16ème législature

Question N° 107
de Mme Sarah Legrain (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Paris )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > drogue

Titre > Crise du crack dans le nord-est parisien

Question publiée au JO le : 10/01/2023
Réponse publiée au JO le : 18/01/2023 page : 437

Texte de la question

Mme Sarah Legrain interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur sa stratégie de lutte contre la « crise du crack » dans le nord-est parisien. Mme la députée a saisi M. le ministre par courrier le 18 novembre 2022 à propos de la situation des scènes de consommation de drogues à ciel ouvert dans le nord-est parisien. Et tout particulièrement dans sa circonscription, qui couvre une grande partie du 19e arrondissement dont la Porte d'Aubervilliers, la Porte de la Villette et la Porte de Pantin. Sauf erreur de sa part, ce courrier est resté sans réponse. Depuis sa nomination, M. le ministre, à ce sujet, c'est silence radio. Alors Mme la députée le lui redemande aujourd'hui solennellement : quelle est sa stratégie face à cette crise du crack ? Voici un point sur la situation, à toutes fins utiles. Le 5 octobre 2022, grâce la mobilisation des riverains, le campement de Forceval a été démantelé après un an de pourrissement de la situation. Sur plus de 500 personnes évacuées, la préfecture a annoncé en avoir hébergé 71, avec possibilité d'un accompagnement médico-social et administratif. Mais les usagers de drogue continuent d'errer dans le nord-est parisien. On assiste ainsi désormais à des micro-scènes de consommation à ciel ouvert installées ici et là, aux abords des grandes artères. Cette situation d'abandon est synonyme d'une souffrance indicible pour les consommateurs de crack, de nuisances et d'une insécurité insoutenable pour les riverains, d'un épuisement à la tâche pour les forces de police. Cette évacuation aura donc ressemblé à toutes les précédentes : une dispersion manu militari, sans lien avec les acteurs locaux, les élus et les associations de terrain. Et surtout, sans le moindre espoir de faire cesser l'errance des usagers de drogues, faute de dispositif sanitaire et social adapté. Le préfet de police de Paris, M. Laurent Nuñez, que Mme la députée a rencontré en octobre 2022, semble convaincu lui aussi que les moyens sécuritaires qu'il déploie ne suffisent pas et qu'une stratégie de déploiement de moyens médico-sociaux est indispensable si on veut mettre un terme aux décennies de crise du crack. Mais il n'a pu que renvoyer la question à de futurs arbitrages gouvernementaux, dont on ignore tout à ce jour. Avec les associations, Mme la députée déplore un manque de transparence sur le contenu du futur « plan crack » annoncé. Pourquoi, comme députée, n'est-elle pas associée aux discussions sur le sujet ? Pourquoi ignore-t-on toujours quels dispositifs sont prévus et avec quels moyens associés ? On entend parler d'arbitrages politiques qui ne seraient pas tranchés : est-ce trop demander que de vouloir connaître la position que M. le ministre y défend ? Faut-il déduire du silence de M. le ministre et de l'omniprésence du ministre de l'intérieur que ce sujet de santé publique ne suscitera jamais qu'une approche répressive et sécuritaire, vouée à l'échec ? En bref, elle lui demande s'il est vain de continuer à espérer la mise en œuvre de solutions préventives et médico-sociales pérennes pour résorber les sites de consommation à ciel ouvert, comme le demandent aussi bien riverains qu'usagers de drogues.

Texte de la réponse

CRACK DANS LE NORD-EST PARISIEN


Mme la présidente. La parole est à Mme Sarah Legrain, pour exposer sa question, n°  107, relative au crack dans le nord-est parisien.

Mme Sarah Legrain. Par courrier en date du 18 novembre 2022, j'ai interpellé M. le ministre de la santé et de la prévention au sujet des scènes de consommation de crack à ciel ouvert dans le nord-est parisien, en particulier dans ma circonscription qui s'étend sur une grande partie du 19e arrondissement, dont la porte d'Aubervilliers, la porte de La Villette et la porte de Pantin. Sauf erreur, cette lettre au ministre est restée sans réponse ; je l'interroge donc aujourd'hui solennellement par votre intermédiaire, madame la ministre déléguée, sur sa stratégie face à la crise du crack, avec l'espoir que vous pourrez répondre à sa place. En effet, depuis sa nomination, M. Braun s'en tient au silence radio à ce sujet.

