Question de : M. Christophe Naegelen (Grand Est - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires)

M. Christophe Naegelen attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la stigmatisation des personnes vivant avec des troubles psychiques et les moyens accordés à la psychiatrie en France. Dans le pays, plus de 3 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères et 4,5 millions de personnes sont à leurs côtés au quotidien, pour les accompagner face à la maladie et au handicap. Toutefois, bien qu'une part importante de la population soit concernée de près ou de loin par ces troubles psychiques, les personnes qui en sont atteintes continuent de faire l'objet d'une profonde stigmatisation, notamment dans les médias. En effet, en 2022, il ressort du dernier baromètre de l'association l'UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques) que 60 % des personnes interrogées déclarent que la maladie de leur proche est représentée de façon stigmatisante et anxiogène dans les médias. Or cette stigmatisation, provenant notamment de la dangereuse et courante association faite entre troubles psychiques et violence, a de réelles répercussions sur l'accès aux soins des personnes concernées, ainsi que sur tous les pans de leur vie quotidienne et celle de leurs proches. Ces préjugés les condamnent à une discrimination et une exclusion constante de la société, les empêchant de garder espoir et de se projeter réellement dans le rétablissement. Dans un contexte où les troubles psychiques ne cessent d'augmenter en France et où le milieu de la psychiatrie souffre d'un manque profond de moyens humains et financiers, il est nécessaire d'engager, avec l'ensemble des acteurs, un dialogue et des actions à la hauteur de ces enjeux, afin que des soins de qualité soient proposés sur l'ensemble du territoire. Par manque de solutions et d'accompagnements, beaucoup voient leurs parcours de soin hachés ou même interrompus, ce qui peut avoir de très lourdes conséquences sur leur vie et leur sécurité. Sans ces mesures, impossible pour les personnes vivant avec des troubles psychiques d'envisager de mener une vie en autonomie et en toute confiance. Le Conseil de l'Europe a d'ailleurs condamné la France en avril 2023 pour non prise en compte du handicap psychique. Il est donc urgent d'agir pour améliorer la prise en charge des troubles psychiques sur l'ensemble du territoire, dispenser des soins de qualité, offrir un réel accompagnement accessible à tous et d'encourager l'émergence d'une société davantage inclusive et solidaire envers ces personnes. Ainsi, il lui demande quelles actions le Gouvernement compte mettre en place afin de lutter efficacement contre cette stigmatisation et agir pour la mise en œuvre collective de solutions dignes et humaines, répondant aux attentes et aux besoins des personnes atteintes de troubles psychiques.

