• En 1946, la France posait un acte fondateur : l’universalité des allocations familiales. Elle reconnaissait alors que la famille est un pilier de l’avenir national. Ce principe, marque de fabrique de l’Etat-Providence à la française, a été brisé en 2015 avec le conditionnement sur ressources. Depuis, l’universalité n’est plus que de façade tant le montant versé à certaines familles est devenu symbolique.

    Notre politique familiale a progressivement été désarticulée, que l’on considère les prestations sociales, la politique fiscale, la politique du logement, ou l’insuffisance des structures d’accueil de la petite enfance. D’un côté on décide l’abaissement du plafond du quotient familial, la diminution de la PAJE ou encore la réduction de la quotité finançable du prêt à taux zéro, de l’autre on appelle au « réarmement démographique ». Comme le résume le démographe Gérard-François Dumont, c’est « un non-sens d’annoncer que l’on souhaite une démographie qui ait plus de vitalité et, parallèlement, [de] maintenir des décisions défavorables pour les familles qui souhaiteraient accueillir un enfant ».

    Les derniers chiffres sur la natalité française sont sans appel : la fécondité chute à 1,62 enfant par femme, niveau historiquement bas. Surtout, on constate un écart croissant entre le désir d’enfants — stable à 2,27 — et la réalité : une frustration de fécondité qui traduit notre échec collectif. Les coûts auxquels sont confrontées les familles flambent sans que leurs revenus n’augmentent de manière proportionnelle. Ainsi, d’après l’Union nationale des associations familiales (UNAF), en août 2023, il fallait à un couple et deux enfants 368 € de plus qu’en août 2021 pour vivre décemment pendant un mois. Pour un couple avec 2 enfants et 2 adolescents, cette somme était de 552 €. Si la conjoncture économique actuelle participe à la dégradation de la situation des familles, elle ne peut servir de bouc émissaire à l’inaction des gouvernements successifs.

    D’après la Cour des comptes, les seules mesures de diminution du quotient familial et de conditionnement de ressources ont fait peser sur les familles aisées « un effort total proche de 3,3 Md€ ». Mais en réalité, les classes moyennes supportent aussi une part croissante des efforts budgétaires, et en particulier les couples biactifs. En 2024, un couple avec deux enfants ne devait pas dépasser 2 007 € nets par mois et par parent pour percevoir l’allocation de base de la PAJE. De même, les allocations familiales deviennent dégressives dès lors que chaque parent perçoit 3 273 € nets mensuels, et fortement réduites au-delà de 4 363 €. Quant au quotient familial, son avantage fiscal est plafonné à 1 759 € par demi-part en 2024, contre 2 336 € auparavant. Résultat : un couple avec un enfant commence à voir son allègement d’impôt sérieusement limité dès que chacun gagne 2 500 € nets par mois.

    Or, dans une étude menée en 2023, l’Observatoire des familles de l’UNAF a mis à jour l’importance des conditions financières et matérielles pour permettre l’arrivée d’enfants : avoir un logement adapté (54 %) et avoir des ressources suffisantes (48 %). L’étude révèle également que 21% des parents auraient préféré avoir leur premier enfant plus tôt et que 61% des familles sans enfant placent en priorité la nécessité de disposer de ressources suffisantes pour accueillir un bébé.

    La proposition de loi du groupe UDR porte trois mesures clés pour restaurer la confiance des Français dans la politique familiale et contribuer à relancer la natalité en permettant à chaque foyer de mieux réaliser son désir d’enfant.

    Mais en réalité, il est urgent de revoir en profondeur la politique familiale via une réforme large : revalorisation des prestations, déplafonnement et refonte du quotient familial, aides au logement et à la consommation, réforme des congés parentaux et meilleure aide à l’emploi des mères de famille, proposer une aide sociale unique qui valorise le travail et soutienne les familles durablement.

    Cette réforme doit se garder de fragiliser deux piliers : le soutien aux acteurs de l’effort démographique et la différenciation entre politique de soutien familial et de redistribution sociale.

    Enfin, la branche Famille n’a pas vocation à éponger les dérives budgétaires des autres branches. En son sein, une meilleure allocation des ressources est possible. La Cour des comptes vient d’évaluer à 6,3 Mds d’€ le montant des versements indus par la CNAF. Le prochain PLFSS sera l’occasion pour le Gouvernement de garantir que ses excédents soient consacrés à reconstruire une politique familiale pleinement universaliste, car c’est bien le véhicule du PLFSS qui est le plus adapté au regard des engagements budgétaires conséquents nécessaires.

