Points-clés L’information est principalement recueillie grâce à deux instruments que les commissions utilisent de plus en plus largement : les auditions et les missions d’information. La commission des finances exerce un rôle spécifique de contrôle du budget de l’État grâce aux pouvoirs d’investigation dont disposent ses rapporteurs spéciaux, pouvoirs qui s’exercent tout particulièrement lors du Printemps de l’évaluation, séquence dédiée à l’évaluation des politiques publiques instituée sous la XVe législature. Les commissions permanentes jouent également un rôle croissant dans le contrôle de l’application des lois, en suivant notamment la parution des textes réglementaires nécessaires. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a encore renforcé le rôle des commissions permanentes en matière de contrôle, en leur accordant le pouvoir de se prononcer sur certaines nominations du Président de la République. |
Aux termes de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, « les commissions permanentes assurent l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement ». La pratique institutionnelle ainsi que plusieurs réformes du Règlement ont progressivement donné aux commissions permanentes un pouvoir de contrôle direct sur l’action du Gouvernement.
I. – LE DEVOIR D’INFORMATION
1. – LES AUDITIONS
Les commissions peuvent se réunir sur des ordres du jour non législatifs, afin de procéder à des auditions de personnalités. L’article 5 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose qu’« une commission spéciale ou permanente peut convoquer toute personne dont elle estime l’audition nécessaire, réserve faite, d’une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, d’autre part, du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs ». Introduites en 1996, ces dispositions reconnaissent aux commissions le droit de convoquer toute personne de leur choix, le fait de ne pas répondre à une convocation étant puni de 7 500 € d’amende.
Les commissions entendent ainsi très fréquemment des membres du Gouvernement, y compris le Premier ministre, des commissaires européens, des experts, des représentants des milieux socioprofessionnels ou toute autre personnalité. Au cours de la XVe législature, 3 094 auditions ont été organisées par les commissions permanentes et spéciales.
Ces auditions peuvent intervenir dans le cadre de la préparation d’un texte de loi, mais elles peuvent avoir un objet purement informatif et présenter une certaine périodicité (responsables d’institutions ou d’organismes, dirigeants de grandes entreprises, etc.)
Conformément à l’article 46 du Règlement, ces auditions sont ouvertes à la presse et retransmises en direct sur le site internet de l’Assemblée nationale, le bureau de la commission pouvant toutefois décider de déroger à cette règle de publicité par une décision motivée et rendue publique.
2. – LES MISSIONS D’INFORMATION
L’article 145 du Règlement prévoit la possibilité pour les commissions permanentes de créer des missions d’information temporaires. Ces missions peuvent être limitées à une seule commission ou communes à plusieurs d’entre elles, d’une durée plus ou moins longue, et impliquer ou non des déplacements en France ou à l’étranger. De telles missions sont parfois créées pour préparer l’examen d’un texte de loi ou pour contrôler l’application ou l’évaluation d’une loi récemment adoptée.
Les missions d’information se concluent le plus souvent par la présentation de rapports d’information, dont la commission autorise la publication. Ces rapports peuvent donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.
Les missions peuvent être individuelles ou collectives et leur composition est laissée à l’appréciation des commissions. La réforme du Règlement du 27 mai 2009 y a cependant renforcé le rôle de l’opposition. En effet, selon l’article 145 du Règlement, une mission composée de deux membres doit comprendre un député appartenant à un groupe d’opposition et une mission composée de plus de deux membres doit s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée.
Afin de pouvoir étudier rapidement certaines questions, les commissions ont aussi mis en place, hors du cadre réglementaire, des missions d’information d’une durée de quelques semaines et donnant lieu à une communication orale plutôt qu’à la publication d’un rapport écrit, dénommées « missions flash » ou « groupes de travail ».
