16ème législature

Question N° 101
de M. Joël Aviragnet (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > enseignement supérieur

Titre > Situation des écoles d'infirmiers

Question publiée au JO le : 03/01/2023
Réponse publiée au JO le : 11/01/2023 page : 89

Texte de la question

M. Joël Aviragnet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation de la formation des infirmiers. S'il faut retenir une leçon de la crise sanitaire, c'est bien que le pays a un besoin vital de personnels soignants. Ces soignants doivent être justement rémunérés, bien formés et mais aussi motivés pour exercer ce beau métier qui peut s'avérer épuisant. Or, depuis cinq ans et l'introduction de l'algorithme ParcourSup, la qualité des formations proposées aux futurs infirmiers et infirmières ne cessent de se dégrader. Tout d'abord, la suppression des entretiens de motivation, préalables à l'entrée en IFSI, garantissaient auparavant une réelle volonté des futurs infirmiers de s'orienter vers cette filière. Les métiers du soin, les métiers tournés vers l'aide à autrui nécessitent des qualités humaines qu'un algorithme ne saurait détecter. C'est la suppression de cet entretien qui explique en partie l'explosion du taux d'abandon en première année. À l'échelle nationale, ce taux est de 30 %. Pour l'IFSI de Saint-Gaudens, dans la circonscription de M. le député, il est même de 40 %. Cet abandon peut aussi s'expliquer par d'autres facteurs. M. le député pense ici à la prise en compte du lieu de résidence des parents. Il ne compte plus le nombre de citoyens lui ayant expliqué que leur fille voulait devenir infirmière, mais qu'elle y a renoncé pour des raisons géographiques. Il est difficile pour un jeune de 18-20 ans de s'installer à 500 kilomètres de chez lui, surtout lorsqu'il pourrait étudier dans sa ville d'origine. Alors que la France manque de personnels soignants, elle ne peut pas se permettre des promotions remplies à un tiers. Enfin, il y a un cruel manque de places en stage pour les futurs diplômés. Une salle de classe ne sera jamais aussi formatrice qu'une expérience de terrain, à mettre en pratique les nombreuses leçons apprises à l'école. Aussi, il lui demande s'il va procéder à une révision de ParcourSup pour y intégrer de nouveaux critères, tels que la prise en compte du lieu de résidence des parents, ou le rétablissement de l'entretien de motivation pour les métiers tournés vers l'humain et s'il va augmenter le nombre de places en stages.

Texte de la réponse

ÉCOLES D'INFIRMIERS


Mme la présidente. La parole est à M. Joël Aviragnet, pour exposer sa question, n°  101, relative aux écoles d'infirmiers.

M. Joël Aviragnet. Si nous devons retenir une leçon de la crise sanitaire, c'est bien que notre pays a un besoin vital de personnel soignant. Ces soignants doivent être justement rémunérés, bien formés mais aussi motivés pour exercer ce beau métier qui, s'il doit mobiliser des qualités humaines, peut s'avérer épuisant.

Or, depuis cinq ans et l'introduction de l'algorithme Parcoursup, la qualité des formations proposées aux futurs infirmiers et infirmières ne cesse de se dégrader. Tout d'abord, la suppression des entretiens de motivation préalable à l'entrée en institut de formation en soins infirmiers – Ifsi – garantissait auparavant une réelle volonté des futurs infirmiers de s'orienter vers cette filière. Les métiers du soin et tournés vers l'aide à autrui nécessitent des qualités humaines qu'un algorithme ne saurait détecter. La suppression de cet entretien explique en partie l'explosion du taux d'abandon en première année, qui est de 30 % à l'échelle nationale ; me semble-t-il – vous m'avez vous-même donné ce chiffre.

À l'Ifsi de Saint-Gaudens, dans ma circonscription, il est de 40 %. Ainsi, 40 % des places de première année qui sont financées ne sont pas pourvues, alors que, dans le même temps, on manque d'infirmiers et d'infirmières à l'hôpital de Saint-Gaudens, à 3 kilomètres.

Cet abandon peut aussi s'expliquer par d'autres facteurs, notamment la prise en considération du lieu de résidence des parents. Je ne compte plus le nombre de citoyens m'ayant expliqué que leur fils ou leur fille voulait devenir infirmier mais qu'ils y avaient renoncé pour des raisons géographiques. Il est souvent impossible pour des familles de financer des études à 500 ou 600 kilomètres de leur domicile alors que leur enfant pourrait étudier dans sa ville d'origine.

