Question de : M. Nicolas Forissier
Indre (2e circonscription) - Les Républicains

M. Nicolas Forissier interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la hausse de consommation de cigarettes de contrefaçons, présentant un risque de santé publique et un manque à gagner pour l'économie nationale. Le rapport du cabinet KPMG est formel : la France concentre 62 % de la consommation de cigarettes contrefaites en Europe, qui se hisse en 2022 à plus du tiers du total des cigarettes consommées sur le sol français. Cette réalité engendre une perte de près de 7,2 milliards d'euros pour l'État en recettes fiscales (2,5 fois plus qu'en 2021) et une perte de plus de 860 millions d'euros pour les buralistes. Il faut rappeler que ces derniers - filière riche de plus de 80 000 emplois - maillent les territoires, notamment ruraux avec une présence à hauteur de 40 % dans des communes de moins de 3 500 habitants. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas manqué d'alerter sur l'essor inquiétant des marchés parallèles, en témoigne le récent rapport de la Confédération des buralistes. Cette consommation touche particulièrement les jeunes et les populations aux plus faibles revenus. Or il est prouvé que la consommation de ces produits est beaucoup plus dangereuse que les cigarettes qui proviennent du marché légal, car elles ne subissent de fait aucun contrôle sanitaire. La toxicité des cigarettes traditionnelles et légales n'est pas discutable ; toutefois, la qualité du papier ou encore du filtre est contrôlée de manière à réduire la nocivité, ce qui n'est pas le cas dans les cigarettes de contrebande. Un filtre ou un papier de mauvaise qualité et non conforme augmente drastiquement les effets néfastes qu'induit la consommation de cigarettes. En effet, la composition de ces dernières est souvent très préoccupante, avec des traces élevées de certains métaux lourds comme le plomb, dont on connaît les répercussions sur la santé. Si la consommation de tabac n'est évidemment pas à inciter, l'on remarque que l'augmentation des prix des paquets de cigarettes a fait exploser le marché parallèle. La réduction des quantités de cigarettes que l'on peut ramener légalement d'un pays étranger en France - passant de 800 à 200 cigarettes depuis la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 - a également conforté l'augmentation de la contrebande. Avec 6 milliards de cigarettes de contrefaçon consommées en 2020, la France est sur la première marche du podium européen. Malgré le renforcement récent des moyens des douanes et le démantèlement de plusieurs usines clandestines de contrefaçon sur le sol français - notamment dans le nord de la France ou encore près de Rouen -, le marché parallèle continue de croître. En effet, cette filière en pleine effervescence utilise des modes opératoires similaires au trafic de drogue et met en danger la santé des citoyens français, souvent les plus précaires, qui achètent ce tabac en ne sachant pas ce qu'il contient. C'est pourquoi M. le député demande au Gouvernement de mettre en place des mesures pour endiguer le commerce illicite de tabac qui nuit à la santé des consommateurs et qui met à mal les recettes de l'État. Également, il le questionne sur les avancées générées par les politiques actuelles de prévention et de dissuasion tabagique, ainsi que sur les alternatives viables proposées pour endiguer ce phénomène.

