Question écrite n° 10161 :
Émeutes en France : lever l'interdiction des courtes peines pour les mineurs

16e Législature

Question de : Mme Joëlle Mélin
Bouches-du-Rhône (9e circonscription) - Rassemblement National

Mme Joëlle Mélin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de mettre en place des sanctions adaptées pour les mineurs auteurs de violences. En effet, les tribunaux judiciaires jugent depuis la fin des émeutes de juin et juillet 2023, les premiers prévenus interpellés. Or 30 % des déférés devant la justice sont des mineurs et 40 % d'entre eux ont déjà eu affaire à la justice, sans que visiblement cela n'ait modifié leur comportement. Le pédopsychiatre Maurice Berger, spécialiste de la violence chez les enfants (auteur en 2008 de « Voulons-nous des enfants barbares ? »), recommande dans ces cas, l'application de courtes peines de prison. Il juge qu'elles seraient « efficaces sur un bon nombre de mineurs, si elles sont d'application rapide et surtout pas réservées à des multi-multi récidivistes, si elles s'accompagnent d'un lourd sursis, épée de Damoclès à la sortie et d'une suspension des contacts avec la famille ». Il insiste en précisant que « la force, au sens de l'empêchement d'agir, ne règle évidemment pas tout, mais cette butée est fréquemment la condition préalable au travail éducatif et psychologique ». Or le nouveau code pénal des mineurs paru en 2019, n'aurait, selon cette démonstration, fait que de renforcer ces comportements délictogènes et de criminogènes, car il interdit l'incarcération pour une durée de moins d'un mois et prône le bracelet électronique pour les peines allant jusqu'à 6 mois, voire plus, ce qui revient souvent à faire séjourner un délinquant dans un milieu familial violent et refusant de se soumettre à toute loi extérieure. Aussi, elle lui demande si, sur la base des évènements récents, il compte amender le code pénal afin de rétablir cette possibilité d'appliquer des courtes peines de prison pour les mineurs violents.

Réponse publiée le 5 décembre 2023

Des émeutes ont eu lieu dans de nombreuses villes durant les mois de juin et juillet 2023 suite au décès brutal d'un mineur de 17 ans le 27 juin 2023 à Nanterre. Deux circulaires ont été diffusées aux procureurs généraux et aux procureurs de la République par le garde des Sceaux les 30 juin et 5 juillet 2023, l'une relative au traitement judiciaires des violences urbaines impliquant une réponse pénale rapide, ferme et systématique, l'autre relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines et aux conditions d'engagement de la responsabilité de leurs parents. Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) est par ailleurs récemment entré en vigueur, le 30 septembre 2021, après validation de ses dispositions par le Parlement. En conformité avec les exigences constitutionnelles et les engagements internationaux de la France et dans la continuité de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, l'article préliminaire du code rappelle les principes fondamentaux de la justice des mineurs : la responsabilité pénale atténuée en fonction de l'âge du mineur, la primauté de l'éducatif sur le répressif et la spécialisation des juridictions et des procédures. Le CJPM met en place une nouvelle procédure dont l'objectif premier est d'apporter une réponse pénale rapide, notamment sur la culpabilité du mineur afin de lui permettre de se responsabiliser et d'entamer un travail éducatif. À ce titre, dans le cadre de la procédure de mise à l'épreuve éducative, il est statué sur la culpabilité dans un délai de 3 mois maximum à compter de la saisine de la juridiction pour mineurs et sur la sanction dans un délai maximal de 9 mois à compter du prononcé de la culpabilité, à l'issue d'une période de mise à l'épreuve éducative. Le CJPM prévoit par ailleurs une procédure dérogatoire qui permet au procureur de la République de saisir le tribunal pour enfants (TPE) afin que le mineur soit jugé au cours d'une audience unique sur la culpabilité et la sanction. Cette procédure dérogatoire concerne les affaires d'une particulière gravité commises par des mineurs ayant des antécédents judiciaires ou ayant refusé de se soumettre à une signalisation. Ainsi les mineurs sont jugés plus rapidement depuis l'entrée en vigueur du CJPM. Les délais de jugement ont diminué de 40%. S'agissant du prononcé des peines d'emprisonnement, il est nécessaire de rappeler que les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale sont applicables à l'égard des mineurs sauf lorsqu'il en est disposé autrement par le CJPM (article L. 13-1). Ainsi l'article 132-19 du code pénal, applicable aux mineurs comme aux majeurs, dispose que la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. L'article 132-25 du code pénal prévoit que si la peine est inférieure ou égale à 6 mois, la juridiction doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement de peine prévues dans ce même article (détention à domicile sous surveillance électronique, semi-liberté, placement à l'extérieur). Lorsque la peine est comprise entre 6 mois et un an, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, sauf impossibilité matérielle. Ces dispositions du code pénal sont applicables aux majeurs comme aux mineurs et il n'apparait pas opportun de les modifier. Dans le contexte des évènements que vous évoquez, une réponse judiciaire ferme a été apportée dans le respect des principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs. Enfin, plusieurs mesures sont envisagées afin de répondre au mieux à cette délinquance : notamment des placements de jour ou de nuit adaptés selon les profils des mineurs et un renforcement du partenariat Justice-Armée. Il est également prévu une responsabilisation des parents notamment en augmentant les sanctions encourues par eux et en les rendant solidairement responsables de l'indemnisation des dommages causés par les actes de leur enfant, y compris pour le parent qui n'héberge pas son enfant.

Données clés

Auteur : Mme Joëlle Mélin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 18 juillet 2023
Réponse publiée le 5 décembre 2023

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