Points-clés Le déontologue répond également à l’ensemble des sollicitations qui lui sont adressées par les députés. Il est ainsi amené à conseiller les parlementaires sur les aspects déontologiques de leur mandat. |
I. – LE DÉONTOLOGUE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Dès 2011, le Bureau de l’Assemblée nationale a fait le choix de se doter d’un code de déontologie applicable aux députés et d’une personnalité indépendante, le déontologue, chargée de le faire respecter. Le rôle du déontologue s’est considérablement étendu à la suite de l’adoption des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique et des lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
Sur proposition du Président de l’Assemblée nationale, le déontologue est nommé par le Bureau à la majorité des trois cinquièmes de ses membres avec l’accord d’au moins un président de groupe d’opposition. Le déontologue est indépendant, son mandat n’est pas renouvelable et débute six mois après le début de la législature pour se clore six mois après la fin de celle-ci. M. Jean-Éric Gicquel occupe le poste de déontologue depuis le 1er février 2023.
Les missions du déontologue sont de quatre ordres :
- le contrôle du respect du code de déontologie par les députés ;
- la prévention des conflits d’intérêts ;
- le contrôle de l’utilisation des frais de mandat ;
- le traitement des situations de harcèlement.
II. – LE CODE DE DÉONTOLOGIE DES DÉPUTÉS
Le code de déontologie, adopté par le Bureau de l’Assemblée nationale, s’impose à l’ensemble des députés. Ce code repose sur les principes suivants : l’intérêt général, l’indépendance, l’objectivité, la responsabilité, la probité et l’exemplarité.
Les députés ne peuvent ainsi être assujettis à des intérêts privés. Ils ne peuvent utiliser les locaux ou les moyens de l’Assemblée nationale pour promouvoir des intérêts privés, en cohérence avec l’article L.O. 150 du code électoral qui interdit à un député d’exciper de sa qualité dans une publicité relative à une entreprise financière, industrielle ou commerciale. Le déontologue est également chargé de faire respecter le code de conduite applicable aux représentants d’intérêts. En cas de manquement à ce code par un lobbyiste, le déontologue peut saisir le Président de l’Assemblée nationale afin que ce dernier lui adresse une mise en demeure, voire lui interdise l’accès aux locaux de l’Assemblée – cette décision de sanction pouvant être rendue publique.
L’exigence de probité implique que les moyens mis à la disposition des députés soient utilisés conformément à leur destination. Le devoir d’exemplarité s’impose également aux députés et des situations de harcèlement moral ou sexuel constituent des atteintes à ce devoir. Les députés ne peuvent employer des membres de leur famille proche et, dans le cas où ils emploient des proches d’un autre député ou d’un sénateur, ils doivent en informer le déontologue.
Le déontologue peut être consulté par tout député qui le souhaite relativement au respect des principes énoncés dans le code. Si le déontologue vient à constater un manquement aux règles énoncées dans le code, il formule des recommandations à l’attention du député concerné. Si ce dernier les conteste ou ne s’y conforme pas, le déontologue peut saisir le Bureau du manquement constaté.
Le déontologue peut également être consulté par des personnels des services ou des collaborateurs parlementaires.
III. – LA PRÉVENTION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS
Le règlement de l’Assemblée nationale définit un conflit d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts privés de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif du mandat. Il n’y a pas de conflit d’intérêts lorsque le député tire un avantage du seul fait d’appartenir à la population dans son ensemble ou à une large catégorie de personnes ». Cette définition reprend la définition du conflit d’intérêts donnée par la loi du 11 octobre 2013 à la différence qu’il ne peut y avoir pour un député de conflit entre deux intérêts publics. Le déontologue est consulté sur les règles établies par l’Assemblée afin de prévenir et de faire cesser les conflits d’intérêts.
Afin de se prémunir de tout conflit d’intérêts, les députés sont tenus à plusieurs obligations et disposent de différents outils.
1. – LES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES
Comme évoqué dans la fiche portant sur le statut du député, les membres du parlement doivent déposer une déclaration d’intérêts et d’activités auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et auprès du Bureau de l’Assemblée nationale. Cette déclaration permet de s’assurer de la compatibilité des activités déclarées avec le mandat parlementaire et donc qu’aucun député en fonction ne fait face, a priori, à un conflit d’intérêts prohibé par la loi.
Le règlement de l’Assemblée nationale et le code de déontologie imposent deux obligations déclaratives supplémentaires aux députés. Elles concernent les dons et les voyages dont bénéficient les députés dans le cadre de leur mandat.
