Chiffres catastrophiques de la mortalité infantile en France
Question de :
M. Aurélien Pradié
Lot (1re circonscription) - Non inscrit
M. Aurélien Pradié interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la mortalité infantile en France, supérieure à la moyenne européenne alors qu'elle était la plus basse d'Europe jusque dans les années 1990. Les décès des nouveau-nés sont les plus nombreux, 74 % de la mortalité infantile est néonatale. Le taux de mortalité infantile était de 3,7 pour mille en moyenne en France en 2021 avec de fortes disparités selon les territoires, notamment dans les DOM TOM avec une moyenne de 7,7 pour mille naissances, dans le département du Lot de 5,1 pour mille, le Jura et l'Indre et Loire 5,2 pour mille. En 2023, le Lot affichait un taux de 6,2 pour mille. Au niveau national, la moyenne est passée à 4,1 pour mille en 2024. Les chiffres ne cessent de progresser. C'est un très mauvais signal. Or la mortalité infantile est un « indicateur clé de la qualité des soins périnatals et des politiques de santé publique ». Les pays d'Europe du nord connaissent des chiffres deux fois meilleurs avec des maternités même petites mais mieux dotées en effectifs. La Suède affiche le taux de mortalité infantile le plus bas du monde. Elle met en avant le suivi et l'accompagnement des mères avec des centres de soins de proximité. L'organisation des soins en territoire rural a aggravé les risques avec la fermeture des petites maternités pour raison de sécurité. D'autres problématiques sont venues se greffer : les distances d'accès aux soins mettent plus fortement en danger les mères et les nouveau-nés en zone rurale. L'exemple du Lot à cet égard est frappant, avec la fermeture de 3 maternités sur 4. En août 2023, la maternité de Cahors a dû fermer pendant deux jours faute de pédiatre. Il y a bien une corrélation entre la qualité de la prise en charge et le risque de mortalité infantile. Il lui demande quels moyens elle entend mettre en œuvre de façon pérenne pour enrailler ce phénomène préoccupant et gommer les inégalités territoriales.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
MORTALITÉ INFANTILE
Mme la présidente . La parole est à M. Aurélien Pradié, pour exposer sa question, n° 345, relative à la mortalité infantile.
M. Aurélien Pradié . Jusque dans les années 1990, la mortalité infantile – celle des bébés avant qu’ils n’aient atteint leur première année – était, en France, l’une des plus basses d’Europe, voire du monde. Depuis ces années, cependant, la mortalité infantile a connu dans notre pays une très forte augmentation, jusqu’à devenir une des plus élevées d’Europe. En 2021, la mortalité infantile nationale se situait en moyenne autour de 3 enfants pour 1 000 ; dans le département du Lot, elle dépassait les 6 pour 1 000 en 2023.
Il faut prendre la mesure de ce dont nous parlons : nous parlons d’enfants qui meurent, pour 75 % d’entre eux, dans les premiers jours ou les premiers mois avant qu’ils n’aient vécu un an. Ce chiffre devrait empêcher de dormir tout un gouvernement.
La mortalité infantile a toujours été, dans nos sociétés, un indicateur de développement, d’évolution et de progrès. Son augmentation est le signe de notre déclassement général, et cela concerne aussi notre système de soins. Le département dont je suis député est un de ceux qui sont aujourd’hui les plus frappés par la mortalité infantile. Les facteurs, assez mal connus, sont multiples : ils vont de l’accès aux soins – aux maternités en particulier – jusqu’à l’accompagnement général de la santé des mamans et des futurs enfants.
Ma question, monsieur le ministre, est simple : le gouvernement a-t-il pris conscience de l’extrême gravité que revêt, dans un pays comme le nôtre, l’augmentation de la mortalité des bébés de moins d’un an ? S’il en a conscience, quelles mesures réelles, urgentes et vitales, a-t-il l’intention de prendre ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Je vous remercie d’aborder ce sujet. La question de la mortalité infantile en France suscite en effet des inquiétudes.
Les chiffres publiés par l’Insee nous apprennent que la hausse de la mortalité infantile concerne surtout la période se situant entre la naissance et le vingt-septième jour, avec un taux de mortalité néonatale de 2 pour 1 000 naissances – taux assez proche de ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni.
Les causes en sont multiples. On peut évoquer l’âge des mères au moment de l’accouchement – avec des accouchements de femmes de plus en plus âgées, mais aussi de plus en plus jeunes –, un accroissement du nombre des grossesses multiples, des situations de précarité et peut-être, en effet, l’éloignement des maternités, y compris pour l’accompagnement des mères.
Nous avons un travail à effectuer pour que les maternités puissent assurer un maillage territorial tout en garantissant la sécurité sanitaire par la présence de pédiatres, de gynécologues et par la possibilité d’accéder à la réanimation néonatale. Nous avons, avec Catherine Vautrin, créé un registre national du décès et nos administrations ont déjà commencé à travailler à un plan et à des mesures qui nécessiteront des moyens humains et financiers spécifiques. Nous les débloquerons dès que nous aurons clairement identifié les causes sur lesquelles agir. Nous ferons également de l’encadrement néonatal, qui relève de deux décrets pris en 1998, une priorité. Le gouvernement a déjà entrepris le réexamen des standards de l’obstétrique, de la néonatalogie et de la réanimation néonatale.
Mme la présidente . La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié . Je ne mets pas en cause votre conscience, monsieur le ministre, mais nous parlons d’un sujet dont l’importance est considérable. Le taux de mortalité infantile a toujours été un indicateur du développement de nos sociétés. Vous pouvez vous cacher derrière des statistiques et des analyses multifactorielles ; la vraie responsabilité reste politique. Une nation qui n’est plus capable de faire baisser la mortalité des bébés est une nation en échec.
Voici le fond de ma pensée : cet écart entre le gigantisme des défis auxquels notre pays fait face – dont celui-ci – et la vacuité de notre débat politique est insupportable. J’aurais aimé – et je ne l’aurais pas dit autrement à la ministre de la santé – que, plutôt que de passer des heures sur l’interdiction des cigarettes électroniques jetables – un sujet assurément important –, vous vous attachiez à ce qui serait une avancée historique bien plus substantielle : que la France ne fasse plus partie des pays d'Europe où le rique qu'un bébé meure avant son premier anniversaire est le plus élevé.
Cette prise de conscience nécessite une mobilisation générale et vitale de la nation. Il ne s’agit pas seulement de l’avenir d’une génération et de notre démographie, mais aussi de démontrer au monde et à nos concitoyens que nous ne sommes pas un pays qui ne cesse de se déclasser.
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre . Que les choses soient bien claires : je suis, comme vous, sensible à ce grave problème de la mortalité infantile et à l’extrême urgence en la matière, en tant que médecin, comme père et comme ministre de la santé. Je ne suis en poste que depuis quatre mois : nous nous mobiliserons pour identifier les causes de la hausse de la mortalité infantile. Un plan passera par la formation de plus de professionnels de santé : si nous avions plus de médecins, plus de pédiatres, plus de gynécologues et plus de réanimateurs en néonatalogie, je pense que nous ferions diminuer une mortalité infantile dont le niveau actuel est le résultat de trente ans de politiques.
Auteur : M. Aurélien Pradié
Type de question : Question orale
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2025