Crises du logement et du BTP
Question de :
M. Yoann Gillet
Gard (1re circonscription) - Rassemblement National
M. Yoann Gillet alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la crise du logement et du BTP en France. Pour de nombreux Français, l'accès à la propriété est synonyme d'indépendance, car la propriété constitue un investissement rentable assurant une sécurité matérielle en préparation de la retraite et pouvant aussi être léguée à ses enfants. Selon un sondage de la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles, 80 % des Français souhaitent devenir propriétaires de leur logement. Or si l'accession à la propriété représente un marqueur d'élévation sociale en France, force est de constater que les Français ont de plus en plus de mal à acquérir un bien immobilier. À titre d'exemple, la capacité d'emprunt des ménages est en chute libre : - 46 000 euros sur un investissement à 300 000 euros. Cela pousse les Français à se tourner vers des biens de moindre qualité et notamment des passoires thermiques. Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), l'année 2022 constitue une année historique en ce qui concerne l'effondrement de la chute des ventes de maisons neuves : - 31,3 %, soit une baisse historique. L'incapacité des ménages français à acquérir un logement s'explique par deux principaux facteurs. La hausse du coût du foncier et la remontée des taux d'intérêts des crédits pénalisent les Français modestes et les classes moyennes, qui se retrouvent dans l'incapacité d'emprunter. Avec la hausse continue des taux (qui sont aujourd'hui d'environ 4 %), la capacité d'emprunt des acquéreurs diminue. En tant qu'élu local et député du Gard, M. le député a eu l'opportunité de s'entretenir avec des acteurs du BTP, notamment la Fédération du bâtiment du Gard. Ces derniers sont légitimement inquiets de la situation, qui pourrait engendrer des conséquences économiques calamiteuses. L'impact de la crise du logement sur l'activité du BTP en Occitanie est important. La fédération française du bâtiment du Gard constate, au niveau de la région, un effondrement des autorisations de construction dans le logement individuel (- 34 %) et dans l'ensemble des logements (- 19,4 %), tandis que les mises en chantier ont reculé de 10,4 % sur un an. Entre le premier trimestre de 2022 et le premier trimestre de 2023, le nombre de défaillances d'entreprises du BTP a augmenté de 45 %. Selon les prévisions établies par la FFB du Gard, cette « inertie du bâtiment » pourrait entraîner davantage de mises en arrêt de chantiers et de défaillances d'entreprises du bâtiment. À l'échéance 2024-2025, si rien n'est fait, la crise du logement risque d'entraîner la disparition de 200 000 emplois sur le territoire français. Devant la gravité de la situation, M. le député est consterné par l'inaction du Gouvernement et la volonté de celui-ci de réaliser des économies sur les dispositifs existants pour favoriser le secteur du BTP et l'accession des Français à la propriété. M. le député s'insurge contre les propos de M. le ministre considérant les dispositifs d'aide à l'accès à la propriété et au logement comme « coûteux » et « inefficaces » et appelle le Gouvernement à reconsidérer sa position sur le dispositif « Pinel » et le prêt à taux zéro (PTZ). Il dénonce le fait que le Gouvernement souhaite réaliser des économies (de l'ordre de 2,3 milliards d'euros) sur le dos des Français les plus modestes, bénéficiaires de ces dispositifs. Il appelle le Gouvernement à assouplir l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) et à réaliser une pause réglementaire en la matière, afin de favoriser la construction de nouveaux logements pour les compatriotes et redynamiser le secteur du BTP. M. le député enjoint aussi le Gouvernement à simplifier les démarches administratives nécessaires pour bénéficier du dispositif MaPrimeRénov' (et en augmentant le montant, pour favoriser la rénovation des bâtiments), tout en pérennisant le crédit d'impôt pour la rénovation des locaux des TPE et PME. M. le député demande également à M. le ministre de lui détailler l'ensemble des mesures gouvernementales prises pour remédier aux crises du logement et du bâtiment. Aussi, si M. le ministre souhaite véritablement faire des économies, M. le député serait ravi de lui exposer le plan de lutte contre les fraudes, élaboré par le Rassemblement National. Il serait en effet plus judicieux de combattre les fraudeurs, plutôt que de faire les poches aux Français, qui ont déjà du mal à se nourrir et à se loger. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 7 mai 2024