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  • M. Thibault Bazin
    Date : mardi 27 mai 2025
    Cible : Sur l'ensemble du texte

    « On meurt mal en France [… il convient de] [s’]interroger sur les racines de ce mal et les moyens humains à développer […], plutôt que d'envisager une évolution législative » (CCNE, avis n°139). Quelle est ainsi l’opportunité d’une légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie quand à peine 50% des Français nécessitant des soins palliatifs y ont accès ? Dans un contexte de crise multidimensionnelle qui ne peut qu’obliger à se demander si ce texte n’apportera pas à terme une réponse rentable à l’abysse budgétaire français ? Quand n’est toujours pas connue et appliquée la loi « Claeys-Leonetti » qui interdit l’obstination déraisonnable et permet la sédation profonde et continue ?

    Comment les Français pourraient-ils discerner quand, ayant perdu confiance dans le système de santé et ne connaissant pas les soins palliatifs, on leur soumet un choix manichéen et simpliste entre souffrance et mort ? Cette alternative omet sciemment la possibilité palliative : une voie de solidarité vraie et vécue, d’humilité, une voie qui prend soin de toutes les souffrances sans condition aucune.

    Ce texte doit assumer qu’il propose une « rupture anthropologique majeure » (Jean Leonetti). Ne signe-t-il pas un désengagement inédit de l’Etat, censé être « Providence », vis-à-vis du plus fragile ? Demain, certains ne pourraient-ils ressentir ce texte comme une incitation à mourir, à questionner la valeur de leur vie ?

    Il ne s’agit pas de nier la demande de mort, car elle existe et est légitime, mais de questionner la réponse que nous voulons collectivement apporter. La demande de mort n’est-elle pas en réalité une demande de vie, un appel à l’aide, sachant que seules 0,3% des 3% des demandes de mort à l’entrée en soins palliatifs persistent après quelques jours de prise en charge ? On oublie trop souvent que la loi française impose déjà au soignant de soulager « coûte que coûte ».

    Quel devenir pour notre éthique collective fondée sur la primauté de la vie qui donne tout son sens à la prévention du suicide ou à la réanimation ? Quel devenir pour le contrat de confiance thérapeutique, déjà très fragilisé, qui lie soigné et soignant ? L’implication de ce dernier n’est-elle pas profondément contraire à sa vocation et à l’acte de soin ? L’expérience canadienne est éclairante : seuls 1,9% des 70 % de médecins originellement favorables à la loi acceptent de pratiquer une euthanasie aujourd’hui. 

    Concrètement, ce texte est très éloigné de sa promesse originelle d’une législation " strictement encadrée" : peu de possibilités de recours, création d’un délit d’entrave, pas de véritable collégialité de la décision médicale, une clause de conscience partielle voire absente pour certains professionnels de santé, des délais de réflexion indécents, pas de contrôle indépendant effectué a priori, des conditions d’accès floues qui, prises cumulativement, sont très permissives ( « phase avancée » d’une maladie « grave et incurable », avec « souffrances psychologiques insupportables»). Concernant les personnes protégées, par définition vulnérables, aucune saisie automatique du juge pour avis n’est prévue ni de possibilité pour la personne chargée de la mesure de protection d’émettre un recours.

    A l’étranger, la réalité glace : le nombre d’euthanasies et de suicides assistés va croissant et ce sont les plus pauvres, les plus fragiles et les plus isolés qui y ont majoritairement recours (45% des morts par suicide assisté en Oregon se disaient être « un poids »).

    En réalité, une fois le droit instauré, même initialement circonscrit, il s’élargit progressivement eu égard à la force des principes d’égalité et de liberté individuelle : « faudra-t-il discriminer les patients, en catégorisant ceux qui entreraient dans le cadre légal d’une demande d’euthanasie et ceux qui ne rempliraient pas les conditions ? » (Avis éthique interprofessionnel, SFAP, 16 février 2023).

