Dispositions des articles L. 112-6 et D. 112-3 du code monétaire et financier
Question de :
Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho
Essonne (2e circonscription) - Rassemblement National
Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les dispositions combinées des articles L. 112-6 et D. 112-3 du code monétaire et financier relatifs à l'interdiction du paiement en espèces au-delà de 1 000 euros lorsque le débiteur est un citoyen ou résident français, tandis qu'elle est de 15 000 euros pour les touristes étrangers non-résidents français. Cette inégalité de traitement en défaveur des citoyens et résidents français sur leur propre territoire est d'autant plus choquante que le non-respect de cette règle peut entraîner une amende très lourde pour le contrevenant. Il faut ajouter que ce montant était de 3 000 euros jusqu'en 2015 (sans avoir été réévalué pour tenir compte de l'inflation pendant 35 ans) et que le fait de pouvoir payer en espèces jusqu'à 15 000 euros lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française n'est rien d'autre qu'une inégalité de traitement entre les débiteurs et une discrimination contre les citoyens et résidents français. En effet, cette limitation est incohérente parce qu'elle fait fi de la réalité des modalités de paiement en Europe et de l'intérêt que constituent pour l'économie réelle les paiements en espèces, qui permettent une plus grande fluidité des échanges et dopent la croissance tandis que leur limitation constitue au contraire un frein de nature à entraîner des effets récessifs pour l'économie. Enfin, cette défiance de l'État à l'encontre des Français et des espèces est incohérente, puisque les billets de banque et les pièces de monnaie émis par la Banque centrale européenne constituent un moyen de paiement ayant cours légal, il s'agit donc du moyen normal et régulier de paiement que nul ne peut refuser. En ce sens, l'article R. 642-3 du code pénal prévoit que « le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal est puni de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe ». Aussi, conformément au principe constitutionnel d'égalité, elle lui demande si le Gouvernement entend ramener à 15 000 euros pour tous, la limitation des paiements en espèces et si ce montant sera réévalué périodiquement afin de tenir compte de l'inflation et du pouvoir d'achat des Français.
Réponse publiée le 7 mai 2024
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique entend rappeler son attachement à l'utilisation des espèces mais que dans un contexte de risque de fraude fiscale et de prégnance du risque terroriste l'encadrement des paiements en espèces reste nécessaire. Si le code monétaire et financier et le code pénal prévoient que les espèces ont cours légal et valeur libératoire, et que le refus d'accepter des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 2e classe (art. R. 162-2 du code monétaire et financier et R. 642-3 du code pénal), la liberté de paiement en espèces n'est pas sans limite et peut être encadrée dans des conditions strictes. C'est ainsi que depuis la première moitié du XXe siècle, les autorités ont fixé des plafonds pour les paiements en espèces dans un objectif de lutte contre la fraude fiscale. Les espèces sont en effet susceptibles de faciliter la commission de fraudes fiscales ou encore le blanchiment d'argent compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques telles que l'anonymat et l'absence de traçabilité. En matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), il est par ailleurs établi, comme l'indiquent notamment les directives européennes anti-blanchiment successives, que le recours à des paiements en espèces d'un montant élevé peut être facilement exploité à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Dans ce contexte, si un débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle, le plafond du paiement en espèces est en effet fixé à 1 000 euros (article D. 112-3 du code monétaire et financier). Ce plafond continue d'apparaître justifié et proportionné. Si un débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, qu'il n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle et paie une dette au profit d'une personne qui n'est pas mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, le seuil du paiement en espèces est fixé à 10 000 euros (seuil porté à 15 000 euros dans les cas où la dette est payée au profit d'une personne mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier). Ces plafonds se justifient car les non-résidents visitant le territoire, peuvent avoir davantage de contraintes sur leurs moyens de paiement habituels. Ces dispositions restent appropriées en permettant de régler de façon différente des situations qui ne sont pas les mêmes, définies selon des critères objectifs ainsi que le permet notre système juridique. Le Gouvernement n'envisage donc pas de modifier les dispositions actuellement applicables en matière de plafond pour les paiements en espèces réalisés par des résidents français.
Auteur : Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho
Type de question : Question écrite
Rubrique : Moyens de paiement
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 26 septembre 2023
Réponse publiée le 7 mai 2024