est évident que ces prêts étaient notamment destinés aux viticulteurs – qui avaient d'ailleurs formulé des demandes en ce sens.

J'ai en outre décidé de porter à 50 millions en 2024 le montant de l'enveloppe qui permet la prise en charge exceptionnelle de cotisations par la Mutualité sociale agricole. Cette mesure est ciblée notamment sur la viticulture.

Enfin, j'ai décidé de rendre aux vignerons le reliquat de 10 millions non mobilisé par l'arrachage définitif. Il financera une aide exceptionnelle au bénéfice des jeunes vignerons récemment installés. Les instructions ont été données aux préfets et les enveloppes régionales leur ont été notifiées.

N'en doutez pas, la ministre que je suis se bat pour le vignoble français, au niveau national comme au niveau international, notamment dans le différend qui nous oppose à la Chine et aux États-Unis.

Mme la présidente . La parole est à M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin . Je vous remercie pour ces réponses circonstanciées. Je répète simplement que, quelles que soient les aides reçues par la cave de Saint-Gély, celle-ci a été privée de 18 000 euros uniquement à cause d'un écart de 0,33 degré d'alcool. Il serait souhaitable de régler ce litige, toujours en cours.

Données clés

Auteur : M. Pierre Meurin

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025

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