Amende et travail d'intérêt général pour les auteurs de violences urbaines
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'opportunité de contraindre à des travaux d'intérêt général les personnes qui dégradent ou détruisent des infrastructures ou des bâtiments publics. Les émeutes urbaines de fin juin-début juillet 2023 ont causé de nombreux dégâts. Dans plus de 500 communes, des centaines de bâtiments ont été endommagés ou détruits (écoles, bibliothèques, mairies, commerces...). La loi du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours de ces violences n'a pas prévu de mesures spécifiques pour sanctionner les auteurs de ces destructions et dégradations. Le ministre de l'intérieur a par la suite adressé une instruction aux préfets relative à la « fermeté systématique envers les délinquants auteurs de violences urbaines », les appelant notamment à expulser ces délinquants des logements sociaux qu'ils occupent. Si cette mesure est bienvenue, des mesures complémentaires doivent être prises, dans un souci de justice et de fermeté. En effet, les contribuables français n'ont pas à payer pour les destructions de bâtiments publics ou de mobilier urbain. Toute personne ayant été reconnue par la justice comme coupable de dégradation ou de destruction devrait payer une amende, rétrocédée totalement ou partiellement à la commune concernée par le délit, mais aussi effectuer un travail d'intérêt général, si possible en lien avec les dégâts commis. En plus de contribuer à la prise de conscience vis-à-vis de l'infraction commise et à la prévention de futurs actes malveillants, contraindre le condamné à travailler au sein d'une structure agissant dans l'intérêt collectif permettra de réaliser des économies d'argent public. Pour encourager ceux qui ont commis des dégradations de mobilier urbain ou de bâtiments publics ou privés à accepter d'effectuer un travail d'intérêt général (TIG), il serait également opportun que les peines d'emprisonnement ou d'amende prévues en cas de refus et qui sont particulièrement dissuasives, s'appliquent pour eux de façon ferme et systématique. Il lui demande donc s'il compte contraindre les auteurs de violences urbaines à réparer les actes commis via des amendes payées à la commune concernée par leurs délits et des travaux d'intérêt général.
Réponse publiée le 5 décembre 2023
Le ministère de la Justice s'est pleinement mobilisé pour assurer un traitement judiciaire adapté aux atteintes aux biens, aux personnes et aux symboles de la République intervenues dans le cadre des violences urbaines survenues au cours de l'été 2023. Deux circulaires ont été adressées aux parquets généraux et parquets afin de leur permettre de répondre de manière efficiente et proportionnée aux infractions commises par des individus mineurs, tout en rappelant la responsabilité des parents. La circulaire du 30 juin 2023 a ainsi invité les parquets généraux et parquets à mettre en œuvre un dispositif judiciaire adapté permettant d'assurer la continuité du traitement des procédures en nombre, impactant fortement l'activité, et d'adapter le fonctionnement des juridictions. Elle a également insisté sur la nécessité de retenir la qualification adaptée aux faits perpétrés dans ce contexte et à apporter une réponse pénale ferme, systématique et rapide privilégiant la voie du défèrement en vue d'une comparution immédiate ou à délai différé pour les faits les plus graves. Elle a par ailleurs rappelé que lorsque les circonstances le justifient et sous réserve que les investigations permettent l'établissement des éléments constitutifs, des poursuites du chef de soustraction par un parent à ses obligations légales soient envisagées à l'égard des parents pour lesquels de graves manquements étaient constatés au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation du mineur. Elle souligne également que les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents. La circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines rappelle, quant à elle, les modalités d'engagement de la responsabilité civile et pénale individuelle des parents de mineurs auteurs d'infractions. Cette circulaire invitait les parquets généraux et les parquets à apporter aux infractions commises dans le cadre des émeutes urbaines une réponse ferme, rapide, et systématique, privilégiant le défèrement pour les infractions d'atteintes aux personnes ou d'atteintes graves aux biens publics et les mineurs réitérants. Cette circulaire est accompagnée d'un courrier rappelant les obligations des parents des mineurs poursuivis et d'une plaquette pouvant leur être adressée. A la suite de ces évènements, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et le garde des Sceaux, ministre de la justice ont saisi l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale de la justice d'une mission conjointe, afin d'analyser les données statistiques relatives au volume et à la nature des infractions commises à cette occasion, à la réponse pénale qui leur a été apportée et de définir les profils socio-démographiques des personnes majeures ainsi que des mineurs ayant agi en coaction avec des majeurs. Face à un nombre considérable d'infractions commises en quelques jours, la réponse pénale a été très rapide, s'adossant à une forte réactivité des juridictions. Dans la période étudiée par la mission, soit entre le 27 juin et le 7 juillet 2023, les tribunaux judiciaires se sont résolument appuyés sur des procédures accélérées, privilégiant la présentation des mis en cause devant le procureur de la République et le jugement par comparution immédiate, dans des proportions inhabituelles. Les juridictions ont prononcé majoritairement des peines d'emprisonnement avec exécution immédiate. Certaines peines, visant à favoriser le suivi d'auteurs en déficit d'attachement citoyen, ont également été privilégiées. Dans l'échantillon représentatif analysé par la mission, le travail d'intérêt général (TIG) en tant que peine principale a essentiellement été prononcé lorsque des biens publics (16 %) ou privés (15 %) ont été dégradés. Le prononcé de cette peine répond à un besoin manifeste d'un ancrage dans la citoyenneté et les institutions de la République. Enfin et plus largement, la Première ministre a présenté aux maires de France le 26 octobre 2023 les mesures du Gouvernement après les émeutes de l'été 2023. A cette occasion, il a été rappelé qu'une loi ouvrant un droit dérogatoire pour reconstruire au plus vite avait été votée, permettant la remise en état de 60 % des bâtiments publics partiellement ou totalement détruits. Une enveloppe de 100 millions d'euros va en outre être mobilisée pour aider à la réparation et à la reconstruction, en complément de l'indemnisation par les assurances. Le Gouvernement a également indiqué, à l'occasion de cette présentation, souhaiter s'assurer du fait que lorsqu'un mineur commet des dégradations, les deux parents, qu'ils soient séparés ou non, qu'ils vivent avec leur enfant ou non, soient responsables financièrement des dommages causés.
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 12 septembre 2023
Réponse publiée le 5 décembre 2023