3. – L’OCTROI AUX COMMISSIONS PERMANENTES DES POUVOIRS DES COMMISSIONS D’ENQUÊTE
La loi du 14 juin 1996 a introduit dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 5 ter qui donne aux commissions permanentes la faculté de demander à leur assemblée de bénéficier des prérogatives des commissions d’enquête (pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, audition sous peine de sanction pénale, droit de communication) pour une mission déterminée et une durée n’excédant pas six mois.
En 2011, cette faculté a été étendue aux « instances permanentes créées au sein de l’une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l’action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente » (loi du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques). Ainsi, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, de même que les délégations aux droits des femmes, aux outre-mer et aux collectivités territoriales des deux assemblées et les délégations sénatoriales aux entreprises et à la prospective peuvent exercer cette prérogative. En revanche, les missions d’information et la délégation parlementaire au renseignement, qui dispose d’autres moyens d’investigation, n’ont pas cette faculté. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) peut, pour sa part, en bénéficier expressément en application de l’article 6 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 (voir infra).
Cette disposition a été mise en œuvre pour la première fois par la commission des lois afin d’assurer le contrôle parlementaire de l’état d’urgence décidé après les attentats du 13 novembre 2015. Durant la XVe législature, la commission des lois a de nouveau bénéficié des prérogatives des commissions d’enquête, pour une durée d’un mois, pour ses travaux conduits pour « faire la lumière sur les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 ».
II. – LA FONCTION DE CONTRÔLE
1. – LE CONTRÔLE DU BUDGET ET DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances consacre le rôle de la commission des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière de contrôle budgétaire. Son article 57 dispose ainsi que celles-ci « suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ». Cette mission est confiée au président, au rapporteur général, aux rapporteurs spéciaux (membres de la commission chargés d’examiner tout ou partie des crédits d’une mission) ou à un ou plusieurs de leurs membres désignés par elles à cet effet. Durant chaque session de la XVe législature, 45 rapports spéciaux ont été publiés en moyenne.
La mission du rapporteur spécial est double. D’une part, lors de l’examen du budget, il examine les crédits regroupés au sein d’une mission et présente en commission puis en séance un rapport sur ces crédits. D’autre part, à titre permanent, il suit et contrôle leur emploi. Tout au long de l’année, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances sont ainsi en droit de contrôler sur pièces et sur place l’exécution de la loi de finances ainsi que la gestion des entreprises publiques relevant de leur secteur de compétences ; ce contrôle peut se traduire par la publication de rapports d’information budgétaire.
Par ailleurs, les autres commissions peuvent également décider d’examiner les crédits des missions budgétaires relevant de leur champ de compétences. Elles désignent alors en leur sein des rapporteurs pour avis qui ne disposent toutefois pas des mêmes pouvoirs d’investigation que leurs collègues membres de la commission des finances. Chaque année de la XVe législature, elles ont rendu au total une soixantaine d’avis budgétaires.
Les rapporteurs budgétaires, spéciaux et pour avis, obtiennent une grande partie des informations dont ils ont besoin dans les réponses aux questionnaires envoyés avant le 10 juillet aux ministres concernés.
L’article 47-2 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, dispose que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour compléter cette action traditionnelle des rapporteurs spéciaux, la commission des finances de l’Assemblée nationale a créé sous la XVe législature un rendez-vous annuel autour de l’examen du projet de loi de règlement appelé « Printemps de l’évaluation ». Chaque rapporteur spécial choisit en début d’année une politique publique dans son champ de compétence et procède à son évaluation. Son analyse est ensuite présentée lors de réunions dédiées de la commission des finances, appelées commissions d’évaluation des politiques publiques (CEPP), auxquelles participent les ministres qui répondent à la fois sur l’exécution budgétaire et sur la politique publique expertisée.
Ces travaux peuvent conduire à l’élaboration de propositions de résolution qui sont examinées en séance publique lors de la semaine de contrôle du mois de juin, en même temps que le projet de loi de règlement.
Ce travail d’évaluation des politiques publiques s’est substitué à la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), créée en 1999 et qui a été mise en sommeil.