Dans un délai d’un mois à compter de leur réception, les députés ont l’obligation de déclarer au déontologue les dons, avantages et invitations à un événement sportif ou culturel supérieurs à 150 euros dont ils ont bénéficié en tant que parlementaire. Si la somme du don, de l’avantage ou de l’invitation est inférieure à 150 euros, le député a la faculté, mais non l’obligation, de le déclarer au déontologue. Ces déclarations sont ensuite rendues publiques sur le site internet de l’Assemblée nationale.
Si un député reçoit une invitation à un voyage dont tout ou partie est financé par un tiers extérieur à l’Assemblée nationale, il doit le déclarer au déontologue. Cette déclaration doit intervenir avant le premier jour du voyage. Ce voyage peut être financé par une entité publique ou privée, française ou étrangère. La déclaration est rendue publique sur le site internet de l’Assemblée nationale une fois le voyage effectué.
2. – LES OUTILS DÉCLARATIFS
Le règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’un député qui s’estime en situation de conflit d’intérêts potentiel peut soit faire connaître cet intérêt, soit se déporter.
En vue de prévenir tout conflit d’intérêts, un député peut faire connaître, à tout moment d’une discussion, un ou plusieurs intérêts privés. Cette déclaration peut être écrite ou orale. Elle est alors mentionnée au compte-rendu. Ce faisant, le député informe ses collègues de sa situation personnelle mais il en informe également les citoyens, le compte rendu étant publié.
Lorsqu’un député estime ne pas devoir participer à certains travaux en raison d’un intérêt personnel susceptible de remettre en cause son indépendance et son objectivité, il peut effectuer une déclaration de déport qui est rendue publique. Ce déport peut porter sur tout ou partie de l’examen d’un texte législatif ou d’autres travaux de l’Assemblée. Le député dispose de trois possibilités de déports selon l’intensité des liens entre l’intérêt privé évoqué et le sujet en discussion :
- Prendre la parole sans prendre part aux votes ;
- Être présent sans prendre la parole, ni voter ;
- Être absent pour la totalité du processus législatif concerné.
Le recours à ces déclarations ou à cet outil est de la seule responsabilité du député. Le déontologue peut être consulté à tout moment par un député sur ces questions.
IV. – LE CONTRÔLE DES FRAIS DE MANDAT
Depuis les lois pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, le déontologue est chargé de contrôler les frais de mandat des députés. Depuis le 1er janvier 2018, les députés reçoivent une avance de frais de mandat (AFM) qui vient remplacer l’ancienne indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).
Un arrêté du Bureau définit les règles d’utilisation de l’AFM. Certaines dépenses sont proscrites à l’instar des amendes tout au long du mandat ou de l’achat d’un véhicule dans la dernière année de la législature. Les dépenses autorisées relèvent de différentes catégories telles que les dépenses liées à la permanence, aux déplacements ou encore aux frais de représentation. Les dépenses engagées avec l’AFM doivent conserver un caractère raisonnable et avoir un lien direct avec l’exercice du mandat parlementaire.
Tous les députés sont contrôlés par le déontologue au moins une fois par législature sur l’ensemble des dépenses imputées sur leur AFM au cours de l’année civile précédente. Des contrôles complémentaires dits « aléatoires » portent en outre sur deux catégories de dépenses imputées sur l’AFM pendant l’année civile en cours. Les députés qui quittent leur mandat en cours de législature sont également soumis à un contrôle de leur AFM, s’ils n’ont pas déjà fait l’objet d’un contrôle annuel. À l’issue du contrôle de l’AFM, le déontologue donne quitus, formule des recommandations ou constate des méconnaissances qui impliquent des demandes de remboursement.
V. – LE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE HARCÈLEMENT
Le déontologue n’est pas directement chargé de répondre aux situations de harcèlement. Une cellule d’écoute, d’accompagnement et d’orientation externe à l’Assemblée nationale a été mise en place début 2020. Cette cellule est accessible à l’ensemble des députés, collaborateurs parlementaires et personnels des services de l’Assemblée nationale 7j/7 et 24h/24. Elle effectue un premier bilan de la situation de la personne qui la sollicite et l’oriente ensuite vers un pôle d’experts composé de psychologues et de juristes spécialisés en droit de la santé au travail.
Dans le cas d’une situation de harcèlement vis-à-vis de collaborateurs ou de députés, le déontologue peut être saisi par la cellule en accord avec la victime présumée. En fonction des attentes de la victime présumée, le déontologue peut engager une procédure de médiation. Il peut également diligenter une enquête et éventuellement saisir le Bureau de l’Assemblée nationale pour manquement au code de déontologie des députés.
Le déontologue ne s’interdit pas, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, de « donner avis » au procureur de la République des faits allégués, en raison de leur particulière gravité nécessitant, selon lui, une enquête judiciaire. L’accord préalable de la victime présumée n’est pas requis pour l’accomplissement de cette démarche.
Septembre 2023