16ème législature

Question N° 113
de M. Alexis Corbière (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > consommation

Titre > Dématérialisation du ticket de caisse : protégeons les consommateurs !

Question publiée au JO le : 19/07/2022 page : 3448
Réponse publiée au JO le : 20/09/2022 page : 4131

Texte de la question

M. Alexis Corbière appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la dématérialisation du ticket de caisse et les conséquences possibles, notamment sur les données personnelles des consommateurs. Suite à une mesure votée en 2020 lors de la loi « anti-gaspillage », il sera interdit aux commerçants de délivrer, à partir du 1er janvier 2023, un ticket de caisse aux clients, sauf demande explicite de leur part : les tickets devront donc être dématérialisés et envoyés par mail, ce officiellement pour protéger l'environnement. C'est donc la suppression par défaut des tickets en magasin. Le 19 avril 2022, 12 associations de consommateurs publiaient un communiqué commun dénonçant cette mesure qui aboutirait « à priver les consommateurs d'un véritable choix [ ] « et pour un bénéfice environnemental très incertain ». En effet, plusieurs spécialistes, dont le collectif GreenIT, estiment qu'à cause de son stockage dans un centre données puis de sa transmission (tous deux coûteux en énergie), un ticket dématérialisé rejetterait en réalité 2 grammes de CO2 en plus dans l'atmosphère qu'un ticket imprimé. Or il s'avère que sous couvert de la caution environnementale, les commerçants pourraient réaliser plus facilement un ciblage de leur clientèle, grâce aux données personnelles récoltées. En effet, le client pourra se voir proposer de donner ses coordonnées personnelles, pour recevoir un récapitulatif de ses achats dans sa boîte mail. D'ores et déjà, des entreprises, telles que Zerosix, proposent à des commerçants de réaliser ce service, y voyant ainsi une opportunité commerciale et « l'occasion de demander à vos clients s'ils acceptent de recevoir des messages marketing sur vos produits et services. » Cette dématérialisation accroît donc le risque, pour les clients, d'avoir une hausse de publicités intrusives ou non désirées. Pour Ralph Roggenbuck, juriste au centre européen de la consommation, le consentement des clients concernant l'utilisation de leurs données, à des fins autres que l'envoi du ticket de caisse, doit être recueilli de façon claire et par écrit. Or, avec ce système, les entreprises profiteront de ce flou pour « basculer sur le sujet du marketing ». Alors qu'en 2021 la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a précisé que la dématérialisation de tickets de caisse ne saurait justifier « d'autres finalités, notamment de prospection commerciale », il lui demande comment le Gouvernement compte défendre les droits et la protection des consommateurs face à l'utilisation de leurs données personnelles par les entreprises, suite à la dématérialisation du ticket de caisse.

Texte de la réponse

L'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, issu de l'article 49 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, interdit, au plus tard, à compter du 1er janvier 2023, sauf demande contraire du client, l'impression et la distribution systématique des tickets de caisse dans les surfaces de vente et dans les établissements recevant du public, des tickets de carte bancaire, des tickets par des automates, des bons d'achat et des tickets visant à la promotion ou à la réduction des prix d'articles de vente dans les surfaces de vente. Les modalités d'application de cette mesure doivent être précisées par un décret qui est en cours de finalisation, après une large concertation de l'ensemble des parties prenantes, représentants de professionnels, d'associations de consommateurs et d'établissements bancaires au sein d'un groupe de travail piloté par la Banque de France. Le Conseil national de la consommation a également été consulté sur le projet de décret. L'objectif du Gouvernement est de prendre en considération, avec beaucoup d'attention, la nécessité d'une bonne articulation entre différents impératifs : d'une part, les objectifs de la politique de transition écologique, qui suppose de lutter contre le gaspillage et la production inutile de déchets et, d'autre part, l'exigence du maintien d'un haut niveau de protection des consommateurs, qui requiert de garantir une traçabilité adéquate des transactions afin de permettre la mise en œuvre effective de leurs droits contractuels et légaux. Loin de devoir être opposés, ces impératifs doivent, au contraire, être combinés dans une logique de complémentarité, en gardant à l'esprit que le consommateur est aussi un acteur-clé de la transition écologique. Ainsi, le projet de texte précise les termes « impression et distribution systématique » et détermine les cas pour lesquels l'interdiction ne s'applique pas. Il prévoit également une obligation d'information du consommateur précisant que l'impression et la remise des tickets de caisse et de carte bancaire ne sont réalisées qu'à sa demande. Les tickets de caisse ne seront pas supprimés par défaut, leur impression sera subordonnée au recueil de la volonté du consommateur. C'est le caractère systématique de leur impression et de leur remise qui est désormais interdit par le nouveau dispositif. À la demande du consommateur, le commerçant peut réaliser une impression physique du ticket ou lui proposer l'envoi du ticket sous forme dématérialisée. En tout état de cause, le choix final appartient au consommateur. Les consommateurs qui ne disposent pas d'un accès au numérique ou qui ne souhaitent pas communiquer leurs données personnelles pourront ainsi se faire remettre un ticket matérialisé. Enfin, il convient de relever que la réglementation sur l'impression non systématique du ticket de caisse est sans préjudice du respect par les opérateurs économiques des obligations qui leur incombent en matière de protection des données à caractère personnel. En l'espèce, comme a pu le souligner la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), une adresse mail communiquée par un client uniquement pour recevoir un ticket de caisse ne peut être utilisée à d'autres fins par le commerçant (prospection commerciale notamment), sans le consentement explicite du client. Conformément au règlement général de protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, le consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque. Le commerçant qui est le responsable du traitement doit être en mesure de démontrer à tout moment que la personne a bien consenti, dans des conditions valides.