16ème législature

Question N° 10055
de Mme Géraldine Bannier (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Mayenne )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > arts et spectacles

Titre > Scènes lyriques

Question publiée au JO le : 18/07/2023 page : 6678
Réponse publiée au JO le : 03/10/2023 page : 8793

Texte de la question

Mme Géraldine Bannier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la situation préoccupante des scènes lyriques. En effet, cette saison 2022-2023, face à des difficultés budgétaires inédites, des dizaines de productions d'opéras ont vu leur programmation abandonnée ou reportée. Certaines scènes lyriques ont mêmes été contraintes de fermer leurs portes comme l'Opéra de Rouen ou celui de Lyon. Surtout, pour la saison 2023-2024, de nombreuses scènes lyriques ont réduit drastiquement le nombre d'œuvres représentées. L'Opéra de Montpellier ne présentera-t-il ainsi que deux œuvres lyriques pour ne pas être dans le rouge d'un point de vue financier. D'ores et déjà, de manière plus structurelle, on note que certains musiciens d'orchestre, salariés des opéras, ne sont plus remplacés à leur départ à la retraite, mais suppléés par des intermittents, moins coûteux. On note ainsi une intensification de l'effet de ciseau entre, d'une part, l'augmentation régulière des coûts fixes des salaires et, d'autre part, la baisse des financements publics : - 9 % en euros constants entre 2006 et 2019. Comme on le sait et comme cela a été pertinemment analysé par Mme Maryvonne de Saint-Pulgent dans son ouvrage « Le Syndrome de l'opéra », les scènes lyriques obéissent à une loi économique (la fameuse loi dite de Baumol) qui les empêchent, non seulement de tirer quelque bénéfice que ce soit d'une représentation, mais encore de rentrer dans leurs frais. Selon cette loi économique, plus on joue, plus on perd de l'argent. C'est ce que l'on a coutume de présenter sous le terme de loi de la « fatalité des coûts croissants ». En effet, dans le domaine lyrique, on ne peut imaginer de gains de productivité en raison, notamment, du coût fixe et très élevé du plateau et de la fosse (chanteurs, chef d'orchestre, musiciens, choeurs, metteurs en scène, décorateurs et scénographes, etc.) et si, pour compenser, on augmentait le prix des places, déjà élevés, on contribuerait à la désertion des maisons d'opéra. Paradoxe souligné dans un article récent du Monde : « Les opéras perdent moins d'argent en restant à l'affiche moins longtemps, puisque la jauge ne suffit pas à les rentabiliser ». Aujourd'hui, comme le souligne Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique : « Une production lyrique coûte entre 300 000 euros et 1,5 million d'euros (hors masse salariale des équipes permanentes), en fonction de l'œuvre, de l'effectif, de la renommée des solistes, du chef, du projet artistique, des décors, de l'utilisation de la vidéo. Si bien que l'intervention de la puissance publique est consubstantielle du fonctionnement des opéras. ». Et, aujourd'hui, l'État et les collectivités territoriales réduisent leurs subventions, ce qui menace à court terme la survie de certaines scènes lyriques. Ainsi, Matthieu Dussouillez, qui dirige l'Opéra national de Lorraine, à Nancy, assure que le très fort niveau d'inflation les « étrangle de façon brutale ». En effet, les scènes lyriques ont dû faire face à des coûts supplémentaires, liés à l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, à la flambée des prix de l'énergie, à la hausse du coût de la main-d'œuvre et des matériaux de construction des décors. À titre d'exemple, à Lyon, la facture d'énergie a plus que triplé pour passer de 300 000 euros à 1,1 million d'euros en un an. Les Forces musicales, le Profedim et la Fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés s'inquiètent aussi légitimement. Face à cette situation exceptionnellement délicate, elle lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour aider les scènes lyriques qui, à Paris comme en région, concourent à dispenser le goût de la musique et des arts, à éduquer tous les publics par des actions spécialisées, à faire vivre des milliers d'hommes et de femmes passionnés, à rendre attractifs les territoires - comme le montre l'opéra de Linières en pleine campagne - et à contribuer à faire du pays, le pays de la culture par excellence.

Texte de la réponse

La musique bénéficie d'un soutien historique de la part de l'État et des collectivités territoriales et la France bénéficie aujourd'hui d'un réseau unique : 30 maisons d'opéra, 31 orchestres permanents, plusieurs centaines d'ensembles indépendants, dont plus de 400 ont été soutenus par l'État en 2022 et un réseau riche de lieux d'enseignement. Le ministère de la culture s'est mobilisé ces dernières années face à la crise sanitaire puis inflationniste pour soutenir les maisons d'opéra. Ainsi, en 2021, 30 millions d'euros ont été accordés au secteur culturel au titre du plan de relance, en faveur des opéras, orchestres, ensembles et festivals du territoire afin de favoriser la reprise du spectacle vivant et la reconquête du modèle de création français. En 2022 et 2023, le Gouvernement s'est mobilisé pour compenser l'augmentation des coûts de l'énergie via l'amortisseur électricité et l'aide guichet qui s'adressent aux petites et moyennes entreprises non éligibles au bouclier tarifaire. Les établissements publics et les structures culturelles, notamment les orchestres et les maisons d'opéras, ont ainsi bénéficié de ces aides exceptionnelles. Selon les structures, l'amortisseur a permis de diminuer les coûts de 20 à 30 %. En plus des aides transversales, le ministère de la culture a soutenu, début 2023, au titre de l'aide à l'énergie, les orchestres et les opéras à hauteur de près de 700 000 euros. Si le contexte budgétaire est peu propice à des augmentations généralisées, il est nécessaire pour les partenaires publics et les professionnels de repenser collectivement leurs missions et leurs modèles économiques. C'est dans ce sens que le plan pour la création « Mieux produire, mieux diffuser » est proposé par le ministère de la culture. Pour le secteur lyrique, il s'agit de faire face aux transformations écologiques, numériques et sociétales du 21e siècle, en s'appuyant notamment sur davantage de coopération et de sobriété. Les professionnels doivent activement s'engager sur toutes les formes de mutualisation, favoriser les coproductions ainsi que la diffusion sur des temps plus longs afin que les œuvres rencontrent davantage le public. Ainsi, le ministère a organisé cette année une série de concertations avec l'ensemble des professionnels et des partenaires pour partager un diagnostic commun de ces mutations en cours. Ce travail doit maintenant permettre de formuler des réponses collectives. Un dialogue sera engagé dans les semaines et mois à venir avec les collectivités territoriales qui financent très majoritairement les institutions lyriques en région, pour tracer avec elles des perspectives financières à moyen terme permettant d'assurer leur pérennité.