    « L’ultime recours » est une illusion. Lever l’interdit de tuer, c’est renverser notre socle commun de valeurs. Ce texte est une loi d’autodétermination : il ne se limite pas à répondre à ceux qui vont mourir dans les prochains jours, mais à ceux qui veulent mourir, sans pronostic engagé à court terme.

    Où seront la liberté, l’égalité et la fraternité quand certains malades n’auront le choix qu’entre la souffrance et la mort faute d'accès aux soins adapté? Quand on les classera selon l’utilité présumée de leur vie ? Quand la société ne sera plus obligée par la promesse de non-abandon ?

    Le risque est grand que le texte sur les soins palliatifs soit en-deçà des besoins réels quand celui sur l’euthanasie et le suicide assisté serait très au-delà de la promesse initiale. J’en appelle ainsi à faire primer l’éthique de la vulnérabilité, qui ferait l’honneur de la France.

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  • Il est primordial de développer en France une culture socio-médicale adaptée aux enjeux si particuliers de la vulnérabilité et de la fin de vie car « seule l’incapacité à accueillir et accompagner d’une façon respectueuse de la personne vulnérable relève d’une faiblesse regrettable. » (CCNE, avis n°139). Le pacte social français est fondé sur une promesse forte de solidarité qui est au cœur des soins palliatifs et qui nous oblige.

    Il est avant tout primordial de dresser un constat lucide de l’état des soins palliatifs car, chaque jour, 500 personnes meurent sans avoir pu y accéder, rupture d’égalité inacceptable. Premièrement, la mise en œuvre de la loi Clayes-Leonetti reste largement « à faire », faute de moyens humains et financiers. Elle est une loi dont les principes et l’équilibre éthique ont pourtant largement été plébiscités lors de sa promulgation. Or, à ce jour, selon un sondage du CNSPFV, huit Français sur dix ne connaissent toujours pas leurs droits en termes de fin de vie. Secondement, l’absence de stratégie claire et de pilotage lisible a largement amoindri la portée de l’arsenal législatif déployé depuis 1999. Désormais, les soins palliatifs « doivent s’intégrer pleinement dans une vision de santé publique » (Giovanna Marsico, CNSPFV).

    Si ce texte est une véritable profession de foi envers les soins palliatifs et répond à un besoin urgent d’imaginer une politique de soins palliatifs ambitieuse pour répondre au mal mourir français, elle n’est cependant qu’une première pierre. Elle doit être complétée d’une loi de programmation, ou, a minima, d’engagements budgétaires pluriannuels documentés dans les prochaines lois de financement de la sécurité sociale par sous-objectif. Parce que le levier financier est crucial, il est important de développer un nouveau modèle de financement des soins palliatifs fondé sur des revenus propres issus de l’activité des structures et une dotation forfaitaire.

    D’après le ministre Yannick Neuder, « ce qui conditionnera l’existence de soins palliatifs sur le territoire, c’est la présence de professionnels ». Or, actuellement, les médecins reçoivent à peine quelques heures de formation sur les soins palliatifs au cours de leur carrière, constat alarmant considérant le vieillissement démographique et la croissance des polypathologies. Il faut former mieux, i.e. former à une approche non plus centrée sur le curatif mais sur l’accompagnement global. Il faut former plus, en incluant l’approche palliative à la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé. Il faut enfin former spécifiquement, par la création d’une filière et d’un diplôme dédiés.

    Parce que la clarté de la politique de soins palliatifs est un enjeu crucial, une sémantique lisible et cohérente doit être privilégiée. Par ailleurs, la précision « ils ne visent ni à hâter, ni à différer la survenue de la mort » (issue de l’OMS), rappelle la différence ontologique entre soins palliatifs et mort médicalement administrée. Il est prouvé empiriquement que la demande de mort se réduit drastiquement chez ceux qui bénéficient de cet accompagnement (de 3% à 0,3%). Aussi était-il primordial que la proposition de loi sur les soins palliatifs soit indépendante.

    La loi de 2016, largement méconnue du plus grand nombre, y compris des professionnels de santé, consacrait l’interdiction de « l’obstination déraisonnable », le devoir d’apaiser la souffrance « coûte que coûte » et de la possibilité de mettre en place une sédation profonde et continue. Ainsi, la mort n’est jamais que l’effet non recherché qui peut résulter d’un soin.

