16ème législature

Question N° 10854
de M. Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Enseignement supérieur et recherche

Rubrique > recherche et innovation

Titre > Crise des inscriptions à la recherche

Question publiée au JO le : 08/08/2023 page : 7339
Réponse publiée au JO le : 06/02/2024 page : 821
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Arthur Delaporte attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la réduction considérable des primo-inscriptions en doctorat, ce qu'une étude du ministère de l'enseignement supérieur a confirmé, et ses conséquences sur la recherche publique française. À la rentrée 2022, le nombre de doctorantes et doctorants inscrits était inférieur de 4 % par rapport à la rentrée précédente. Les mathématiques (-10,1 %) et la chimie et la science des matériaux (-14,7 %) subissent particulièrement cette désaffection. Mais ce n'est pas tout, les thèses aujourd'hui ne sont plus systématiquement financées et les métiers scientifiques connaissent aujourd'hui une baisse d'attractivité. Un constat du rapport d'information du Sénat sur la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR) pour les années 2021 à 2030, est que la trajectoire d'emplois 2021 est nettement inférieure aux prévisions et dont le dispositif de suivi n'a pas été formellement mis en œuvre. En effet, en 2021, 376 ETPT ont été créés contre 700 prévus, soit un taux de réalisation de l'objectif affiché pour la première annuité de la LPR de 53,7 %. De surcroît, ce rapport d'information soulève les limites de la nouvelle voie de recrutement « chaire de professeur junior » (CPJ), avec notamment une disparité d'engagement dans le dispositif selon les établissements et l'absence de garantie des libertés académiques pour le titulaire d'une CPJ. Cette réduction de contrats doctoraux n'est pas sans conséquences, la recherche publique française risque de connaître un décrochage important alors qu'elle est nécessaire pour obtenir en France des avancées dans de nombreux domaines, par exemple la santé ou l'environnement, et permettre une inscription de la recherche française sur la scène internationale. Globalement, les mesures de la loi LPR ne vont pas assez loin pour revaloriser structurellement le doctorat en favorisant par exemple l'embauche des docteurs dans la sphère économique et en les valorisant dans les concours de la haute fonction publique. En sciences humaines et sociales, là où les financements sont les moins nombreux, la crise est importante. De nombreux docteurs, sans postes, enchaînent les vacations sous-rémunérées. La clause de revoyure prévue en 2023 dans cette loi devra favoriser une politique plus ambitieuse à ce sujet et notamment sur les ouvertures de postes de titulaires doublées d'une revalorisation des vacations. Il l'interroge donc sur les mesures envisagées pour renforcer les moyens, notamment financiers, et ainsi répondre aux divers enjeux de valorisation de la recherche publique française et d'attractivité des métiers.

Texte de la réponse

Bien qu'importante, la baisse de 4 points du nombre d'inscrits en 1re année du doctorat à la rentrée 2022 est à replacer dans son contexte. En effet, on observe une variation par alternance de + ou - 2 % d'inscrits en 1re année de doctorat depuis 2018. Ainsi, au regard de ces dernières évolutions, il est prématuré de conclure à une tendance à la baisse pérenne des inscriptions en doctorat. De plus, les effets conjoncturels de la crise sanitaire sur le doctorat restent encore prégnants. Ils s'observent principalement sur la durée moyenne de la thèse et sur les inscriptions. S'agissant des inscriptions, l'impact est double : la cohorte d'étudiants inscrits pour la première fois en doctorat à la rentrée 2022 était en 1re année de master à la rentrée 2020 et en 2de année de master à la rentrée 2021. Les contacts avec les laboratoires de recherche ont par conséquent été beaucoup plus rares pour cette cohorte, or de nombreuses poursuites en doctorat naissent de ce contact avec la recherche ; la baisse des mobilités étudiantes depuis la crise sanitaire (- 1 036 doctorants étrangers à la rentrée 2022) explique également partiellement cette diminution générale de nouvelles inscriptions en doctorat. Ces mêmes effets sont observés à la rentrée 2022 dans des pays voisins. À titre d'exemple, le nombre total de doctorants a baissé de 5,5 % à la rentrée 2022 en Espagne. Il n'a diminué que de 1,2 % en France. À ce facteur conjoncturel majeur qu'est la pandémie, se conjuguent des facteurs propres à certains domaines disciplinaires. Ainsi, en Sciences humaines et sociales (SHS), par exemple, la baisse tendancielle observée depuis plusieurs années est liée à une exigence d'amélioration des conditions de préparation du doctorat pour une meilleure réussite depuis la réforme du cadre national de la formation doctorale en 2016 (sur le modèle d'exigences déjà appliqué en sciences exactes) : le nombre d'encadrements par directeur de thèse est mieux régulé par les écoles doctorales ; ces dernières ont une plus forte exigence sur les conditions de préparation du doctorat pour chaque étudiant (financement). Au niveau national, c'est afin de valoriser le doctorat, de poursuivre l'amélioration des conditions de sa préparation et de l'ouvrir encore plus sur le monde socio-économique public et privé que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a programmé plusieurs mesures dans la loi de programmation de la recherche (LPR), qu'il met en œuvre : reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives, création du contrat doctoral de droit privé, du contrat post-doctoral, augmentation de 20 % de contrats doctoraux financés par le ministère (2 301 CD supplémentaires), revalorisation de 30 % de la rémunération de l'ensemble des contrats doctoraux entre 2021 et 2026 (2 300 € en septembre 2026), augmentation de 50 % d'ici 2027 du nombre de conventions CIFRE. Les premiers effets de cette politique sont déjà visibles puisqu'à la rentrée 2021, la part de doctorants inscrits en 1er année de thèse bénéficiant d'un financement dédié pour la thèse a augmenté de 3,4 points pour atteindre le taux de 76,3 %. Parmi ces doctorants financés, 40,2 % bénéficient d'un contrat doctoral du ministère contre 34,3 % à la rentrée 2018. La LPR permet le recrutement de chaires de professeur junior (CPJ) ; dotées de 200 k€ lors de leur recrutement, ces CPJ peuvent ainsi financer des thèses permettant l'initialisation des travaux de recherche de la personne recrutée. France 2030, à travers les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) et l'appel à manifestation d'intérêt Compétences et métiers d'avenir (CMA) démultiplient par ailleurs les possibilités de thèses. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a adapté ses enquêtes sur les effectifs du doctorat afin de suivre désormais ces évolutions liées à France 2030. Par ailleurs, hors LPR, le Gouvernement a créé en 2022, sur le modèle du dispositif CIFRE, un dispositif pour renforcer les échanges entre recherche et administration : les Conventions de formation par la recherche en administration (Cofra). 50 Cofra ont été signées au titre de la rentrée 2023. Ce dispositif, qui devrait également renforcer à terme le nombre de recrutements de docteurs dans la fonction publique, complète les mesures déjà prises ouvrant pour les docteurs des voies d'accès spécifiques à plusieurs concours de la haute fonction publique (Institut national du service public, IGAS, IGESR, professeurs agrégés, ingénieurs des mines, ingénieurs des ponts des eaux et des forêts, conservateurs des bibliothèques, magistrats, etc.).