Question au Gouvernement n°1073 : Interdiction du glyphosate

16ème Législature

Question de : M. Nicolas Thierry (Nouvelle-Aquitaine - Écologiste - NUPES), posée en séance, et publiée le 12 juillet 2023


INTERDICTION DU GLYPHOSATE

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Thierry.

M. Nicolas Thierry. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Vous avez probablement pris connaissance du prérapport relatif au glyphosate que l'Efsa – Autorité européenne de sécurité des aliments – a publié le 6 juillet. C’est une question de santé publique majeure. En 2017, Emmanuel Macron s'était engagé pour une interdiction du glyphosate. Voilà ce que le Président de la République disait : « le glyphosate, il n’y a aucun rapport qui dit que c’est innocent. Il y en a qui disent que c’est très dangereux, d’autres que c’est moyennement dangereux » et d’ajouter « les ouvriers agricoles, les consommateurs qui demain diront : vous aviez le glyphosate, vous le saviez, vous n’avez rien fait, ils me regarderont les yeux dans les yeux. »

M. Benjamin Lucas. Il a raison !

M. Nicolas Thierry. Quand Emmanuel Macron disait cela, il portait la voix des scientifiques français.

M. Julien Bayou. Eh oui !

M. Nicolas Thierry. En effet, l'Inserm – Institut national de la santé et de la recherche médicale –, notre prestigieux institut scientifique, confirmait une nouvelle fois, en 2021, que « de nombreuses études mettent en évidence des dommages génotoxiques » c’est-à-dire des cassures de l’ADN. Le Centre international de recherche sur le cancer, basé à Lyon, qui travaille en lien étroit avec la recherche française, émet les mêmes conclusions : les preuves de la génotoxicité du glyphosate sont fortes. La conclusion d’un brillant institut français, l’Inrae – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, est également sans appel : en 2022, il a mis en avant, encore une fois, l’impact du glyphosate sur la fertilité animale et humaine.

Étonnamment, malgré ces constats scientifiques formels, l’Efsa conclut, pour reprendre la terminologie de l’agence, que le glyphosate ne présente pas de « domaine critique de préoccupation. » La différence fondamentale entre l’Efsa, agence réglementaire, et les instituts de recherche se trouve dans le choix déterminant des données : l’Efsa s’appuie prioritairement sur les études fournies par les firmes agrochimiques et les instituts de recherche sur la littérature scientifique. Sans surprise, leurs conclusions sont différentes.

Monsieur le ministre, votre confiance se porte – je ne peux imaginer le contraire – sur les compétences des scientifiques français et sur notre système de recherche. Ma question est donc simple : confirmez-vous la promesse du Président de la République de sortir du glyphosate ? Étant donné l'unanimité des instituts de recherche, quand cet engagement sera-t-il effectif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Benjamin Lucas. Voilà le ministre de la FNSEA !

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je vous répondrai en trois points.

Premièrement, vous avez raison, il faut se baser sur la science, mais je ne la trie pas. Les données utilisées par l'Efsa sont les mêmes que celles utilisées par l'Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

M. Nicolas Thierry. Ce n'est pas vrai.

M. Marc Fesneau, ministre . Ce n'est pas parce que le thermomètre ne vous plaît pas qu'il faut le casser ! J'ai savouré vos propos en me souvenant que vous m'aviez vilipendé la semaine dernière parce que je n'avais pas remis en cause les données de l'Anses pour me contenter de poser la question de la chronologie.

Je vous invite à ne pas entrer dans une logique de remise en cause de l'autorité des agences, y compris les agences européennes, et à ne pas opposer les agences françaises et les agences européennes. Ce serait une erreur tragique !

Deuxièmement, l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) a conclu à l'absence de lien cancérogène, mutagène ou toxique entre le glyphosate et les organismes vivants. L'Efsa n'est donc pas seule.

Troisièmement, le 15 décembre prochain, la France défendra les solutions alternatives au glyphosate, qui sont nombreuses. C'est ce que nous faisons depuis 2017 et les résultats sont là : depuis cette date, les usages du glyphosate ont reculé de 27 % et les achats de ce produit de 30 %. Nous n'avons pas besoin d'attendre l'Europe pour avancer, mais nous avons besoin de cohérence. Elle demande de chercher des solutions alternatives et de reconnaître les impasses pour avancer sur la trajectoire de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Le « y a qu’à, faut qu’on » ou la défense de totems ne nous permettront pas d'avancer sur cette trajectoire. Je vous attends pour nous y aider, car elle est exigeante, mais nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Thierry.

M. Nicolas Thierry. Je remarque que c'est le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire qui répond à une question concernant un enjeu majeur de santé publique… (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Benjamin Lucas. Tout un symbole !

Données clés

Auteur : M. Nicolas Thierry (Nouvelle-Aquitaine - Écologiste - NUPES)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juillet 2023

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