    L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie : « si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. » (Annabel Desgrées du Loû, CCNE). Autrement, les personnes vulnérables ne risquent-elles pas de ressentir la nouvelle loi comme une remise en cause de leur légitimité à vivre ? En outre, un « en même temps bioéthique » entraverait le développement des soins palliatifs, comme c’est le cas dans d’autres pays, qui plus est dans un contexte grave de crise multifactorielle. Je me réjouis que ma proposition de rendre opposable le droit aux soins palliatifs ait été inclue au texte, non pour judiciariser, mais pour que les agences régionales de santé s’y obligent.

    Le développement des soins palliatifs est avant tout une question de volonté politique. Je veux le réaffirmer : ils sont la meilleure réponse à la souffrance, ils sont le choix de la fraternité, du respect de l’inviolabilité de la vie humaine et de l’accompagnement sans acharnement mais sans abandon.

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  • M. Philippe Bolo
    Date : lundi 26 mai 2025
    Cible : Sur l'ensemble du texte

    La proposition de loi sur le droit à l’aide à mourir a fait l’objet de débats qui ont mis en évidence les clivages entre opposants et soutiens au texte. Situation peu ordinaire dans le cadre de l’examen d’un texte de loi, j’ai été destinataire de nombreux témoignages, reçus par lettres ou courriels d’habitants de la circonscription attentifs à ce débat sociétal. J’ai bien pris connaissance des arguments de celles et de ceux qui m’ont témoigné leur soutien au projet de loi, autant que de celles et de ceux qui m’ont manifesté leur désaccord avec le texte.

    Les défenseurs du projet de loi fondent leur argumentaire sur le droit fondamental des individus à disposer de leur vie en cas de souffrances insupportables et incurables, en phase avancée ou terminale d’une maladie, tandis que les opposants y perçoivent d’importants risques de dérive.

    Bien que le texte prévoie des conditions strictes pour accéder à l’aide à mourir, et bien que je comprenne les souffrances exprimées par celles et ceux qui ont accompagné des situations de détresse morale de malades souhaitant mettre fin à l’inhumanité de leurs vies, je mesure l’immense responsabilité que représente mon vote en cas de dérives du projet de loi. En particulier, je n’ai pas été convaincu par les arguments avancés pour garantir que des personnes vulnérables ne soient pas poussées à demander l’aide active à mourir. Face à cette éventualité, insupportable du point de vue éthique et moral, j’ai fait le choix de ne pas voter en faveur du projet de loi, lui préférant un vote pour le développement des soins palliatifs.

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  • Pour répondre aux légitimes inquiétudes des maires et de nombreux propriétaires riverains face au déploiement anarchique des antennes-relais de téléphonie mobile, je plaide en faveur d’une concertation entre élus, habitants et préfecture en matière d’installation.

    En l’état actuel du droit, l’implantation de ces dispositifs échappe au contrôle des élus locaux.

    L’article 17 vise le louable objectif de faciliter l’essor de projets industriels et d’infrastructures en la matière. Mais c’est sans compter les nombreuses dérives des opérateurs, motivés par une logique commerciale jusqu’à ignorer la réalité patrimoniale de nos territoires.

    Les villages du Rouret et de Tourrettes-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes, sont illustratifs de cette problématique et font l’objet d’une multiplication d’antennes d’une hauteur de plus de 25 mètres.

    L’installation d’une future antenne 5G à Tourrettes-sur-Loup est même prévue dans une zone classée Natura 2000, en dépit de légitimes aspirations environnementales.

    Ce projet est pensé en l’absence de toute concertation avec les élus placés devant le fait accompli et les services des préfectures.

    Mutualiser les sites ou les pylônes comme le préconise la proposition de loi n°354 déposée par ma Collègue Sénatrice Patricia Demas doivent être les objectifs à atteindre.

    Aussi, le texte doit prendre en compte l’ensemble de ces éléments, y intégrant des objectifs d’intégration environnementale et paysagers.

    Il est également souhaitable qu’une consultation citoyenne puisse être envisagée et que les maires soient dotés de prérogatives fortes rationalisant, par une mutualisation des installations, l’implantation de ces antennes et enfin, que leur soit permis d’engager une procédure contradictoire auprès de l’Arcep.

    J’invite le Gouvernement à suivre ces préconisations. Il y va de la préservation de nos territoires par un déploiement responsable de ces technologies.

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