Points-clés Le texte est définitivement adopté soit par référendum (procédé utilisé une fois seulement lors de la révision constitutionnelle de 2000 visant à réduire à cinq ans le mandat du Président de la République), soit par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles. |
L’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles de révision de la Constitution. Depuis son entrée en vigueur, cette procédure a abouti à 23 reprises.
Dans les premières années de la Ve République, l’article 11 de la Constitution, qui prévoit la possibilité de recourir au référendum dans des cas limitativement énumérés, a également été employé pour réviser la Loi fondamentale (le 28 octobre 1962) afin d’instituer l’élection au suffrage universel direct du Président de la République. Néanmoins, cette pratique contestée n’a plus été utilisée depuis l’échec du référendum du 27 avril 1969 relatif à la régionalisation et à la suppression du Sénat.
La procédure prévue par l’article 89 présente la caractéristique de requérir l’existence d’un consensus au sein de l’exécutif et l’accord des deux assemblées. L’opposition du Président de la République, du Premier ministre ou de l’une des deux assemblées suffirait, en effet, à empêcher la révision d’aboutir.
I. – LA PROCÉDURE DE RÉVISION
1. – L’INITIATIVE DE LA RÉVISION
a) Détenteurs du pouvoir d’initiative
L’initiative de la révision appartient soit au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, soit aux membres du Parlement. Dans le premier cas, il s’agit d’un projet de loi constitutionnelle, dans le second, d’une proposition de loi constitutionnelle. Dans les faits, les vingt‑trois révisions constitutionnelles réalisées selon la procédure de l’article 89 depuis 1958 ont eu pour origine un projet de loi constitutionnelle.
b) Limitation du pouvoir d’initiative
L’article 89 précise que la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. Il prévoit également qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.
En outre, l’article 7 écarte la possibilité de recourir à la procédure de révision prévue par l’article 89 en cas de vacance de la Présidence de la République. Le droit d’initiative en matière de révision constitutionnelle est donc l’un des pouvoirs qu’un Président de la République par intérim ne peut exercer.
2. – L’EXAMEN DES PROJETS OU PROPOSITIONS DE LOI CONSTITUTIONNELLE
L’examen des projets ou propositions de loi constitutionnelle se déroule devant chaque assemblée selon la procédure législative de droit commun. Toutefois, une des règles nouvelles introduites par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne s’applique pas : la discussion d’un projet de loi constitutionnelle porte sur le texte initial du projet ou, en navette, sur le texte transmis par l’autre assemblée et non sur le texte adopté par la commission.
En revanche, est applicable le délai, introduit par la même révision, de six semaines entre le dépôt du projet ou de la proposition de loi et sa discussion en séance, sans que le Gouvernement puisse s’en affranchir par l’engagement d’une procédure accélérée. Est également applicable le délai de quatre semaines entre la transmission du texte par la première assemblée saisie et sa discussion devant la seconde.
Enfin, deux autres particularités de la discussion des projets et propositions de loi constitutionnelle sont à signaler :
– les projets de loi constitutionnelle ne sont pas accompagnés d’une étude d’impact, par dérogation à la règle établie par la loi organique du 15 avril 2009 ;
– la procédure du temps législatif programmé, instituée sur le fondement de l’article 44 de la Constitution par la réforme du Règlement issue de la résolution du 27 mai 2009, ne peut être utilisée pour cette discussion.
À défaut de constitution d’une commission spéciale – cette éventualité ne s’étant jamais produite, ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat – les projets ou propositions sont renvoyés à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, d’autres commissions pouvant se saisir pour avis. C’est ainsi qu’à l’Assemblée nationale, les commissions des affaires étrangères et des finances se sont saisies pour avis du projet qui a abouti à la révision du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre intitulé « Des Communautés européennes et de l’Union européenne », et les commissions des affaires culturelles, familiales et sociales et des finances du projet qui est devenu la loi constitutionnelle du 22 février 1996 instituant la loi de financement de la sécurité sociale. Trois commissions (les commissions du développement durable, des finances et des affaires sociales) s’étaient saisies pour avis en 2018 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, dont la discussion a cependant été interrompue avant la fin de son examen en première lecture par l’Assemblée nationale et qui fut ultérieurement retiré par le Gouvernement.
