Points-clés
Si l’article 20 de la Constitution de 1958 dispose que le Gouvernement est « responsable devant le Parlement », l’article 50 précise que seul un vote émis par l’Assemblée nationale peut entraîner la démission du Gouvernement.

Trois procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sont définies par l’article 49 de la Constitution :

- l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale (article 49, alinéa premier) couramment dénommé « question de confiance » ;

- le dépôt d’une motion de censure à l’initiative des députés (article 49, alinéa 2) ;

- l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte (article 49, alinéa 3).

Dans la pratique, l’usage que les députés font de ces différentes procédures est fortement conditionné par le fait majoritaire.

 

La Ve République a mis en place un régime politique hybride présentant certaines des caractéristiques des régimes présidentiels et, pour l’essentiel, des caractéristiques des régimes parlementaires au premier rang desquelles, la possibilité pour l’Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

L’article 20 de la Constitution de 1958 dispose que le Gouvernement « est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 ». Ces conditions et procédures marquent le souci des rédacteurs de concilier deux notions souvent antagonistes : responsabilité gouvernementale et stabilité gouvernementale.

L’article 50 limite le pouvoir de sanction à la seule Assemblée nationale : « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement ». Ces situations sont les seules dans lesquelles le Premier ministre est tenu de présenter la démission de son équipe.

Trois procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sont définies par l’article 49 de la Constitution qui prévoit également, dans son dernier alinéa, une procédure d’approbation d’une déclaration de politique générale devant le Sénat, laquelle ne peut cependant entraîner la démission du Gouvernement en cas de vote négatif.

Par ailleurs, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a institué deux nouvelles procédures de contrôle qui ne peuvent en aucun cas mettre en cause la responsabilité du Gouvernement : le vote d’une résolution par l’une des deux assemblées (article 34-1) et les déclarations pouvant faire l’objet d’un vote (article 50 1). Dans ces deux derniers cas, un vote défavorable n’oblige pas le Gouvernement à démissionner.

I. –    L’ARTICLE 49, ALINÉA PREMIER : ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT SUR SON PROGRAMME OU SUR UNE DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE

1. –    LA PROCÉDURE

Cette procédure relève de l’initiative du Gouvernement et doit faire l’objet d’une délibération en Conseil des ministres. Le Premier ministre, et lui seul, peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur son programme ou sur une déclaration de politique générale.

Aux termes de l’article 152 du Règlement de l’Assemblée, il revient à la Conférence des présidents d’organiser le débat. L’article 132 indique qu’elle attribue un temps global aux groupes (dont la moitié à l’opposition) et aux députés non-inscrits. En pratique, les débats ont été organisés selon des modalités adaptées à chaque cas d’espèce (prise en compte ou non de l’importance numérique des groupes, explications de vote, etc.).

Le vote est émis à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il a lieu par scrutin public à la tribune ou dans les salles voisines.

2. –    LA PRATIQUE

L’engagement de responsabilité n’est pas obligatoire lors de l’entrée en fonction d’un gouvernement. Certains gouvernements, par conséquent, n’y ont jamais eu recours, soit qu’ils aient été soucieux de marquer qu’ils tenaient leur légitimité de leur seule nomination par le Président de la République, rappelant ainsi qu’il n’y avait plus d’investiture du Gouvernement par l’Assemblée, soit que, comme sous la IXe législature, de 1988 à 1993, ils n’aient pas disposé d’une majorité absolue à l’Assemblée. En revanche, depuis 1993, quasiment tous les gouvernements – à l’exception, par exemple, depuis 2002, des gouvernements nommés immédiatement après l’élection présidentielle et avant les élections législatives organisées quelques semaines plus tard (1) – ont sollicité la confiance de l’Assemblée dans les quelques jours qui ont suivi leur nomination.

Par ailleurs, plusieurs gouvernements ont, dans le cours de leur existence, notamment à l’occasion d’un événement particulier, sollicité la confiance de l’Assemblée nationale. 

Au total, depuis 1958, l’article 49, alinéa premier, a été utilisé 41 fois (2)

II. –    L’ARTICLE 49, ALINÉA 2 : DÉPÔT D’UNE MOTION DE CENSURE À L’INITIATIVE DES DÉPUTÉS

1. –    LA PROCÉDURE

Les députés peuvent déposer, auprès du Président de l’Assemblée nationale, une motion de censure. Pour être recevable, celle-ci doit être signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée (soit 58 députés lorsque tous les sièges sont pourvus). Toutefois, afin d’éviter les motions à répétition, chaque signataire ne peut signer que trois motions durant la session ordinaire et une durant une session extraordinaire (les motions de censure en réponse à un engagement de responsabilité sur un texte, conformément à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, n’entrent cependant pas dans ce décompte). 

Dès le dépôt de la motion, aucune signature ne peut être ajoutée ni retirée. La liste des signataires est publiée au Journal officiel dans le compte rendu intégral des débats.

