Rubrique > arts et spectacles
Titre > Scènes lyriques
Mme Géraldine Bannier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la situation préoccupante des scènes lyriques. En effet, cette saison 2022-2023, face à des difficultés budgétaires inédites, des dizaines de productions d'opéras ont vu leur programmation abandonnée ou reportée. Certaines scènes lyriques ont mêmes été contraintes de fermer leurs portes comme l'Opéra de Rouen ou celui de Lyon. Surtout, pour la saison 2023-2024, de nombreuses scènes lyriques ont réduit drastiquement le nombre d'œuvres représentées. L'Opéra de Montpellier ne présentera-t-il ainsi que deux œuvres lyriques pour ne pas être dans le rouge d'un point de vue financier. D'ores et déjà, de manière plus structurelle, on note que certains musiciens d'orchestre, salariés des opéras, ne sont plus remplacés à leur départ à la retraite, mais suppléés par des intermittents, moins coûteux. On note ainsi une intensification de l'effet de ciseau entre, d'une part, l'augmentation régulière des coûts fixes des salaires et, d'autre part, la baisse des financements publics : - 9 % en euros constants entre 2006 et 2019. Comme on le sait et comme cela a été pertinemment analysé par Mme Maryvonne de Saint-Pulgent dans son ouvrage « Le Syndrome de l'opéra », les scènes lyriques obéissent à une loi économique (la fameuse loi dite de Baumol) qui les empêchent, non seulement de tirer quelque bénéfice que ce soit d'une représentation, mais encore de rentrer dans leurs frais. Selon cette loi économique, plus on joue, plus on perd de l'argent. C'est ce que l'on a coutume de présenter sous le terme de loi de la « fatalité des coûts croissants ». En effet, dans le domaine lyrique, on ne peut imaginer de gains de productivité en raison, notamment, du coût fixe et très élevé du plateau et de la fosse (chanteurs, chef d'orchestre, musiciens, choeurs, metteurs en scène, décorateurs et scénographes, etc.) et si, pour compenser, on augmentait le prix des places, déjà élevés, on contribuerait à la désertion des maisons d'opéra. Paradoxe souligné dans un article récent du Monde : « Les opéras perdent moins d'argent en restant à l'affiche moins longtemps, puisque la jauge ne suffit pas à les rentabiliser ». Aujourd'hui, comme le souligne Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique : « Une production lyrique coûte entre 300 000 euros et 1,5 million d'euros (hors masse salariale des équipes permanentes), en fonction de l'œuvre, de l'effectif, de la renommée des solistes, du chef, du projet artistique, des décors, de l'utilisation de la vidéo. Si bien que l'intervention de la puissance publique est consubstantielle du fonctionnement des opéras. ». Et, aujourd'hui, l'État et les collectivités territoriales réduisent leurs subventions, ce qui menace à court terme la survie de certaines scènes lyriques. Ainsi, Matthieu Dussouillez, qui dirige l'Opéra national de Lorraine, à Nancy, assure que le très fort niveau d'inflation les « étrangle de façon brutale ». En effet, les scènes lyriques ont dû faire face à des coûts supplémentaires, liés à l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, à la flambée des prix de l'énergie, à la hausse du coût de la main-d'œuvre et des matériaux de construction des décors. À titre d'exemple, à Lyon, la facture d'énergie a plus que triplé pour passer de 300 000 euros à 1,1 million d'euros en un an. Les Forces musicales, le Profedim et la Fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés s'inquiètent aussi légitimement. Face à cette situation exceptionnellement délicate, elle lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour aider les scènes lyriques qui, à Paris comme en région, concourent à dispenser le goût de la musique et des arts, à éduquer tous les publics par des actions spécialisées, à faire vivre des milliers d'hommes et de femmes passionnés, à rendre attractifs les territoires - comme le montre l'opéra de Linières en pleine campagne - et à contribuer à faire du pays, le pays de la culture par excellence.