Alors que nous manquons de personnel soignant, notre pays ne peut se permettre de financer des promotions remplies à un tiers. Enfin, nous manquons cruellement de places en stage adaptées à des jeunes en première année de formation qui ont encore besoin d'apprendre.

Madame la ministre déléguée, procéderez-vous à une révision de Parcoursup pour y intégrer de nouveaux critères, tels que la prise en considération du lieu de résidence des parents ou le rétablissement de l'entretien de motivation pour les métiers tournés vers l'humain ? Augmenterez-vous le nombre de places en stage ? Ce sont autant de problèmes qui sont maintenant identifiés au niveau national et qu'il faut résoudre de manière urgente.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Sylvie Retailleau, à qui s'adressait votre question.

Les formations en soins infirmiers ont intégré Parcoursup en 2019 pour permettre aux candidats d'y accéder après le baccalauréat, sans concours. Cette évolution visait à remédier aux effets induits par le concours : son défaut d'attractivité et le développement d'une offre de préparation privée et payante faisaient obstacle à l'accès à cette formation.

Cependant, des observations ont été formulées qui établissent un lien entre la nouvelle procédure et les abandons prématurés – à hauteur de 30 % la première année –, souvent à la suite du premier stage. En l'état, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne dispose pas de données suffisamment fiables, récentes et détaillées pour objectiver la situation. En tout cas, il est permis de douter que celle-ci ait une cause unique.

Les commissions d'examen des vœux disposent de l'intégralité du dossier des candidats afin d'examiner leur motivation. Des mesures ont été prises en lien avec les Ifsi pour renforcer, dès cette année, les actions d'information et d'orientation et pour mieux évaluer la motivation des candidats sans qu'il soit nécessaire de recourir à des entretiens, trop coûteux non seulement pour l'administration qui les organiserait mais aussi pour les familles.

S'agissant du lieu de résidence, chaque candidat peut formuler cinq vœux pour cinq groupements d'Ifsi, chaque Ifsi correspondant à un sous-vœu. Les candidats peuvent sélectionner l'ensemble des Ifsi d'un même groupement. Ils sont libres de leurs choix et peuvent diversifier leurs vœux en fonction de leurs propres critères, notamment géographiques.

L'Inspection générale des affaires sociales, l'Igas, a récemment remis un rapport sur l'enjeu de l'évolution de la formation au métier d'infirmier. Et, vendredi, lors de ses vœux aux acteurs de la santé, le Président de la République nous a demandé, après avoir rencontré de nombreuses infirmières, de réfléchir à une évolution qui permette de réduire le taux d'abandon, qui est de 30 % la première année et de 20 % à la fin du parcours diplômant.

Il n'est pas satisfaisant que, malgré une augmentation de 20 % du nombre de postes ouverts à la formation au métier d'infirmier, le solde, à la sortie, soit négatif. C'est donc bien une réflexion très large que nous devons mener avec le ministère de l'enseignement supérieur sur l'évolution de la formation ; il nous faut agir très vite, car nous avons besoin d'infirmières et d'infirmiers.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Madame la ministre déléguée, le taux d'abandon n'a jamais été aussi élevé – 30 % ! –, et cette situation est récente. Voilà la réalité.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Bien sûr !

M. Joël Aviragnet. On peut faire tous les rapports et toutes les études que l'on veut, mais il y a une urgence.

Vous n'allez pas me faire croire – à moi, qui ai été éducateur et qui ai participé à des entretiens de sélection de directeur à l'École des hautes études en santé publique de Rennes – qu'il n'est pas nécessaire de rencontrer les candidats en tête-à-tête pour évaluer leur motivation : il est impossible de le faire à partir d'un dossier écrit. Il faut donc rétablir les entretiens.

Enfin, ce vous dites à propos du lieu de résidence n'est pas vrai : ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Je ne reviendrai pas sur la manière dont fonctionne Parcoursup. Mais, chaque année, des dizaines de nos concitoyens interpellent les députés – y compris, certainement, ceux de la majorité – pour regretter que leur enfant, qui vit dans le Sud, soit affecté dans une école du Nord de la France. Ainsi, les familles qui ont le moins de moyens ne peuvent pas financer ces études ; l'accès aux écoles d'infirmier est refusé à ceux qui ont les plus bas revenus. Ce n'est pas acceptable !