À toutes fins utiles, récapitulons les événements. Le 5 novembre dernier, grâce à la mobilisation des riverains, le campement de Forceval a été démantelé après un an de pourrissement intenable de la situation, qui n'aurait pourtant dû durer que quelques heures, selon M. Darmanin lui-même. Sur plus de 500 personnes évacuées, la préfecture a annoncé en avoir hébergé 71, avec possibilité d'un accompagnement médico-social et administratif. Mais les usagers de drogue continuent d'errer dans le nord-est parisien. Nous assistons partout à des microscènes de consommation à ciel ouvert ; cet état de fait provoque une souffrance indicible chez les consommateurs comme chez les riverains, dont le quotidien vire au cauchemar. En définitive, cette évacuation a donc ressemblé à toutes les précédentes : une dispersion manu militari sans concertation avec les acteurs locaux, les élus ou les associations de terrain, et surtout sans le moindre espoir de faire cesser l'errance des usagers de drogue, faute de dispositif sanitaire et social adapté.

Le préfet de police de Paris, que j'ai rencontré en octobre, semble convaincu, lui aussi, que les moyens sécuritaires ne sauraient suffire et qu'il est impossible de mettre un terme à des décennies de crise du crack sans déployer stratégiquement des moyens médico-sociaux. Toutefois, il n'a pu faire autrement que de me renvoyer à de futurs arbitrages gouvernementaux dont j'ignore tout. Tout comme les associations et les riverains, je déplore le manque de transparence quant au contenu du futur plan crack annoncé. En tant que députée, je regrette de n'être pas associée aux discussions. J'entends parler d'arbitrages qui restent à effectuer ; est-ce trop demander que de connaître la position du ministre de la santé et de la prévention en la matière ? Faut-il déduire de son silence et de l'omniprésence du ministre de l'intérieur que ce sujet de santé publique ne suscitera jamais qu'une approche répressive et sécuritaire qu'on sait pourtant vouée à l'échec ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Le ministre François Braun, qui regrette de ne pouvoir être présent ce matin, m'a priée de vous répondre à sa place. La crise liée à la présence des consommateurs de crack dans le nord-est parisien et les communes environnantes constitue pour le Gouvernement un sujet de préoccupation constant pour la tranquillité des riverains, mais surtout pour la santé publique. Le Gouvernement travaille depuis plusieurs années à la mise en œuvre de solutions concrètes et adaptées aux problématiques multiples que recouvre ce phénomène. Ces dernières années ont été marquées par une mobilisation forte et un travail collectif de tous les acteurs concernés : amplification des interventions auprès des usagers de drogue, mise à l'abri des personnes, renforcement de l'accompagnement médico-social, ou encore amélioration de l'accès aux soins psychiatriques grâce à des équipes dédiées. Même s'il n'a pas mis fin aux errances des usagers ni aux tensions qui en résultent, ce plan représente une première étape.

Le Gouvernement a également manifesté son investissement en faisant évacuer par les forces de l'ordre le site de Forceval. Dans ce contexte, le ministère de la santé et l'ARS (agence régionale de santé) Île-de-France se sont mobilisés pour renforcer le dispositif Assore – accès aux soins, aux droits sociaux, à l’orientation et à la réinsertion ensemble –, qui a bénéficié de financements supplémentaires : ce programme d'hébergement et d'accompagnement social accueille désormais 600 personnes. Il leur offre la possibilité d'une prise en charge addictologique, y compris dans d'autres régions, ce qui permet à des consommateurs volontaires de s'éloigner de leur lieu de consommation.

Face à un sujet si complexe concernant une population très vulnérable et précaire, nous devons proposer des solutions multiples, souples et évolutives. Le plan crack s'est concrétisé par l'instauration d'un continuum de prise en charge médico-sociale intégrant différents dispositifs adaptés à la diversité des profils, de la maraude sociale à l'hébergement médicalisé en passant par les espaces de repos et l'hébergement accompagné. Ce travail ne peut se faire que grâce à l'étroite collaboration entre les ministères concernés, les services de l'État sur le terrain – préfecture de police, préfecture de région, ARS –, mais également la Mildeca – mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives – et les collectivités territoriales. Enfin, il doit s'effectuer en lien avec les professionnels d'accompagnement et de santé, et, bien entendu, en lien constant avec les riverains qui subissent quotidiennement les effets néfastes de cette situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain. Malheureusement, vous n'avez pas répondu aux questions centrales que tout le monde se pose, qu'il s'agisse des riverains, des membres d'associations ou des acteurs médico-sociaux : des haltes soins addictions (HSA) seront-elles ouvertes ? Si oui, combien ? Comment seront-elles réparties sur le territoire ? Feront-elles l'objet d'une concertation avec la population ? S'accompagneront-elles de possibilités d'hébergement ? Vous promettez « des solutions multiples, souples et évolutives », mais il nous faut du concret ! Par ailleurs, je réitère ma demande légitime d'être associée en tant que députée aux solutions qui seront mises en œuvre sur le terrain.