Points-clés L’Assemblée nationale et le Sénat préparent séparément leur projet de budget annuel sous l’autorité de leurs questeurs. Puis une commission commune, composée des questeurs des deux assemblées (six au total) et présidée par un membre de la Cour des comptes, lui-même assisté de deux magistrats de la Cour ayant voix consultative, arrête le montant des crédits nécessaires au fonctionnement de chaque assemblée tel qu’il sera inscrit au projet de loi de finances. Un rapport explicatif établi par la commission commune est annexé au projet de loi. Les assemblées gèrent ensuite leur budget comme elles l’entendent. Les règles de la comptabilité publique ne sont pas applicables ; celles qui ont été fixées par le Bureau de l’Assemblée nationale s’en inspirent cependant très largement. Le contrôle de l’exécution du budget relève dans chaque assemblée d’une commission interne, composée à l’Assemblée nationale de quinze députés désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques. Elle établit chaque année un rapport qui est rendu public. |
Le principe d’autonomie financière des assemblées parlementaires, qui procède du principe plus général de séparation des pouvoirs, a été reconnu de longue date par la doctrine avant d’être consacré par les textes et par le Conseil constitutionnel.
L’article 7, alinéa premier, de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que « chaque assemblée parlementaire jouit de l’autonomie financière ».
Plus récemment, le Conseil constitutionnel a fondé l’une de ses décisions sur « la règle selon laquelle les pouvoirs publics constitutionnels déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement » et affirmé que « cette règle est en effet inhérente au principe de leur autonomie financière qui garantit la séparation des pouvoirs » (décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 sur l’article 115 de la loi de finances pour 2002).
Cette autonomie s’affirme tant dans le mode d’établissement du budget que dans ses conditions d’exécution et de contrôle.
I. – L’ÉLABORATION DU BUDGET DE L’ANNÉE À VENIR : LA LIBRE DÉTERMINATION DES DÉPENSES ET DES RESSOURCES DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES
1. – LE TEXTE DE BASE
L’article 7 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 fixe dans ses deux derniers alinéas la procédure applicable :
« Les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l’objet de propositions préparées par les questeurs de chaque assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. Cette commission délibère sous la présidence d’un président de chambre à la Cour des comptes désigné par le Premier président de cette juridiction. Deux magistrats de la Cour des comptes désignés par la même autorité assistent la commission ; ils ont voix consultative dans ses délibérations.
« Les propositions ainsi arrêtées sont inscrites au projet de loi budgétaire auquel est annexé un rapport explicatif établi par la commission mentionnée à l’alinéa précédent. »
2. – LA PRÉPARATION DU BUDGET
a) La préparation à l’Assemblée nationale
Vers la fin du premier trimestre de l’année n, les questeurs de l’Assemblée arrêtent les orientations générales pour le budget de l’année n+1. Ils fixent notamment les principales valeurs ayant une incidence sur l’évolution des dépenses (point d’indice de la fonction publique, taux d’inflation prévisionnel, etc.).
À partir de ces orientations et des comptes de l’exercice écoulé (année n-1), les différents services de l’Assemblée établissent leur prévision de dépenses.
La division du budget et du contrôle de gestion les analyse et en fait la synthèse. En cas de désaccord, elle s’efforce d’atteindre une conciliation avec le service gestionnaire ; si la différence d’appréciation subsiste, elle est soumise à l’arbitrage du secrétaire général de la Questure.
Le projet de budget ainsi élaboré, qui comprend une analyse des prévisions de dépenses et des recettes diverses, le montant de la dotation qui sera demandée dans le projet de loi de finances ainsi que, le cas échéant, un prélèvement sur les disponibilités financières de l’Assemblée, est ensuite arrêté par le collège des questeurs puis présenté au Bureau de l’Assemblée, instance composée du Président, des six vice-présidents, des trois questeurs et des douze secrétaires de l’Assemblée nationale.
b) Le rôle de la commission commune
À la mi-juin, l’Assemblée nationale fournit des informations sur le budget adopté par le Bureau au président de chambre de la Cour des comptes qui préside la commission commune. Chacun des deux magistrats qui l’assistent est chargé de faire devant la commission un rapport sur le budget de l’une des assemblées. Il peut, dans cette perspective, demander des informations complémentaires.
Conformément à la présentation du budget résultant de la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les dotations des deux assemblées parlementaires et celle de la chaîne parlementaire sont inscrites dans une mission spécifique, la mission Pouvoirs publics, avec celles de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. La dotation pour l’Assemblée nationale ne comporte aucune division ; la dotation pour le Sénat est divisée en trois actions (Sénat stricto sensu, jardin et musée du Luxembourg). La dotation pour la chaîne parlementaire est divisée en deux actions : une pour La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale et une pour la chaîne Public-Sénat.
Pour chacune de ces dotations, la commission commune se borne à fixer un montant global correspondant aux crédits qu’elle estime nécessaires au fonctionnement de chacune des deux assemblées et de la chaîne parlementaire.