Réponse publiée le 11 juin 2024

La santé mentale et la psychiatrie sont une priorité majeure du ministère de la santé et de la prévention. Elles font l'objet d'une feuille de route initiée en 2018, enrichie par les mesures issues des Assises tenues en septembre 2021. Cette feuille de route actualisée chaque année prend en compte les trois grandes thématiques nécessaires à une politique publique efficace et équitable : la promotion de la santé incluant la prévention des troubles psychiques et la prévention du suicide, l'accès à des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité, l'amélioration des conditions de vie et d'inclusion sociale et de la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. L'action 3 de l'axe 1 de la feuille de route, consacré à la promotion et à la prévention, prévoit ainsi d'informer le grand public et de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques. En effet, le manque d'information en santé mentale et la stigmatisation des troubles psychiques constituent une perte de chance pour les personnes concernées, car ils entrainent un retard du diagnostic, sont un obstacle à l'accès aux soins et contribuent au manque d'inclusion sociale des personnes vivant avec des troubles psychiques.  Le ministère de la santé et de la prévention promeut donc l'information du grand public sur la santé mentale et soutient la production d'outils visant à lutter contre les idées reçues et la stigmatisation des troubles psychiques. Il anime dans ce but un groupe de travail sur la lutte contre la stigmatisation, où les personnes concernées, leurs proches et leurs aidants sont associés. Dans ce cadre, l'outil « GPS anti-stigma » a été créé et mis en ligne en 2020, pour aider les acteurs à monter en compétences sur cette thématique. De même, une brochure « la santé mentale dans la Cité », destinée aux élus municipaux et à leurs services, a été publiée en 2021 dans le cadre d'un partenariat avec l'Association des maires de France. Des travaux sont en cours sur la sensibilisation des médias d'information à la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques. Le ministère soutient également le collectif national des semaines d'information en santé mentale (SISM) dont le secrétariat est assuré par le Psycom. Le rôle de ce collectif est de communiquer sur les SISM au niveau national, en valorisant l'ensemble des manifestations, de promouvoir les collectifs régionaux et locaux développés sur le terrain, de favoriser la mise en réseau des acteurs des SISM et de proposer des supports d'organisation, de communication et d'évaluation. Par ailleurs, face à la détérioration de la santé mentale de la population, Santé publique France, à la demande du ministère de la santé et de la prévention, a lancé deux campagnes de communication en santé mentale en 2021, visant à dédramatiser le recours à l'aide et aux soins : la campagne Santé mentale et coronavirus « En parler, c'est déjà se soigner » à destination du grand public, et une campagne ciblant spécifiquement les adolescents (11-17 ans) #JEnParleA, reconduite en 2022. Divers partenariats entre Santé publique France et des médias et influenceurs à l'automne 2023 permettront d'aborder la question de la santé mentale auprès des jeunes de façon positive en mettant en évidence ses liens avec l'activité physique ou le sommeil par exemple. Sur la base de l'expérience des campagnes de 2021, une mesure importante a été décidée à l'issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de septembre 2021 : la mise en place d'une communication grand public régulière sur la santé mentale. Un dispositif de communication pérenne sur la santé mentale est en cours de déploiement sur les quatre prochaines années. Outre des campagnes d'information, un site internet dédié sera créé et des outils numériques proposés. La mesure 12 des Assises a quant à elle pour objet le déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, dont les trois fonctions publiques, et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants. Le secourisme en santé mentale, inspiré du programme australien « Mental health first aid », lancé en 2000 et déjà mis en œuvre dans plus de 24 pays, a fait ses preuves. Cette formation permet de lutter contre la stigmatisation des troubles de santé mentale, renforce l'entraide dans une logique d'intervention par les pairs et facilite le repérage des troubles psychiques ou des signes précurseurs de crise, afin d'intervenir précocement, sur le modèle des « gestes qui sauvent ». Le déploiement en France a débuté en 2019 et, au 1er avril 2024, il y a 114 038 secouristes sur le territoire national et 1 427 formateurs accrédités. La cible pour 2025 est de 150 000 secouristes formés. Cette mesure contribuera à lutter contre les idées reçues et à diffuser une culture de la santé mentale au sein de la population. En complément des ressources professionnelles médicales, soignantes et d'accompagnement, les savoirs d'expérience issus du vécu des personnes concernées s'avèrent être un levier nécessaire à encourager. Une mesure pour favoriser l'émergence d'intervenants-pairs professionnels figure ainsi dans les conclusions des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie (mesure 5). Enfin, la mesure 6 des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie a permis de renforcer les moyens alloués et de diversifier les dispositifs de pair-aidance favorisant l'autodétermination et le pouvoir d'agir des personnes ayant des troubles psychiques, cognitifs et du neuro-développement, dans un contexte de besoins aigus suite à la crise sanitaire. Bénéficiant aux groupes d'entraide mutuelle (GEM) et aux collectifs d'entraide et d'insertion sociale et professionnelle développés sur le modèle des clubhouses, ces moyens supplémentaires ont visé la pérennisation des lieux d'entraide entre pairs par la revalorisation de la subvention cible allouée aux dispositifs concernés et le renforcement de la disponibilité de l'offre sur le territoire par la création de nouveaux sites et la diversification de l'offre. La santé mentale des Français et la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques sont au cœur des préoccupations du Gouvernement et resteront une priorité de santé publique à laquelle sera attentif chaque département ministériel.

Données clés

Auteur : M. Christophe Naegelen (Grand Est - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 15 août 2023
Réponse publiée le 11 juin 2024

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