La navette se poursuit jusqu’à ce que le texte soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées qui ont, en matière constitutionnelle, les mêmes pouvoirs. À la différence de ce qui est prévu dans le cadre de la procédure législative ordinaire, le Gouvernement ne peut interrompre la navette en demandant la réunion d’une commission mixte paritaire, ni demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.
3. – L’ADOPTION DÉFINITIVE
L’adoption définitive du projet ou de la proposition de loi constitutionnelle est subordonnée à son approbation par référendum. Toutefois, pour les seuls projets de loi constitutionnelle, le Président de la République peut écarter le recours au référendum en les soumettant à l’approbation des deux assemblées réunies en Congrès.
Le Congrès, dont le Bureau est celui de l’Assemblée nationale, se réunit à Versailles sur convocation par décret du Président de la République soumis à contreseing. Ayant pour seule mission d’approuver le texte adopté par les deux assemblées, en lieu et place du peuple souverain, il ne peut évidemment le modifier. Ses débats sont donc limités à une explication de vote présentée par chaque groupe politique de l’Assemblée et du Sénat. Puis intervient le vote qui a lieu soit par appel nominal à la tribune soit, depuis la modification du Règlement du 28 juin 1999, selon d’autres modalités fixées par le Bureau du Congrès. Ainsi, depuis cette date – le Congrès étant pour la première fois saisi le même jour de deux projets de loi constitutionnelle –, les votes ont-ils été organisés dans huit bureaux de vote situés à proximité immédiate de l’hémicycle. Pour que le projet de loi constitutionnelle soit approuvé, le vote doit être acquis à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
II. – LES RÉVISIONS CONSTITUTIONNELLES DEPUIS 1958
Depuis 1958, il a été procédé au total à vingt-cinq révisions constitutionnelles d’importance inégale. À l’exception des deux premières, les révisions ont été opérées en application de l’article 89 de la Constitution. Vingt-et-une ont été approuvées par le Congrès et une seule, en 2000, par référendum, concernant la réduction à cinq ans de la durée du mandat présidentiel.
- Juin 1960, selon une procédure dérogatoire de révision concernant les dispositions relatives à la « Communauté », c’est-à-dire à l’ensemble géopolitique associant la France à ses anciennes colonies d’Afrique (procédure abrogée par la loi constitutionnelle du 4 août 1995) :
- Loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin 1960 tendant à compléter les dispositions du titre XII de la Constitution (pour l’indépendance des États africains et malgache membres de la Communauté).
- Octobre 1962, par référendum en application de l’article 11 de la Constitution :
- Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.
- Décembre 1963, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30 décembre 1963 portant modification des dispositions de l’article 28 de la Constitution (pour la modification de la date des sessions parlementaires).
- Octobre 1974, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l’article 61 de la Constitution (pour l’extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel à 60 députés ou 60 sénateurs).
- Juin 1976, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin 1976 modifiant l’article 7 de la Constitution (pour la modification des règles de la campagne électorale des élections présidentielles – en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat).
- Juin 1992, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne » (pour la ratification du traité de Maastricht).
- Juillet 1993, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVI (pour la création de la Cour de justice de la République chargée de juger de la responsabilité pénale des membres du Gouvernement).
- Novembre 1993, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d’asile.
- Août 1995, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires.
- Février 1996, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
- Juillet 1998, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle Calédonie.
- Janvier 1999, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88 2 et 88-4 de la Constitution (modification de dispositions concernant l’Union européenne).
- Juillet 1999, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relative à la Cour pénale internationale.
- Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.
- Septembre - octobre 2000, par référendum :
- Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 relative à la durée du mandat du Président de la République.
- Mars 2003, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen.
- Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
- Mars 2005, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution (modification de dispositions concernant l’Union européenne).
- Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
- Février 2007, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 modifiant l’article 77 de la Constitution (relatif à la Nouvelle-Calédonie).
- Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution (modifiant le statut pénal du Président de la République et créant une procédure de destitution par le Parlement constitué en Haute Cour).
- Loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort.
- Février 2008, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution (modification de dispositions concernant l’Union européenne).
- Juillet 2008, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
- Mars 2024, par le Congrès :
- Loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse.
Mars 2024