L’originalité de cette procédure est double :
– elle réunit dans une même instance les autorités financières des deux assemblées parlementaires. Elle permet une information officielle réciproque entre l’Assemblée nationale et le Sénat sans porter atteinte à l’autonomie de chacune des deux assemblées : en effet, en pratique, sauf lorsque les problèmes sont communs, les questeurs d’une assemblée n’interviennent que sur les questions portant sur son budget ;
– elle donne aux magistrats de la Cour des comptes un rôle particulier dans le processus d’élaboration des dotations budgétaires des assemblées. La présence de ces magistrats, voulue en 1958, apporte la garantie de l’intervention d’un regard extérieur. Mais il a toujours été entendu que ces magistrats ne représentaient pas la Cour des comptes en tant qu’institution et ne relevaient donc pas, dans l’accomplissement de leurs tâches, de l’autorité du Premier président ou de la Cour. Les propositions des questeurs sont, en fait, adoptées sans autres modifications que celles qu’ils ont éventuellement acceptées.
3. – L’INSCRIPTION DES DOTATIONS DES ASSEMBLÉES DANS LA LOI DE FINANCES
a) La procédure d’adoption des crédits
Le président de la commission commune adresse en son nom au ministre chargé du budget le rapport explicatif contenant les propositions de dotations arrêtées pour chacune des assemblées.
Le ministre ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation et procède à l’inscription sans modification des crédits correspondants dans le projet de loi de finances. Lors de l’examen en commission et en séance publique du projet de loi de finances, les règles de droit commun s’appliquent à la discussion des crédits de la mission Pouvoirs publics et, en leur sein, au débat sur les dotations des assemblées parlementaires : ces crédits font notamment l’objet d’un rapport spécial de la commission des finances, et ils peuvent être amendés.
La dotation de l’État représente la quasi-totalité des ressources de l’Assemblée.
Une fois la loi de finances votée par le Parlement, il revient ensuite aux questeurs de chaque assemblée de répartir les crédits entre les différents comptes de dépenses.
Si des dotations supplémentaires sont demandées à l’État en cours d’année, elles sont intégrées dans une loi de finances rectificative selon les mêmes modalités et la même procédure que la dotation initiale.
b) L’information des parlementaires et du public
Le rapport explicatif établi par la commission commune lors de sa réunion annuelle est intégralement reproduit dans le fascicule budgétaire Pouvoirs publics, qui est un document public. Il donne des précisions sur le montant et la nature des dépenses prévues, ainsi que sur la consommation effective des crédits correspondants au cours de l’exercice écoulé et leur variation d’une année sur l’autre. Il indique la dotation demandée au budget de l’État et le montant prévisionnel des recettes diverses (vente de documents parlementaires, location de salles de réunion, etc.). Il indique aussi, le cas échéant, le prélèvement que l’Assemblée aura décidé d’opérer sur ses disponibilités financières pour financer la différence éventuelle entre le montant de ses charges prévisionnelles et le montant cumulé de la dotation et des recettes diverses.
II. – L’EXÉCUTION DU BUDGET : DES RÈGLES ÉTABLIES PAR CHAQUE ASSEMBLÉE
En conséquence de l’autonomie budgétaire et financière qui leur est reconnue, les assemblées parlementaires ne relèvent, pour la gestion de leur budget, ni du contrôle a priori de régularité du ministère chargé du budget, ni du contrôle juridictionnel a posteriori de la Cour des comptes.
1. – LES RÈGLES ÉTABLIES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Les dispositions applicables figurent dans le règlement budgétaire, comptable et financier qui est un arrêté du Bureau de l’Assemblée nationale.
Ce texte reprend les grands principes budgétaires et comptables de droit public : annualité ; non-contraction des dépenses et des recettes ; non-affectation des ressources qui assurent l’exécution de l’ensemble des dépenses ; nomenclature budgétaire fondée sur la nature des dépenses ; distinction entre section d’investissement et section de fonctionnement ; caractère limitatif des crédits autres que ceux relatifs aux rémunérations ; règle du paiement après service fait.
En cours d’année, des virements de crédits permettent d’assurer la souplesse nécessaire ; les comptes déficitaires sont abondés à partir de comptes excédentaires.
