16ème législature

Question N° 1014
de Mme Isabelle Périgault (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Instruction en famille

Question publiée au JO le : 06/09/2022 page : 3909
Réponse publiée au JO le : 04/04/2023 page : 3102

Texte de la question

Mme Isabelle Périgault alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les difficultés rencontrées par les familles souhaitant faire l'école à domicile à leurs enfants. Avec l'application de la Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l'instruction en famille est très encadrée. Le régime déclaratif a été abandonné au profit d'un régime dérogatoire, obligeant les familles à justifier cette instruction à domicile par quatre motifs. Si ce durcissement de la loi a été fait dans le but de limiter la radicalisation et de transmettre aux enfants des valeurs similaires, aucune famille souhaitant mettre en place une autre éducation pour ses enfants ne doit être entravée. Avec l'application des décrets de cette loi, l'accréditation de cette instruction à domicile est presque systématiquement refusée aux familles. Pourtant, l'article 371-1 du Code civil spécifie que le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leur enfant est acquis aux parents. De plus, nombreuses de ses familles fonctionnent comme cela depuis fort longtemps et respectent les lignes éducatives données par l'éducation nationale. Lors du débat sur ce projet de loi, il n'avait été aucunement question que les parents devraient prouver l'impossibilité de scolariser leur enfant pour obtenir l'accréditation. De plus, une véritable iniquité existe dans l'application de cette loi sur le territoire. En effet, la situation est très disparate entre les académies. Celles de Nantes ou de Montpellier, ont parfaitement compris l'essence de la loi et l'appliquent avec intelligence, quand d'autres, font des refus une réponse systémique. Cette discrimination territoriale ne peut plus durer. Trop de familles sont pénalisées, privant ainsi de nombreux enfants d'une éducation scolaire choisie par leurs parents. Ainsi, elle souhaiterait connaître le plan d'action du ministère pour remédier à cette situation et permettre ainsi, à toutes les familles qui le souhaitent et qui font preuve de bonne volonté dans cette démarche, d'obtenir l'accréditation de l'instruction à domicile.

Texte de la réponse

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part, en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et, d'autre part, en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il ne peut être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi. Outre les motifs liés à l'état de santé de l'enfant ou son handicap, à la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives et à l'itinérance de la famille en France ou à l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public, figure le motif fondé sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a indiqué que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire ». Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée, et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Ainsi, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction dans la famille et de porter atteinte aux pratiques positives. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect des droits de l'enfant, en particulier à une éducation complète, sont les critères principaux qui gouvernent l'ensemble du dispositif. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre de refus d'autorisation, sur les 59 019 demandes d'autorisation instruites au 1er décembre 2022, 53 014 ont donné lieu à une autorisation, soit 89,8 % des demandes. Sur les 5 211 demandes instruites d'autorisations d'instruction dans la famille, effectuées au titre du motif 4°, 3 196 ont donné lieu à une autorisation, soit 61,3 % des demandes. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie, laquelle est composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, au 1er décembre 2022, sur les 2 775 recours administratifs préalables obligatoires instruits, 1 407 ont donné lieu à une autorisation d'instruction dans la famille, soit 50,7 % des demandes. Par conséquent, les recours administratifs préalables obligatoires représentent un levier d'harmonisation au niveau académique des décisions nées de l'instruction des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille par les services départementaux de l'éducation nationale. Le Gouvernement entend bien garantir l'application de la loi CRPR dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. À cet égard, les services du ministère chargé de l'éducation nationale accompagnent les services académiques dans la mise en œuvre du nouveau régime d'autorisation d'instruction dans la famille en réunissant régulièrement le réseau des référents académiques, en demandant aux services déconcentrés de veiller à l'harmonisation et à la motivation des décisions prises, et de toujous maintenir le dialogue avec les familles.