Invité à me prononcer sur la proposition de loi visant à alléger les contraintes pesant sur l’exercice du métier d’agriculteur, je me suis trouvé confronté à un texte hétéroclite, rassemblant des thématiques aussi diverses que l’usage des produits phytosanitaires, les installations classées, l’assurance récolte ou encore la gestion de l’eau. Une hétérogénéité qui complique le vote tant certaines mesures apparaissent justes et attendues quand d’autres suscitent de légitimes réserves.
Parmi elles, c’est celles introduites par l’article 2 qui ont particulièrement retenu mon attention. Derrière une écriture complexe, se dessinent les enjeux cruciaux de la santé des agriculteurs et des consommateurs et de la préservation de la biodiversité face aux recours aux substances phytopharmaceutiques.
L’article 2 insère dans le Code rural et de la pêche maritime une nouvelle disposition – l'article L. 253-1 A – qui autorise la France à aller plus loin que l’Union européenne en interdisant certains produits phytopharmaceutiques, à condition d’indemniser les pertes agricoles lorsqu’aucune alternative viable n’est disponible.
S’ajoute à cela le nouvel article L. 253-1-1, qui confère à l’ANSES la possibilité de prendre en compte des spécificités nationales – qu’elles soient agronomiques, phytosanitaires, climatiques ou environnementales – pour justifier ou restreindre l’autorisation de mise sur le marché de produits validés par un autre Etat membre.
L’article 2 modifie également l’article L. 253-8, en ouvrant, de manière exceptionnelle et encadrée dans le temps par décret, la voie à une dérogation encadrée pour l’usage de néonicotinoïdes. Une telle dérogation ne pourrait être envisagée qu’en cas de menace grave pour la production agricole, sur avis public d’un conseil de surveillance composé en particulier de parlementaires, de représentants des ministères concernés, de chercheurs, de défenseurs de l’environnement et de représentants de l’agriculture biologique.
Enfin, l’article 2 interdit la production en France de substances phytosanitaires interdites en Europe.
Cet article n’est pas la brèche ouverte décrite par certains détracteurs du texte. Il comporte différentes régulations pour concilier trois impératifs : la maîtrise des intrants de protection des cultures, l’exigence de souveraineté alimentaire et la nécessité de limiter les distorsions de concurrence avec les pays moins-disants en matière de normes, dans l’attente de l’interdiction totale des néonicotinoïdes par l’Union européenne en 2033.
Certes, cette disposition est bien loin de tracer le chemin d’une transition agricole profonde, menant vers un modèle affranchi des intrants chimiques, donc un modèle plus souverain, résilient et durable. Mais réduire la proposition de loi à une telle absence d’orientation sociétale reviendrait à ignorer les avancées et à conforter l’opprobre générale que certains essaient de caricaturer.
En toute lucidité, conscient des forces et des faiblesses du texte et des équilibres à préserver, et fidèle à mes engagements envers le monde agricole autant que pour la préservation de la planète, j’ai donc fait le choix de voter en faveur de cette proposition de loi.
Mon vote ne doit pas être interprété comme une mise à distance des alertes scientifiques, dont l’écho dépasse largement le cadre de ce texte. La réduction substantielle de l’usage des produits phytopharmaceutiques demeure, à mes yeux, une priorité, tant pour protéger la biodiversité que pour préserver la santé des hommes et des femmes qui les utilisent pour nous nourrir.