Rubrique > environnement
Titre > « Transition énergétique » : quand l'Etat se coupe les mains et prétend agir
M. François Ruffin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'avenir de l'entreprise Altrad-Endel. Le Gouvernement empêchera-t-il le dépeçage de Endel ? Il s'agit d'une ancienne filiale d'Engie, leader Français de la maintenance industrielle et des services à l'énergie, qui intervient, entre autres, dans les centrales nucléaires. Pour rappel, l'ex-directrice générale de Engie, Laurence Kocher, misait sur la décarbonation de son groupe, sur la sortie du pétrole et du gaz, sur la production d'énergies vertes et surtout, « dans la deuxième vague de la transition », sur les services énergétiques aux entreprises, les aidant à rechercher et mettre en œuvre, de nouvelles solutions : Endel était alors au cœur de cette stratégie. Mais au printemps 2020, le Conseil d'administration, dont l'État, premier actionnaire, débarque la DG, refusant cette orientation. Engie se concentre alors sur son « cœur de métier », le gaz, la production d'électricité. La firme choisit de se « réorganiser », selon le jargon de l'entreprise, de « faire le ménage dans ses activités de services », comme l'énonce la presse, de se « démanteler », comme le dénoncent les syndicats. Les « services multi-techniques » en font les frais : ces 76 000 salariés, dont 27 000 en France, sont rebaptisés « Equans » pour mieux être revendus (à Bouygues). Et, donc, ce qui constitue l'objet de cette question, la branche historique Endel, est rachetée par le groupe Altrad, qui est spécialisée dans le matériel de bâtiment et aucunement dans l'industrie. M. le député pense que ce choix est une erreur. D'abord, c'est le secteur nucléaire qui va se trouver un peu plus dans le chaos, avec l'un de ses chaînons pour la maintenance qui sera moins sécurisé que fragilisé. Ensuite, parce que le Gouvernement promet une « transition écologique », réclame aux entreprises des « économies d'énergie », mais se prive d'outils majeurs pour intervenir, pour soutenir cette conversion. L'État se coupe les mains et prétend agir. Mais ces décisions, déplorables selon M. le député, appartiennent au passé. La « réorganisation » de Endel, en revanche, commence, ce qui ne constitue pas, à vrai dire, une surprise. La tactique du repreneur est classique : sous couvert de « réorganiser » à son tour, il va diminuer les coûts. Un syndicaliste a analysé la situation auprès de M. le député en ces termes : « Le groupe Altrad veut découper l'entreprise en petits morceaux sans justification économique ou d'efficacité. Le seul argument qu'avance la direction, c'est la nécessité de responsabiliser les directeurs régionaux pour qu'ils puissent prendre des décisions avec plus de souplesse. Mais il évident que l'objectif est juste de faire passer Endel de trois grosses entités à une douzaine d'établissements qui seront en concurrence les uns avec les autres. C'est toujours pareil : dès qu'une grosse entreprise est rachetée, la nouvelle direction voit d'un mauvais œil les acquis sociaux et les leviers d'action des salariés. En créant des CSE de 100, 120 personnes, ils vont pouvoir dénoncer les accords d'entreprise, jouer sur le manque de compétitivité et tout le monde va y perdre ». M. le député alerte le Gouvernement au nom des 5 000 salariés, bien sûr, qui s'interrogent pour leur avenir. Mais il l'alerte aussi, surtout, pour l'avenir de cet outil, nécessaire à l'industrie française, nécessaire à sa transformation. Aux dernières « Rencontres Economiques » d'Aix en Provence, face aux multiples soucis dans les centrales nucléaires, face aux retards sur les chantiers, M. le ministre a déclaré : « Nous avons aussi besoin de former des chaudronniers et des soudeurs ». C'est vrai. Mais il est également nécessaire d'avoir un acteur fort, en France, qui structure les services énergétiques aux entreprises et non d'une kyrielle de sociétés qui recourront, in fine, à la sous-traitance de la sous-traitance. C'est là un secteur stratégique. Que compte faire le Gouvernement pour empêcher le lent démantèlement de Endel ? Laissera-t-il faire ?