Rubrique > impôts et taxes
Titre > Quand est-ce que l'État va taxer les holdings ?
M. François Ruffin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la perception de l'impôt des ménages les plus riches, et la taxation des holdings financières. Le ministre de l'économie annonce un plan d'économies de dix milliards d'euros, avec des médicaments non-remboursés, avec une baisse des aides à l'apprentissage et à la formation, avec des budgets rétrécis sur l'université. Autant de mesures qui vont peser sur les ménages modestes. Mais faut-il rappeler à M. le ministre que 16% des Français, soit un Français sur six, déclarent déjà ne pas manger à leur faim ? Que 43 % des Français réduisent leurs dépenses sur d'alimentation ? Que 32 % des Français rognent sur leurs dépenses alimentaires pour partir en vacances ? Alors que, dans le même temps, une étude de l'Institut des politiques publiques établit que les milliardaires paient un impôt ridiculement bas par rapport à l'ensemble de leurs revenus : seulement 2 % du revenu économique parmi les 378 ménages les plus aisés. Ainsi le niveau d'impôt devient-t-il « fortement régressif » à ce niveau de fortune ! Et même en intégrant l'impôt sur les sociétés, les plus riches paient entre 20 et 30%. Bien loin des 40 à 50%, avec TVA, cotisations etc. du commun des Français. Or, faut-il rappeler à M. le ministre que le principe de la progressivité de l'impôt est fondamental dans le système fiscal français ? Comme le rappelle la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui a toujours valeur constitutionnelle, la charge fiscale doit être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Les chercheurs de l'Institut des politiques publiques expliquent que les milliardaires du pays échappent à l'impôt en organisant légalement leurs fortunes en dehors de l'assiette de l'impôt sur le revenu et de ce qui reste de l'impôt sur la fortune : « Au fur et à mesure que l'on s'élève dans la distribution des revenus, les foyers fiscaux reçoivent de plus en plus de revenus par le biais des bénéfices des sociétés qu'ils détiennent ». Parmi ces sociétés, il y a notamment les fameuses holdings financières. D'où cette question qui apparaît urgente aujourd'hui : à quand une taxation des holdings financières ? Une taxation de ces holdings financières est possible. Les chercheurs de l'Institut des politiques publiques invitent à s'inspirer des Etats-Unis, une nation qui n'a rien d'anticapitaliste. Ils écrivent : « depuis 1934, les holdings dont les revenus sont principalement constitués de revenus financiers et qui sont contrôlés par un petit nombre de personnes physiques sont soumis à une taxe spécifique sur les revenus non distribués, dont le taux de 20 % a une visée dissuasive plutôt que budgétaire ». Ainsi, fini le coffre-fort. Ils poursuivent : « par ailleurs, depuis 1937, les résidents américains contrôlant des sociétés étrangères dont la majorité des revenus sont de nature financière sont soumis à une taxe sur le revenu non distribué par ces sociétés étrangères ». Ainsi, même face à des holdings détenues à l'étranger, l'État pourrait réaffirmer les devoirs fiscaux des citoyens milliardaires français. Organiser la perception de l'impôt des plus riches au-delà des mécanismes d'optimisation fiscale pourrait rapporter au Trésor public jusqu'à 20 milliards d'euros chaque année, selon les calculs de l'économiste Gabriel Zucman dans ses travaux sur les paradis fiscaux. À l'heure où le M. le ministre s'inquiète pour les caisses de l'État, il lui demande quand il va organiser l'imposition des holdings financières.