16ème législature

Question N° 11498
de Mme Sarah Legrain (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > arts et spectacles

Titre > Suspension des visas des artistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso

Question publiée au JO le : 26/09/2023 page : 8403
Réponse publiée au JO le : 05/12/2023 page : 10894

Texte de la question

Mme Sarah Legrain interroge Mme la ministre de la culture sur les consignes du ministère visant à cesser toute coopération culturelle avec les artistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Ce jeudi 14 septembre 2023, par le biais d'un courrier expédié par les DRAC, le ministère de la culture, sur instruction du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, demandait aux scènes culturelles subventionnées de suspendre jusqu'à nouvel ordre toute coopération avec les artistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Les consignes comprenaient une demande de suspension de tous les projets de coopération menés avec des institutions ou ressortissants de ces trois pays, sans délai et sans aucune exception ; des soutiens financiers, y compris via des structures françaises comme des associations par exemple ; des invitations à tout ressortissant de ces pays. De nombreuses voix de personnalités des arts et de la culture comme d'élus se sont élevées pour dénoncer la radicalité des mesures préconisées. Jamais le secteur culturel n'avait connu d'injonction de la sorte. Comme souligné par les syndicats, aucune politique d'interdiction de la circulation des artistes et de leurs œuvres n'a jamais prévalu dans d'autres crises internationales, des plus récentes avec la Russie, aux plus anciennes et durables, avec la Chine. La décision de suspendre toute coopération artistique est inique et rend responsables les peuples et leurs artistes des choix politiques de leurs dirigeants. Or les peuples n'ont pas à subir les querelles entre États. Le travail des artistes ne peut être une variable d'ajustement des conflits diplomatiques de la France et des intérêts du pouvoir. Aucune situation politique, si terrible soit-elle, ne peut justifier une telle attaque à l'encontre des garants de l'expression libre des peuples, de la diversité et la liberté culturelles et de l'harmonie entre les peuples francophones. Mme la ministre a par la suite tempéré ses propos et affirmé qu'il ne s'agissait ni d'un « boycott » ni de « représailles », mais d'une fermeture matérielle et temporaire des services de visas. Cependant, ces courriers ont bien été envoyés et la décision gouvernementale de bloquer les visas revient de fait à une déprogrammation et à une ingérence. Cette décision remet en cause les libertés d'expression, d'association et syndicale. Au regard de ces arguments, Mme la députée demande une réponse claire de Mme la ministre : les artistes burkinabés, maliens et nigériens seront-ils victimes de mesures discriminatoires en raison de tensions diplomatiques ? Plus largement, elle souhaite savoir si la coopération culturelle entre les peuples, la diversité et la vitalité artistiques françaises feront les frais de cette décision.

Texte de la réponse

La situation sécuritaire est extrêmement dégradée au Mali, au Niger et au Burkina Faso suite à des coups d'État condamnés par la communauté internationale, et face à une recrudescence d'attaques terroristes. C'est dans ce contexte que les ambassades de France et instituts français ont été pris pour cible et que ces pays ont été classés en « zone rouge » par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères les 6 et 7 août 2023. Compte tenu de cette situation très particulière, les ambassades et consulats français au Mali et au Burkina Faso fonctionnent à équipe réduite et l'ambassade de France à Niamey reste fermée au public. Il a été décidé que les services de visas dans ces trois pays soient pour le moment fermés, la délivrance de visas étant ainsi rendue quasi impossible. Les artistes et professionnels de la culture basés dans ces trois pays et déjà en possession de visas en cours de validité peuvent venir comme prévu pour honorer des projets ou spectacles en France. Les artistes et professionnels de la culture vivant en France et originaires de ces trois pays ne sont en rien concernés, tout comme les artistes et professionnels de la culture burkinabés, maliens ou nigériens vivant dans d'autres pays, qui peuvent se voir délivrer des visas. Par ailleurs, aucune déprogrammation d'artistes, de quelque nationalité que ce soit, n'est demandée ni par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ni par le ministère de la culture. De même, les coopérations culturelles et artistiques avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger se poursuivent. C'est pourquoi des visas ont pu être octroyés malgré la situation afin de permettre aux artistes de voyager et d'honorer leurs engagements. C'est le cas par exemple des artistes de « Basketteuses de Bamako » créé dans le cadre des Olympiades culturelles des JO 2024. La priorité accordée au renouvellement du partenariat culturel avec l'Afrique reste plus que jamais d'actualité, comme en témoigne l'organisation du Forum Création Africa du 6 au 8 octobre dernier qui a réuni plus de 350 artistes et professionnels de la culture venus de l'ensemble du continent africain, ainsi que le renforcement de la coopération muséale à travers la création d'un fonds pour la circulation des œuvres en Afrique ou la formation de professionnels. Terre d'accueil pour des générations d'artistes du monde entier, la France a toujours été le pays vers lequel les artistes se sont tournés, pour fuir des persécutions, des menaces politiques ou la censure ; le ministère de la culture a placé l'accueil des artistes en exil et plus généralement, des cultures étrangères, ainsi que les mobilités artistiques et professionnelles au cœur de son action européenne et internationale.