16ème législature

Question N° 103
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - NUPES - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Mer
Ministère attributaire > Mer

Rubrique > transports par eau

Titre > Dumping social cabotage maritime - Méditerranée et transmanche

Question publiée au JO le : 10/01/2023
Réponse publiée au JO le : 18/01/2023 page : 441

Texte de la question

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur le dumping social dans le cabotage maritime pour la Méditerranée et les relations transmanches.

Texte de la réponse

DUMPING SOCIAL POUR LE CABOTAGE


Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour exposer sa question, n°  103, relative au dumping social pour le cabotage.

M. Sébastien Jumel. Personne n’a oublié la sidération qui s’est emparée de la communauté maritime, de part et d’autre de la Manche, en mars dernier, quand la compagnie P&O Ferries a licencié sans préavis, et par simple message vidéo, 800 de ses marins travaillant sur la liaison transmanche. Ces salariés exerçant dans des conditions de travail respectueuses de leur bien-être et de la sécurité en mer ont été remplacés au pied levé par des salariés recrutés dans des pays tiers à très faible coût de main-d’œuvre. Personne n’a oublié cet événement révélateur d’une offensive de dumping social sur le transport maritime entre la France et le Royaume-Uni à l'ampleur et à la brutalité sans précédent. Dès 2021, la compagnie Irish Ferries avait ouvert le bal de cette guerre du low cost, en faisant naviguer sur la liaison entre Calais et Douvres des navires battant pavillon chypriote.

Ce dumping social signe une concurrence déloyale, qui repose sur la diminution des droits sociaux de marins travaillant dix-sept semaines d'affilée sans mettre le sac à terre, à raison de quatre-vingt-deux heures hebdomadaires, et qui sont payés moitié moins que le salaire minimum britannique.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, cette situation menace nos entreprises d’armement qui, elles, rémunèrent correctement leurs marins, leur garantissent treize jours de repos à terre après treize jours passés en mer, et respectent leurs droits sociaux – les compagnies françaises DFDS Seaways SAS, dont le siège social se situe à Dieppe, et Brittany Ferries – anciennement BAI –, dont le siège est à Roscoff. Toutes deux, vous le savez, emploient près de 2 500 marins, du détroit du pas de Calais à la Bretagne en passant par la Normandie. Leurs navires, immatriculés au premier registre du pavillon français – qui protège les droits des marins et assure un haut niveau de savoir-faire et de sécurité – sont désormais exposés à des concurrents qui ont choisi des pavillons de complaisance.

Face au dumping social, le statu quo serait porteur de risques majeurs à la fois pour la sécurité maritime, le bien-être des gens de mer, le secteur maritime français et notre souveraineté. Puisque les compagnies low cost, dans leur pure logique d’actionnaires, rejettent votre offre d'adopter une charte de bonne conduite, il faut fixer des règles, reprendre le cap et agir par la loi et la diplomatie. Je sais que vous y travaillez, et que c’est possible.

La fin du caractère intracommunautaire des liaisons maritimes entre la France et le Royaume-Uni causée par le Brexit a fait tomber un cadre protecteur, mais puisque près de 80 % du trafic transmanche passe par le détroit du pas de Calais, c'est là qu’il faut agir. Les eaux territoriales françaises et britanniques se rejoignent à cet endroit, formant une sorte de mer domestique commune où la France et le Royaume-Uni sont pleinement souverains, leur offrant la possibilité de décider de mesures motivées encadrant l'exploitation des ferrys, afin de défendre la sécurité et le bien-être des gens de mer.

Dans les jours qui viennent, je déposerai une proposition de loi en ce sens, afin de soutenir votre démarche. Dans l'intérêt des marins français concernés, êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d'État, à avancer sur ce sujet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer. Tout d'abord, je vous présente mes meilleurs vœux, madame la présidente, ainsi qu'à M. Jumel, que je tiens à remercier pour son implication sur ce sujet important pour le Gouvernement. La concurrence déloyale et la course au moins-disant qui fonde le développement du modèle low cost sont inacceptables et, depuis ma prise de fonctions en juillet, je me bats, à vos côtés et aux côtés des entreprises que vous avez citées – DFDS Seaways SAS et la Brittany Ferries – pour lutter pied à pied contre le développement de cette pratique, en Manche mais également en Méditerranée.

Dès juillet 2022, j'ai d'ailleurs reçu les dirigeants de la Brittany Ferries et de DFDS Seaways, ainsi que les syndicats – la CFDT, la CGT et la CFE-CGC – pour travailler à des pistes d'actions concrètes afin de faire face à cette situation. Il s'agit d'affirmer très fortement notre position politique : la France n'acceptera pas d'être mise devant le fait accompli par des entreprises qui veulent développer un modèle low cost, comme P&O Ferries ou Irish Ferries.

Depuis juillet 2022, nous avons ainsi renforcé les contrôles de ces entreprises, ce qui a porté ses fruits, puisqu'elles sont revenues à la table des négociations et se sont engagées à avancer sur la question d'une charte commune aux entreprises de chaque côté de la Manche, qui garantisse un socle minimal de droits sociaux pour les marins – vous avez d'ailleurs participé à cette réunion.

Afin d'être à la pointe sur tous les sujets et de ne rien laisser passer, nous avons également créé une task force interministérielle regroupant notamment le secrétariat d'État chargé de la mer et le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Par ailleurs, nous avons confié une mission aux inspections relevant de mon secrétariat d'État : leurs propositions aboutiront à la rédaction d'une loi de police en matière de dumping social, qui sera ensuite traduite dans le droit français.

Comme vous le voyez, la détermination du Gouvernement est pleine et entière.

Comme vous, votre collègue Didier Le Gac a déposé une proposition de loi tendant à lutter contre le dumping social, preuve du caractère transpartisan de ce sujet. Nous souhaitons travailler avec vous deux et espérons qu'une loi de police fixant plusieurs règles en matière de lutte contre le dumping social sera adoptée dès cette année, afin de préserver le modèle social français et d'assurer la sécurité de nos marins et des passagers. En effet, les pratiques des entreprises qui promeuvent le modèle low cost, et qui n'ont comme objectif que la course à la rentabilité, ne permettent pas d'assurer la sécurité des passagers français et britanniques qui traversent la Manche – et le même constat vaut pour la traversée de la Méditerranée.

Monsieur le député, vous pouvez compter sur mon action et celle du Gouvernement pour lutter contre le dumping social.

M. Sébastien Jumel. Merci, monsieur le secrétaire d'État.<