Réponse publiée le 12 décembre 2023

Le Gouvernement a fait de la lutte contre le tabac une priorité. Le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable dans notre pays, à l'origine de 75 000 décès chaque année (soit un décès sur 8), ou 200 morts par jour. Son coût social est estimé à 155 milliards d'euros en 2019. Nous avons fait des progrès, le tabagisme chez les jeunes de 17 ans ayant par exemple fortement diminué, passant de 25% à 16% en 5 ans. Pourtant, l'usage quotidien du tabac concerne encore 12 millions de Français, soit un quart de la population adulte. Pour lutter contre ce fléau de santé publique, le ministre de la Santé et de la Prévention a présenté le 28 novembre 2023 le nouveau Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027. Ce plan représente une nouvelle étape forte et résolue de la lutte contre le tabagisme, traduisant les efforts communs menés avec les parlementaires, associations d'élus, associations de lutte contre le tabagisme, ainsi que les professionnels de la santé. Le PNLT prévoit ainsi un ensemble de mesures pour : - poursuivre avec efficacité le recul du tabagisme, avec une hausse du prix du tabac portant le paquet à 13 euros en 2027, avec une première étape à 12 euros dès 2025 et la généralisation des espaces sans tabac à toutes les plages, parcs publics, forêts, et aux abords extérieurs de certains lieux publics à usage collectif, spécialement les établissements scolaires, - renforcer l'accompagnement des fumeurs, avec de nouvelles actions ciblées pour accompagner activement vers le sevrage, en particulier les plus précaires – prescriptions de substituts nicotiniques, accompagnement individualisé, - accompagner les buralistes dans la transformation de leur métier, pour arriver à réduire leur dépendance aux revenus liés au tabac, - anticiper les rapides évolutions du marché, avec l'interdiction des cigarettes électroniques jetables à usage unique ou puffs (interdiction votée par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2023) et un travail amorcé pour limiter les arômes autorisés dans les produits du vapotage. Les mesures de ce PNLT donnent un nouvel élan à la lutte historique menée par le ministère de la santé et de la prévention contre le tabac avec l'objectif d'une première génération d'adultes débarrassée du tabac dès 2032. Dans la perspective des grands évènements sportifs internationaux, l'année 2024 sera aussi l'occasion de développer tous les leviers possibles pour accompagner les fumeurs notamment autour de la dynamique du « sport santé ». Concernant le commerce des produits du tabac, hors réseau des buralistes, celui-ci nuit à nos objectifs en termes de réduction de la consommation. Il pèse aussi bien sur les finances publiques que sur les revenus des buralistes. Afin de lutter contre les trafics de tabac, la France s'est engagée dès le 3 avril 2014, dans le cadre de la directive 2014/40/UE, à mettre en œuvre un dispositif de traçabilité et de sécurité sur les produits du tabac. Ces dispositifs sont actuellement appliqués sur les paquets de cigarettes et les paquets de tabac à rouler. Ils seront étendus à partir du 20 mai 2024 à tous les produits du tabac (tabac à chicha, à priser, à mâcher, cigares, cigarillos, etc.). Le dispositif de sécurité vise à garantir l'authenticité des produits présents sur le territoire pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon et le dispositif de traçabilité permet quant à lui de suivre un produit du tabac de son usine de production jusqu'au détaillant chargé de la vente au consommateur. Ces dispositifs ont pour ambition de sécuriser toute la chaîne de valeur du tabac et toutes les étapes successives de l'acheminement du produit afin d'empêcher les falsifications ainsi que de renforcer la lutte contre le commerce illicite de produits du tabac sous ses différents aspects (fiscal, sanitaire, financement criminel, vol et recel). Le dispositif de traçabilité est fondé sur l'identification de chaque acteur de la chaîne logistique, décliné jusqu'au produit lui-même. À ce titre, toutes les unités de conditionnement et les emballages agrégés produits au sein de l'Union européenne (UE) ou destinés à être commercialisés dans un pays de l'UE sont marqués d'un identifiant unique. Toutes les données collectées par les États membres sont agglomérées dans une base de données européenne. En outre, un plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025 a été présenté par le ministre chargé des comptes publics, au mois de décembre 2022. Il vise à renforcer la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs. La douane intervient, en effet, comme administration cheffe de file dans la lutte contre ces trafics, qui est une des priorités de la direction générale des douanes et droits indirects. Articulé autour de quatre engagements qui structureront l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin de l'année 2025, ce plan portera sur de nouvelles mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, de nouveaux moyens de détection seront déployés sur les routes et sur les plateformes logistiques, notamment des scanners mobiles. Ils seront complétés par l'expérimentation et le développement de dispositifs de détection et d'analyse innovants. Ensuite, des groupes de lutte anti-trafics de tabac ont été créés dans les bassins de fraude prioritaires. Ils permettent de faire travailler de façon plus efficace l'ensemble des services douaniers intéressés, en coopération avec des services partenaires. Cette bonne coopération a été illustrée par l'opération nationale conjointe « COLBERT », qui a eu lieu du 31 mai au 6 juin 2023. Parallèlement, un réseau déconcentré de lutte contre la fraude sur Internet, dit « Cybertabac », est en cours de formation, dans le cadre d'une stratégie nationale. Son objectif principal sera d'identifier les trafiquants locaux qui vendent du tabac sur internet. Par ailleurs, la douane va entamer des travaux, en coopération avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette démarche sera complétée par une analyse toxicologique complète des produits du tabac de fraude, afin de pouvoir mieux cerner les enjeux de santé publique issus de ces trafics. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Ensuite, une déclinaison particulière du plan d'action sera adoptée par la direction nationale garde-côtes des douanes, pour renouveler sa pleine implication dans la lutte contre les trafics illicites de tabacs. En effet, plusieurs types de contrôles (notamment des plaisanciers ou du bâtiment de certains navires commerciaux) et plusieurs techniques de contrebande relèvent directement de la mission des garde-côtes. En outre, le législateur a d'ores et déjà fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il s'agit, en particulier : - de l'augmentation, d'un an à trois ans, de la peine d'emprisonnement prévue par le code général des impôts (et de cinq à dix ans pour la bande organisée) encourue pour certains trafics ; - de la peine complémentaire d'interdiction du territoire jusqu'à dix ans pour tout étranger commettant ce délit désormais prévue au code des douanes ; - de l'aggravation, de 3 mois à 6 mois, de la durée de la fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite ; - de la création d'une sanction de non-respect de l'arrêté préfectoral de fermeture, qui s'élève à deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende encourus. Enfin, le contrat d'objectifs et de moyens de la douane 2022-2025 prévoit un renforcement des effectifs en matière de lutte contre les fraudes douanières, dont les trafics illicites de tabacs.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Forissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 1er août 2023
Réponse publiée le 12 décembre 2023

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