TGAP et collectivités territoriales
Question de :
Mme Josiane Corneloup
Saône-et-Loire (2e circonscription) - Les Républicains
Mme Josiane Corneloup interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'envolée de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui constitue une charge considérable pour les collectivités territoriales et syndicats de collecte et de traitement des déchets. Celle-ci devrait atteindre 65 euros par tonne enfouie alors qu'elle n'était que de 17 euros en 2019 et engendrer un coût de plusieurs millions d'euros pour les collectivités territoriales. Au final, ce sont les contribuables qui sont mis à contribution pour équilibrer les budgets des ordures ménagères alors qu'ils sont déjà en proie à une forte augmentation du coût de la vie dans un contexte inflationniste. De plus, les collectivités les plus exemplaires en matière de traitement des déchets ne sont pas récompensées de leurs efforts puisque les recettes de la TGAP viennent abonder le budget de l'État. Plus généralement, se pose le problème de l'autonomie financière et de la libre administration des collectivités locales qui subissent en plus du contrôle de leurs dépenses des modifications, des suppressions de leurs recettes fiscales souvent remplacées par des dotations, lesquelles ne bénéficient pas du levier de l'augmentation régulière des bases fiscales et ne sont pas indexées sur le taux d'inflation. Ainsi, sur la base de ce constat, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir aux collectivités territoriales un cadre financier pérenne en la matière.
Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2023
MONTANT DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour exposer sa question, n° 115, relative au montant de la taxe générale sur les activités polluantes pour les collectivités territoriales.
Mme Josiane Corneloup. Je suis interpellée par des collectivités de ma région ayant contractualisé une puissance inférieure à 36 kilovoltampères ou comptant plus de dix salariés, qui ne peuvent bénéficier des tarifs réglementés de l'électricité et voient leurs dépenses énergétiques exploser, ce qui les affecte très injustement, en réduisant leurs marges de manœuvre budgétaires, déjà mises à mal par la suppression de plusieurs de leurs ressources fiscales. Cette augmentation très importante pose la question de la continuité de certains services publics mais aussi celle de la commande publique.
Dans le même temps, les communes, les intercommunalités, mais aussi les syndicats de collecte et de traitement des déchets de ma circonscription m'alertent à propos du triplement, d'ici à 2025, du taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), prélevée sur chaque tonne enfouie ou incinérée de déchets ménagers ou assimilés. Alors que les collectivités et les services de gestion et de collecte ont, grâce à leurs efforts, considérablement favorisé la réduction des déchets à la source, c'est sur eux et, in fine, sur les contribuables que le Gouvernement a décidé de faire peser le poids d'une taxe aussi inefficace qu'injuste.
Elle est inefficace car la baisse actuelle des déchets collectés est telle qu'elle ne saurait se poursuivre avec une politique fiscale répressive frappant les seuls foyers fiscaux, alors que le dispositif de responsabilité élargie des producteurs (REP) se révèle insuffisamment contraignant et n'incite pas assez les producteurs de déchets à développer un modèle économique circulaire, propice à une vraie politique de développement durable.
Elle est injuste car c'est l'État qui bénéficie de cette manne, au détriment des territoires vertueux, alors que son rôle dans les politiques de réduction des déchets demeure très secondaire.
Il ne s'agit pas de contester l'objectif de réduction des déchets – celle-ci est indispensable – mais de proposer de l'atteindre autrement, en tenant notamment compte du terrible troisième choc énergétique que particuliers, entreprises et collectivités locales doivent affronter. Il me semble donc urgent, parallèlement à sa nécessaire redéfinition et à l'étude d'une redistribution plus équitable de sa collecte en faveur des territoires, de bloquer toute hausse de la TGAP jusqu'en 2025.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Votre question – pour laquelle je vous remercie – traduit votre connaissance des conséquences, en ces premiers jours de l'année 2023, de l'évolution progressive de la composante déchets de la TGAP.
J'aimerais revenir sur la philosophie qui, en 2019, a conduit le Gouvernement et la majorité à prendre cette décision. Elle repose sur l'idée que le stockage de déchets, leur enfouissement ou leur incinération ne doivent en aucune circonstance être moins onéreux que leur recyclage, compte tenu du bienfait écologique de la réutilisation de la matière. Dans le cadre de notre politique environnementale, cette philosophie a guidé l'instauration d'une hiérarchie de traitement des déchets, en incitant à leur valorisation plutôt qu'à leur élimination et à leur enfouissement.
Dans ce contexte, une hausse de la TGAP par tonne de déchets enfouie ou incinérée a été décidée. Conscient de la nécessité de faire preuve de cohérence, dans la loi de finances, le législateur a d'abord ramené le taux de TVA à 5,5 % pour les opérations de prévention ou de collecte des déchets, afin de compenser cette hausse de fiscalité par une baisse de TVA dans les budgets locaux d'enlèvement des ordures ménagères. Dans le même temps, les frais de gestion perçus par l'État sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ont baissé de cinq points, passant de 8 à 3 % pour les cinq premières années au cours desquelles la part incitative de la TGAP est mise en œuvre. Autrement dit, il s'agit pour l'État de diminuer ses propres recettes, puisque l'enjeu est non pas de gagner plus d'argent, mais uniquement de réorienter les déchets, afin qu'au bout du compte, nous soyons collectivement gagnants du point de vue environnemental et budgétaire.
La cohérence du dispositif repose sur l'instauration des filières REP puisqu'un des enjeux – je parle au nom des collectivités locales – est de mettre un terme à la collecte des déchets issus de filières économiques ou industrielles par les déchetteries financées par les contribuables. Leur traitement ne doit plus être payé par eux, mais bien par les producteurs dans le cadre de la responsabilité élargie.
L'extension du tri des emballages et le déploiement du tri des biodéchets visent à diminuer les tonnages, qui constituent l'assiette de la TGAP. C'est dans ce contexte que le fonds Économie circulaire de l'Ademe – Agence de la transition écologique – mène ses actions. Cette politique globale cohérente est, comme d'autres, affectée par la crise énergétique que nous connaissons. Elle suit une trajectoire qui est la seule viable du point de vue écologique, à savoir la diminution des déchets que nous enfouissons et que nous incinérons, afin d'augmenter la part de déchets que nous valorisons.
Auteur : Mme Josiane Corneloup
Type de question : Question orale
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2023