2. – LES DIFFÉRENTES PHASES DE L’EXÉCUTION D’UNE DÉPENSE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Elles sont largement les mêmes que pour les autres administrations de l’État mais comportent certaines particularités liées au principe de l’autonomie financière :
– l’engagement (acte par lequel est créée ou constatée à l’encontre de l’Assemblée une obligation dont il résultera pour elle une charge), préparé par les directeurs des différents services gestionnaires des crédits sous l’autorité du secrétaire général de la Questure, est de la compétence des questeurs ;
– quelle que soit la nature des dépenses concernées, leur liquidation et leur ordonnancement ne peuvent intervenir qu’après l’établissement par les services gestionnaires d’un mandat de paiement au nom d’un ou de plusieurs créanciers ; le mandat est accompagné des pièces justificatives attestant la réalité du service fait ;
• la liquidation (vérification de la réalité de la dette née de l’engagement et détermination de son montant), également préparée par les différents services gestionnaires des crédits, est effectuée par le secrétaire général de la Questure ;
• l’ordonnancement (acte administratif donnant l’ordre de payer une dépense conformément aux résultats de la liquidation) est de la compétence du questeur délégué ;
– le paiement des dépenses est assuré par le trésorier, fonctionnaire de l’Assemblée responsable devant les questeurs des fonds qui lui sont confiés.
3. – LES DOCUMENTS COMPTABLES
Chaque année, le Collège des questeurs arrête le bilan et le compte de résultat agrégé de l’Assemblée nationale, incluant les comptes de l’Assemblée nationale proprement dite, ceux des caisses de pensions et de retraites, ceux des deux fonds de sécurité sociale des députés et du personnel et ceux du Fonds d’assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l’emploi des députés.
Le bilan est accompagné d’une annexe informative qui comporte notamment l’évaluation des engagements sociaux de l’Assemblée nationale. Les travaux nécessaires à cette évaluation sont confiés à un cabinet d’actuaires.
Le bilan, le compte de résultat et l’annexe sont établis en suivant les principes du plan comptable général, sous réserve des adaptations nécessitées par les spécificités de l’Assemblée nationale et décidées par arrêté des questeurs.
III. – LE CONTRÔLE INTERNE ET EXTERNE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE
Les modalités de contrôle de l’exécution du budget sont fixées librement par chaque assemblée parlementaire.
Dans chacune des deux assemblées, le contrôle a posteriori de l’exécution du budget est dévolu à une commission interne.
Il s’y ajoute un contrôle de régularité des comptes entrant dans le cadre de la procédure annuelle de certification des comptes généraux de l’État et confié à une entité tierce.
1. – LE CONTRÔLE DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE DE VÉRIFIER ET D’APURER LES COMPTES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Aux termes de l’article 16 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes de l’Assemblée est composée de quinze députés désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques. Les membres du Bureau de l’Assemblée, et par conséquent les questeurs, ne peuvent en faire partie. Ne peut être élu à sa présidence qu’un député appartenant à un groupe d’opposition.
Chaque année, la commission examine les comptes du dernier exercice clos.
Pour ce faire, la division du budget élabore un projet de rapport. Ce rapport est adopté par les questeurs. Il est ensuite transmis aux membres de la commission spéciale, qui ont la faculté de consulter librement le compte financier (1) et les pièces ayant servi à son établissement. Ce rapport est rendu public.
Après avoir pris connaissance du rapport, la commission spéciale peut en outre adresser un questionnaire aux questeurs. Les réponses, préparées par les services gestionnaires des crédits, sont remises par les questeurs aux membres de la commission. La commission peut procéder à l’audition du certificateur des comptes.
Après avoir entendu les questeurs, la commission spéciale approuve, par arrêté signé de son président et des membres de son bureau, les comptes de l’Assemblée nationale et des comptabilités annexes pour l’exercice écoulé. Par ce même arrêté, elle confie aux questeurs le soin d’affecter le résultat de l’exercice, leur donne quitus de leur gestion ou rend compte à l’Assemblée ; elle est également chargée de donner quitus au trésorier de l’Assemblée.
L’article 16 précité du Règlement de l’Assemblée dispose qu’à l’issue de chaque exercice budgétaire, la commission spéciale établit un rapport public.
L’établissement de ce rapport est confié au président de la commission spéciale qui en autorise la publication. Le rapport expose les motifs qui fondent la décision d’approbation des comptes.
2. – LA CERTIFICATION DES COMPTES
La loi organique relative aux lois de finances a institué une procédure de certification des comptes généraux de l’État, confiée à la Cour des comptes et donnant lieu à l’établissement, par cette juridiction, d’un rapport annexé au projet de loi de règlement de l’exercice écoulé.
Les assemblées ont décidé de confier à une entité tierce la mission d’audit de leurs propres comptes en vue de leur certification. Après avoir été confiée au Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, cette tâche est dévolue depuis l’exercice 2013 à la Cour des comptes.
La certification porte sur les comptes agrégés décrits plus haut. Le rapport de certification est adressé par le Premier président de la Cour des comptes au Président de l’Assemblée nationale aux fins de remise au président de la commission spéciale. Ce rapport est publié sur le site internet de l’Assemblée.
(1) Le compte financier est établi par le directeur des Achats et des finances et soumis à la signature du secrétaire général de la Questure ainsi qu’à celle du questeur délégué. Il comporte un état d’exécution du budget, le compte de résultat, le bilan et ses annexes, ainsi que la balance générale des comptes (article 36 du Règlement budgétaire, comptable et financier).
Septembre 2023