La commission des affaires sociales a mis en place un dispositif analogue intitulé « Printemps social de l’évaluation », qui se concentre sur certains articles de la loi de financement de la sécurité sociale. La création d’une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) par la loi organique du 14 mars 2022 permettra d’accentuer ce travail. La commission des affaires sociales a aussi maintenu l’activité de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), qui a publié six rapports sous la XVe législature.
2. – LE CONTRÔLE DE CERTAINES NOMINATIONS
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donné aux commissions permanentes un pouvoir supplémentaire, celui de se prononcer sur certaines nominations et, le cas échéant, de s’y opposer. Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit qu’une loi organique détermine les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Dans ce cas, le Président de la République ne peut procéder à la nomination si l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
La Constitution prévoit par ailleurs l’application de ces dispositions pour la nomination des membres du Conseil constitutionnel (article 56), des personnalités qualifiées siégeant au Conseil supérieur de la magistrature (article 65) et du Défenseur des droits (article 71-1).
Les emplois et fonctions concernés sont déterminés par la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. 55 postes sont actuellement concernés, dans des secteurs très divers (autorités administratives indépendantes, agences nationales, établissements publics, etc.). La loi du 23 juillet 2010 indique quelle est la commission permanente compétente pour émettre chacun de ces avis.
Par ailleurs, des textes législatifs spécifiques ont également soumis la nomination de certaines personnalités au vote des commissions parlementaires concernées. Le calcul de majorité est alors défini dans le texte et peut différer des règles posées dans l’article 13 de la Constitution. Ainsi, l’article 19 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique désignés par les présidents des deux assemblées sont nommés s’ils recueillent trois cinquièmes des suffrages exprimés.
L’article 29-1 du Règlement précise les conditions dans lesquelles les commissions permanentes chargées du contrôle des nominations exercent cette prérogative. Elles disposent d’un délai de huit jours après que l’identité de cette personne a été rendue publique. Depuis la réforme du Règlement de 2019, elles ont l’obligation – et non plus la faculté comme auparavant – de désigner un rapporteur, qui doit appartenir à un groupe d’opposition ou à un groupe minoritaire. Ce rapporteur établit un questionnaire adressé à la personnalité, qui doit y répondre par écrit avant l’audition, afin que tous les membres de la commission puissent disposer de ce document. L’audition est publique et suivie d’un scrutin secret. Lorsque la nomination de la personnalité requiert un vote dans les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, le dépouillement se fait concomitamment.
Durant la XVe législature, 74 personnalités ont été entendues par les commissions permanentes en application du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, 10 autres l’ayant été au titre de dispositions législatives spécifiques.
3. – LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES LOIS
Depuis 2004, à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, un rapport de mise en application de cette loi doit être présenté à la commission compétente. Prévu au premier alinéa de l’article 145-7 du Règlement, ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Depuis la réforme de 2009, la rédaction de ce rapport est confiée à deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition, et parmi lesquels figure de droit le rapporteur du projet ou de la proposition de loi faisant l’objet du rapport de mise en application. Ce dispositif a été complété par la réforme de 2019, qui impose de désigner le député autre que le rapporteur (il s’agit donc, dans la majorité des cas, du député de l’opposition) dès qu’un texte est renvoyé à l’examen de la commission.
La réforme du Règlement intervenue en 2014 a également prévu la possibilité pour deux députés – dont l’un appartient à un groupe d’opposition – de présenter à la commission compétente un rapport évaluant l’impact d’une loi trois ans après son entrée en vigueur. Ce rapport fait état des conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi et présente les éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de ladite loi.
4. – LES SUITES DES TRAVAUX DE CONTRÔLE DES COMMISSIONS
L’ensemble de ces rapports d’information peuvent donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.
Par ailleurs, en application de l’article 145-8 du Règlement, les commissions disposent également de la faculté de se pencher sur les conditions dans lesquelles, six mois après la publication du rapport d’une mission d’information, sont mises en œuvre les conclusions présentées par cette dernière.
Septembre 2023