Question au Gouvernement n° 1097 :
HOMICIDE ROUTIER

16e Législature

Question de : Mme Anne Brugnera
Rhône (4e circonscription) - Renaissance

Question posée en séance, et publiée le 19 juillet 2023


HOMICIDE ROUTIER

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Brugnera.

Mme Anne Brugnera. Monsieur le ministre de la justice, en France, en 2022, 3 267 personnes ont trouvé la mort dans un accident de la route, et plus de 16 000 ont été gravement blessées. Or, 92 % des accidents routiers mortels sont causés par un facteur humain : 30 % sont dus à une vitesse excessive, 22 % à une conduite sous l'emprise de l'alcool, 13 % à une conduite sous l'emprise de stupéfiants. Nous ne pouvons nous résoudre à ce triste bilan : l'accidentologie et la mortalité routières doivent baisser.

Les leviers d'action sont pluriels : éducation routière, vérification de l'aptitude à la conduite, amélioration des infrastructures et, bien évidemment, prévention et répression des comportements de violence routière.

En juin, j'ai déposé, avec trente-huit collègues, une proposition de loi visant à instaurer un délit et un crime d'homicide routier et à mieux accompagner les familles de victimes. Ce texte tend à créer une infraction spécifique distincte de l'homicide volontaire – l'homicide routier – pour caractériser les homicides causés par le conducteur d'un véhicule en cas de vitesse excessive, de conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, de conduite sans permis ou d'usage du téléphone portable au volant. Ces circonstances seront désormais considérées comme une mise en danger délibérée de la vie d'autrui, car la qualification d'homicide involontaire est alors non seulement inadaptée, mais aussi mal vécue par les victimes et leurs familles – nous les comprenons. (Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.)

La création de la qualification d'homicide routier vise à responsabiliser leurs auteurs et à réaffirmer la gravité de leur comportement. Elle permettra également une meilleure reconnaissance du statut de victime.

Il convient aussi de parler des peines. En effet, au-delà des peines encourues, c'est souvent la clémence des peines finalement prononcées et exécutées qui provoquent la colère de celles et ceux – mère, père, enfant, fratrie – qui ont perdu un être cher, fauché sur la route ou le trottoir.

Hier, à l'issue du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), Mme la Première ministre a annoncé trente-huit mesures pour améliorer la sécurité sur la route, dont la création de la qualification d'homicide routier. Avec mes collèges Éric Pauget et Pierre Morel-À-L'Huissier, je suis mobilisée depuis longtemps sur ce sujet.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conséquences de cette qualification en matière de circonstances et de peines, et leur traduction législative ? (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – MM. Éric Pauget et Victor Habert-Dassault applaudissent aussi.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre question…

M. Sébastien Jumel. Ça s'appelle une question téléphonée !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et à souligner votre engagement sur ce sujet : à ce titre, je vous remercie tout particulièrement d'avoir déposé une proposition de loi – et je n'oublie pas les autres députés mobilisés sur cette question, en particulier M. Éric Pauget…

M. Thibault Bazin. Bravo !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et M. Pierre Morel-À-L'Huissier.

Notre code pénal ne peut continuer à engendrer chez les victimes l'incompréhension et la souffrance, et c'est pourquoi nous allons créer une nouvelle infraction très justement intitulée « homicide routier ». Il existe déjà une distinction entre l'homicide involontaire que je qualifierais de « classique », puni de trois ans d'emprisonnement, et l'homicide perpétré au volant d'un véhicule en cas d'excès de vitesse ou de conduite sous l'emprise de substances, entraînant des peines de cinq, sept ou dix ans de prison en fonction des circonstances aggravantes retenues. En créant la qualification d'homicide routier, nous allons distinguer cette infraction des autres homicides involontaires, et créer un chapitre du code pénal exclusivement consacré aux homicides routiers et blessures routières.

Vous avez raison, madame la députée : comme disait Camus, « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde. » Les victimes doivent retrouver dans le code une sémantique adaptée à leur chagrin. Pour apporter encore plus de cohérence et de lisibilité au code pénal, les dispositions relatives aux peines encourues en cas d'homicide routier seront intégrées dans le chapitre nouvellement créé au sein du titre II du livre II, consacré aux atteintes à la personne humaine – il s'agit, là encore, de bien les distinguer des peines encourues en cas d'homicide involontaire classique.

Vous savez ma détermination dans la lutte contre les comportements routiers les plus dangereux ; je sais pouvoir compter sur votre entière mobilisation pour qu'ensemble, grâce à votre initiative, nous puissions changer la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Géraldine Bannier applaudit aussi.)

Données clés

Auteur : Mme Anne Brugnera

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité routière

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juillet 2023

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