Question écrite n° 11483 :
Application de l'ordonnance contre les prix abusivement bas

16e Législature

Question de : M. Grégoire de Fournas
Gironde (5e circonscription) - Rassemblement National

M. Grégoire de Fournas interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 contre les prix abusivement bas, prise dans le prolongement de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM 1» et sur son application effective. L'objectif affiché de cette ordonnance était de permettre aux agriculteurs d'être plus justement rémunérés sur leurs produits et d'éviter que la grande distribution réclame des prix toujours plus bas auprès des fournisseurs de l'industrie agroalimentaire afin d'être plus compétitive que ses concurrents et ce au détriment des producteurs en bout de chaîne. Afin de caractériser un prix abusivement bas, il est tenu compte des indicateurs de coûts de production mentionnés aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime. Si cette ordonnance encadre donc la fixation des prix et est supposée mettre un terme aux pratiques abusives de la grande distribution dans ce domaine, en engageant leur responsabilité et en les obligeant à réparer le préjudice si une telle pratique était avérée, la question de son application effective et des contrôles menés afin d'en faire respecter les dispositions se pose. En effet, les difficultés financières connues par la filière agricole dans son ensemble obligent à être particulièrement attentifs à l'application de ces mesures par la grande distribution, afin de permettre que les producteurs soient justement rémunérés dans un contexte où l'inflation et l'augmentation des prix de l'énergie ont eu un impact important sur les coûts de production, rendant plus importante la guerre des prix pratiquée par les enseignes de cette filière. Il lui demande donc de bien vouloir lui détailler les actions menées par la DGCCRF afin de faire respecter les mesures cette ordonnance.

Réponse publiée le 11 juin 2024

Le fait pour un acheteur de produits agricoles de faire pratiquer à son fournisseur des prix abusivement bas est prohibé par l'article L. 442-7 du code de commerce. Le caractère abusivement bas du prix s'apprécie, en application des dispositions de cet article, au regard des indicateurs de coûts de production mentionnés aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime ou, le cas échéant, de tous autres indicateurs disponibles dont ceux établis par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l'article L. 682-1 du même code. Dans le cas d'une première cession, il est également tenu compte des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émise par le producteur agricole. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions civiles. Les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont amenés à réaliser une enquête lorsque les signalements reçus en matière de prix abusivement bas sont suffisamment précis. Toutefois, les enquêtes menées jusqu'à présent n'ont pas permis de caractériser un non-respect des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce sur les prix abusivement bas. En effet, le prix abusivement s'appréciant dans les conditions prévues par l'article susvisé, il ne peut être analysé au regard des coûts de production d'une exploitation déterminée qui s'estimerait victime d'un tel prix, mais au regard des seuls indicateurs évoqués plus haut. Or, dans la très grande majorité des cas analysés à ce jour, les prix pratiqués par les fournisseurs ne sont pas apparus abusivement bas au regard des indicateurs mentionnés à l'article susvisé ainsi que des prix du marché. Dans la mesure où, hormis dans le secteur du lait, les opérateurs restent réticents à la contractualisation écrite, il n'a par ailleurs jamais été possible d'apprécier le prix pratiqué au regard des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émanant du producteur, de telles propositions n'existant pas. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a à cet égard annoncé plusieurs mesures d'injonction mises en œuvre par la direction générale de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et visant de premiers acheteurs de produits agricoles ayant un fort pouvoir de marché afin que l'obligation de contractualisation écrite soit mieux respectée. En outre, pour caractériser la pratique, il ne suffit pas de démontrer que la vente s'est faite à un prix qui serait abusivement bas par rapport aux indicateurs mentionnés par la législation, il est au surplus nécessaire de prouver que c'est bien l'acheteur qui a contraint son fournisseur à pratiquer ce prix, dans le cadre d'une relation commerciale déséquilibrée. En effet, la législation française n'interdit pas à un producteur ou à un transformateur de vendre à perte (cela peut même, le cas échéant s'avérer utile notamment en cas de surproduction, ou dans le cadre d'opérations dites de dégagement). Seule la revente à perte d'un produit en l'état est en effet pénalement réprimée par l'article L. 442-5 du code de commerce. Ainsi, les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doivent être en mesure de recueillir des éléments matériels suffisants permettant d'aboutir à la caractérisation d'un délit civil de pratique de prix abusivement bas pour que des conclusions en intervention puissent être déposées au nom du ministre, notamment dans le cadre d'une action intentée par un vendeur à l'encontre de son acheteur. En l'absence d'éléments suffisamment probants concernant la contrainte exercée par l'acheteur, les services du ministère ne sont donc pas en mesure d'intervenir sur la base des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce. Au-delà de cette difficulté juridique relativement à la mise en œuvre des dispositions sur les prix abusivement bas, le secteur viticole du Médoc évoqué par le parlementaire connaît effectivement une crise structurelle due à une production supérieure à la demande, celle-ci étant en baisse depuis plusieurs années. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a mis en place un fonds d'urgence de 80 M€ pour soutenir nos viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie générées par de nombreux aléas. Le dispositif cadré au niveau national de façon générale a été mis en œuvre rapidement, sous la responsabilité des préfets des départements des bassins viticoles en crise. Il est d'ores et déjà déployé, avec une ouverture des demandes en préfecture dès le lundi 5 février 2024, et des premiers paiements avant le salon international de l'agriculture. Un appui structurel de l'État à hauteur de 150 M€ a également été décidé, en complément des crédits du programme national vitivinicole (OCM) pour mettre en œuvre une restructuration différée, comprenant une option d'arrachage « sans replantation » en vue d'une diversification agricole, tout en assurant la continuité des autres actions du programme national d'aide. Cela permettra aux viticulteurs qui se décideraient à se retirer de la production vitivinicole de rester dans l'activité agricole et d'investir dans d'autres productions agricoles, adaptées aux territoires et à leur climat.

Données clés

Auteur : M. Grégoire de Fournas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 26 septembre 2023
Réponse publiée le 11 juin 2024

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