Souveraineté judiciaire - affaire Sébastien Raoult
Question de :
M. Jérôme Guedj
Essonne (6e circonscription) - Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES)
M. Jérôme Guedj appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation de Sébastien Raoult. Sébastien Raoult est incarcéré dans la prison de Tiflet 2, près de Rabat, au Maroc. Il a été arrêté le 1er juin 2022 sur demande des autorités américaines alors qu'il s'apprêtait à embarquer pour Bruxelles. La Cour de Cassation du Maroc a récemment rendu un avis favorable à l'extradition de Sébastien Raoult du Maroc vers les États-Unis. Les autorités américaines reprochent à Sébastien Raoult d'avoir commis sur le sol français des actes de piratage informatique et du vol de données, dans le cadre du groupe des « ShinyHunters », notamment à l'encontre d'entreprises américaines, dont Microsoft et Github. M. le ministre a affirmé « ne pas avoir la possibilité d'intervenir à ce stade » alors que les moyens du ministère de la Justice auraient été abondamment utilisés au stade antérieur de la procédure d'enquête. Selon les informations rendues publiques par Libération (8 août 2022), les autorités américaines ont demandé en 2021 l'aide du ministère de la Justice dans le cadre d'une convention internationale d'entraide pénale visant le groupe des « ShinyHunters ». Puis, les États-Unis ont émis un mandat d'arrêt international sur la base des éléments collectés en France grâce à la coopération des services français. L'affaire Sébastien Raoult alerte. Il risque 116 ans de prison, sans qu'aucun aménagement de peine ne soit envisagé. Si les autorités judiciaires françaises restent passives, il pourrait finir sa vie en prison aux États-Unis. Son droit à la vie est menacé par une détention de facto à perpétuité qui pourrait contrevenir aux principes de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'État de droit est une construction fragile, toujours perfectible. Une institution judiciaire qui respecte les droits humains est nécessaire pour le réaliser. Mais elle doit respecter la souveraineté nationale, laquelle s'applique aux ressortissants notamment pour les affaires judiciaires internationales. Il souhaite savoir si les services du ministère de la Justice ont joué un quelconque rôle pour faciliter ou permettre à Sébastien Raoult de se rendre au Maroc. Il demande au garde des Sceaux, ministre de la Justice de faire la lumière sur les zones d'ombres relatives à l'absence d'ouverture d'une information judiciaire des autorités françaises à l'encontre de Sébastien Raoult. Il souhaite savoir quelles sont les actions envisagées par le garde des Sceaux pour faire extrader Sébastien Raoult du Maroc vers la France.
Réponse publiée le 1er novembre 2022
Concernant la situation de M. Sébastien RAOULT, ressortissant français s'étant rendu au Maroc, et faisant l'objet d'une demande d'extradition dans cet Etat de la part des Etats-Unis d'Amérique, pour des infractions de cybercriminalité qu'il est soupçonné d'avoir commises à l'encontre de personnes morales américaines, le Ministère de la Justice n'a aucunement pris part au déplacement de Monsieur RAOULT au Maroc et reste, dans la limite de ses prérogatives, pleinement attentif à la situation de M. RAOULT aux côtés des services du Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères. Sur le fond, comme indiqué par son avocat, M. RAOULT fait l'objet d'une action judiciaire engagée par les autorités américaines dans le cadre d'une enquête diligentée par le FBI américain à l'encontre d'un groupe de cybercriminels dont le mode opératoire apparait avoir consisté en la création de sites internet fantômes, usurpant l'apparence de sites réels (avec de faux portails sollicitant logins et mots de passe) de manière à accéder de manière illégale aux données électroniques des victimes afin de les revendre en ligne sur le Darknet. Le mandat d'arrêt émis à l'encontre de M. Sébastien RAOULT par un juge américain vise des faits de cybercriminalité au préjudice d'entités morales ou de personnes physiques américaines au visa des qualifications d'association de malfaiteurs en vue de commettre des escroqueries au moyen d'une atteinte à un système automatisé de traitement, association de malfaiteurs en vue de commettre une atteinte à un système automatisé de traitement et usurpation d'identité aggravée. La France n'est pas partie à la procédure d'extradition entre les Etats-Unis d'Amérique et le Maroc initiée au fondement de ce mandat d'arrêt. Ces deux Etats sont des Etats souverains et les autorités françaises ne sauraient s'immiscer dans ce processus extraditionnel. L'extradition de M. RAOULT vers la France ne peut en aucun cas être initiée par le ministère de la justice de son propre chef : l'engagement d'un processus extraditionnel à l'égard de M. RAOULT pour des infractions susceptibles de lui être reprochées sur le territoire national est soumis à la délivrance d'un mandat d'arrêt émis par une juridiction française dans le cadre d'une information judiciaire qui viserait un comportement répréhensible avec le niveau de charge exigé, ce qui n'est pas le cas le concernant. Or il est visiblement nécessaire de rappeler à cet égard que toute instruction individuelle du Garde des Sceaux aux juridictions françaises pour la poursuite de tel ou tel citoyen est interdite par l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, votée par le député Jérôme GUEDJ auteur de la question lors des XIV légistures. Par le biais de son réseau diplomatique et consulaire, le Gouvernement français demeure cependant attentif au conditions d'incarcération et au traitement réservé à son ressortissant. Dans l'hypothèse d'une extradition vers les Etats-Unis d'Amérique, la situation de M. RAOULT continuera de faire l'objet d'un suivi très étroit afin de s'assurer que l'ensemble de ses droits soient préservés dans le cadre de son traitement judiciaire.
Auteur : M. Jérôme Guedj
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 6 septembre 2022
Réponse publiée le 1er novembre 2022