Le Gouvernement a pleinement conscience des effets des multiples crises sur le secteur du bâtiment en France. Le diagnostic doit toutefois être différencié entre les segments. Les indicateurs avancés de la construction de logements au plan national sont toutefois plus encourageants. Les mises en chantier sont ainsi globalement stables depuis le début de l'année 2023. Les données des permis de construire sont plus difficiles à interpréter, en raison de la forte volatilité liée aux effets de l'entrée en vigueur de la norme RE 2020 au 1er janvier 2022 et à l'aide à la relance de la construction durable, qui s'appliquait pour les permis déposés entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022. Les données récentes montrent toutefois aussi une stabilisation depuis le début 2023. L'activité d'entretien-amélioration est dynamique, dans un contexte où les prix élevés de l'énergie et les dispositifs de soutien publics encouragent les rénovations énergétiques ; ce diagnostic est partagé avec les fédérations du bâtiment (FFB et CAPEB notamment). À l'échelle de l'ensemble du secteur du bâtiment, les enquêtes auprès des chefs d'entreprises témoignent d'une activité globalement résiliente : les soldes liés aux perspectives d'activité et aux carnets de commande dans les enquêtes de conjoncture de l'Insee dans l'industrie du bâtiment sont au-dessus leurs moyennes historiques sur les derniers points connus (août pour les carnets de commande et juillet pour les perspectives d'activité). Les carnets de commande moyens sont ainsi de 8,4 mois, contre une moyenne historique à 6,0 mois. Pour favoriser l'activité de la filière bâtiment, le Gouvernement souhaite accompagner la réorientation du secteur de la construction sur les zones tendues et la massification de la rénovation. La rénovation énergétique performante des 5,2 millions de passoires thermiques nécessiterait en effet 70 000 groupements d'artisans à plein temps, soit 810 000 emplois. C'est pourquoi, l'État a encouragé un investissement massif dans ce secteur : MaPrimeRénov' a permis de rénover 720 000 logements en 2022. Toutes aides confondues, les dispositifs de l'Agence nationale de l'habitat ont accompagné 8,5 milliards d'euros de travaux. À cela s'ajoutent les multiples autres sources de financement de la rénovation énergétique : la TVA à 5,5%, les certificats d'économie d'énergie, l'Eco-Prêt à Taux Zéro, les aides des collectivités territoriales, etc. Enfin, le Gouvernement travaille sur une réforme ambitieuse de MaPrimeRénov' afin d'accélérer encore le rythme de rénovation pour atteindre 200 000 rénovations globales performantes en 2024 (contre 66 000 rénovations performantes globales aidées par MPR en 2022). Ainsi, l'augmentation du budget de MaPrimeRénov'de 1,6 Md€ a été annoncé lors du dernier conseil national de la transition écologique. Si le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour valoriser la construction des logements dans les zones tendues, il demeure préoccupé par le taux de logements vacants et de résidences secondaires qui augmente continuellement et par les effets de cette construction sur l'artificialisation des sols (64 % de l'artificialisation nouvelle des sols provient de la construction de logements individuels). Ainsi, le Gouvernement a proposé dans le PLF 2024 de prolonger le Prêt à Taux Zéro jusqu'en 2027, en le recentrant dans le neuf collectif en zones tendues et dans l'ancien en zones détendues sous condition de réalisation de travaux de rénovation, afin de faciliter l'accès au logement des ménages modestes tout en restant cohérent avec les objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, de verdissement de la dépense publique et de sobriété foncière. Les barèmes du PTZ seront révisés dans le projet de loi de finances pour 2024, permettant à environ 6 millions de foyers fiscaux supplémentaires d'y être potentiellement éligibles. Par ailleurs, les objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols inscrits dans la loi et indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique sont déjà mis en œuvre avec souplesse. En effet, la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 a introduit une "garantie rurale" d'un hectare dans toutes les communes pour leur permettre de mener à bien des projets d'importance. Enfin, l'action du Gouvernement pour soutenir le secteur immobilier se traduit également par des mesures de soutien au parc locatif, notamment le logement social et le logement intermédiaire. Le 5 octobre dernier, le Gouvernement a présenté un paquet de mesures financières pour soutenir la construction et la rénovation de logements sociaux, notamment en apportant un soutien budgétaire additionnel à la production des logements les plus sociaux et à la réhabilitation du parc existant. Le 16 novembre, la Première ministre a annoncé un plan pour soutenir le développement du logement locatif intermédiaire, avec notamment un effort supplémentaire de l'État et de la Caisse des dépôts pour un montant combiné de 500 millions d'euros.
Auteur : M. Yoann Gillet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 22 août 2023
Réponse publiée le 7 mai 2024