La discussion précédant le vote sur la motion de censure est organisée selon les mêmes modalités que les débats précédant la question de confiance, sous la réserve que le premier orateur est l’un des signataires de la motion de censure et non le Premier ministre. En pratique, l’organisation de la discussion est fixée par la Conférence des présidents.

Le parlementarisme rationalisé, dans sa volonté d’asseoir la stabilité gouvernementale, a par ailleurs inspiré deux dispositions :

–    le dépôt d’une motion de censure ouvre un délai de quarante-huit heures durant lequel elle ne peut pas être mise aux voix, empêchant ainsi les votes trop émotionnels ; le Règlement de l’Assemblée fixe pour sa part le délai maximal : il confie à la Conférence des présidents le soin de fixer la date de la discussion qui ne peut avoir lieu au-delà du troisième jour de séance suivant l’expiration du délai constitutionnel ;

–    seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin (qui a lieu dans les salons voisins de la salle des séances et est ouvert pendant 30 minutes) ; la motion n’est adoptée que si elle est votée par la majorité absolue des membres composant l’Assemblée.

2. –    LA PRATIQUE

Sur les 67 motions de censure déposées et discutées en application de l’article 49, alinéa 2 depuis 1958, une seule a été votée, en 1962. Plus qu’au Gouvernement en place, elle marquait en fait l’hostilité de l’Assemblée nationale au projet du Général de Gaulle, alors Président de la République, de modifier la Constitution par la voie du référendum pour faire élire le chef de l’État au suffrage universel direct. Le Président a répondu à la censure du Gouvernement en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale ; les élections législatives qui ont suivi ont envoyé à l’Assemblée une majorité de députés favorable à sa politique.

Le fait majoritaire a considérablement limité la portée de la motion de censure. Aujourd’hui, celle-ci est principalement une arme de procédure permettant à l’opposition de provoquer un débat solennel.

III. – L’ARTICLE 49, ALINÉA 3 : ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT SUR LE VOTE D’UN TEXTE

1. –    LA PROCÉDURE

La mise en cause de la responsabilité du Gouvernement peut enfin résulter de la conjugaison de deux initiatives : celle du Premier ministre d’engager cette responsabilité devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet ou d’une proposition de loi en discussion devant elle, suivie de celle des députés de riposter par le dépôt d’une motion de censure.

Le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Il peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou proposition de loi par session, ordinaire ou extraordinaire. Cette limitation résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : auparavant, le Gouvernement pouvait y recourir autant de fois qu’il l’estimait nécessaire et quelle que soit la nature du texte (au cours de la IXe législature, par exemple, le Gouvernement utilisa à 39 reprises l’article 49, alinéa 3, de la Constitution).

Une délibération préalable du Conseil des ministres est requise, comme en vue de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale.

La décision du Premier ministre entraîne la suspension immédiate, pour vingt quatre heures, de la discussion du projet ou de la proposition de loi sur le vote duquel la responsabilité du Gouvernement est engagée. Au cours de ce délai, une motion de censure peut être déposée, répondant aux conditions de recevabilité exposées précédemment.

Deux hypothèses sont alors possibles :

–    si aucune motion de censure n’est déposée, le projet ou la proposition est considéré comme adopté ;

–    si une motion de censure est déposée, elle est discutée et votée dans les mêmes conditions que celles présentées « spontanément » par les députés. En cas de rejet de la motion, le projet ou la proposition est considéré comme adopté. Dans l’hypothèse inverse, le texte est rejeté et le Gouvernement est renversé.

2. –    LA PRATIQUE

L’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, a été variable depuis 1958. Peu fréquent au début de la Ve République, le recours à cette disposition a été largement utilisé par certains gouvernements qui ne disposaient à l’Assemblée nationale que d’une majorité très étroite (gouvernements Barre, Rocard, Cresson et Bérégovoy notamment). 

Mais surtout, contrairement à sa logique d’origine, la procédure a été utilisée pour permettre d’achever l’examen d’un texte sur lequel un trop grand nombre d’amendements étaient déposés. 

Toutefois, ce rôle d’arme ultime contre l’obstruction n’est plus aussi évident depuis que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a entendu limiter le nombre d’engagements de responsabilité par session. Cet instrument a néanmoins été utilisé à six reprises, sur deux projets de loi différents, sous la XIVe législature, à une reprise sous la XVe législature, et à 23 reprises sous la XVIe législature. 

 

 

(1) Les Premiers ministres des Gouvernements dits « Raffarin I », « Fillon I », « Ayrault I » et « Philippe I » n’ont ainsi pas présenté de déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, dont les travaux étaient suspendus dans la perspective des élections législatives à venir. Mais, renommés après ces élections avec des gouvernements aux compositions modifiées, ces Premiers ministres ont présenté une déclaration de politique générale dans les premiers jours ayant suivi la constitution des organes de l’Assemblée.

(2) Le dernier débat organisé sur ce fondement remonte au 15 juillet 2020 (Gouvernement dit « Castex »).


Juillet 2024