Question orale n° 116 :
Un scandale d’État : la fixation du prix de l’électricité

16e Législature

Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Non inscrit

M. Nicolas Dupont-Aignan interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur le plus grand scandale d'État de cet hiver 2022-2023 : la fixation du prix de l'électricité. La France produit l'électricité la moins chère d'Europe, avec un coût de production par EDF à 42 euros le MWh. Et pourtant, c'est un des pays avec le prix de vente de l'électricité le plus onéreux du continent. Ces faits sont aisément constatables sur le site comparatif de l'électricité de l'Union européenne. À titre d'exemple, le 14 décembre 2022, le prix du MWh était de 451 euros en France, tandis qu'il était de 81euros pour l'Espagne et le Portugal. La raison de ce différentiel est simple ; l'Espagne et le Portugal sont revenus à un prix national de l'électricité. Ces pays, contrairement au gouvernement français, ont fait le choix de la préservation de leur population et de leurs entreprises, choix qui n'a pas été envisagé un seul instant par la majorité, comme en a témoigné le président de RTE, M. Xavier Piechaczyk, lors de son audition à l'Assemblée nationale. Pire encore, EDF est contraint de vendre son électricité à 46 euros le MWh à des opérateurs privés, qui font des bénéfices extravagants, jusqu'à 180 euros le MWh, au détriment des PME, sans oublier que l'État prélève tout ce qui est au-dessus de 180 euros. Les bénéfices d'opérateurs privés sont donc privilégiés à la survie des PME. Cette logique, profondément contraire aux intérêts nationaux, entraîne des milliers d'entreprises dans un état d'asphyxie financière. Il s'agit bel et bien d'un scandale, celui de l'appauvrissement volontaire des artisans, boulangers, bouchers, orchestré par le Gouvernement. Comment peut-on observer la faillite des travailleurs les plus méritants sans s'émouvoir ne serait-ce qu'un bref instant ? Une fois encore, la France joue contre la France et devient le dindon de la farce à l'échelle mondiale. Un pays sabordant ses propres travailleurs ne peut agir que par idiotie ou par obéissance à des intérêts étrangers. Quand l'Allemagne prend des mesures conséquentes, en débloquant 200 milliards pour protéger ses entreprises, le Gouvernement propose un amortisseur énergétique couplé à un guichet électricité, deux pseudos mesures qui allègeront de 20 à 35 % la facture d'électricité des PME, alors que l'augmentation subie est de l'ordre de 400 %. M. le député souhaite, dans un premier temps, connaître la date à laquelle la France va revenir à un prix national de l'électricité et, dans un second temps, obtenir une justification de la politique gouvernementale menée, jusqu'à ce jour, qui va à l'encontre des intérêts des entreprises françaises et qui semble suivre une logique de volonté de déconstruction totale du pays et d'obéissance aveugle à la Commission de Bruxelles et à l'Allemagne. L'urgence est absolue, une réponse doit être clairement explicitée durant ce mois de janvier 2023. Passé ce délai, un retour en arrière ne sera plus possible et le Gouvernement n'aura d'autre alternative que de constater les conséquences des choix abjects effectués. Il en va de la survie des PME. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2023

FIXATION DU PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n°  116, relative à la fixation du prix de l'électricité.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je veux vous interpeller ce matin au sujet du plus grand scandale d’État de cet hiver ; la fixation du prix de l’électricité.

La France est l'un des pays qui produit l'électricité la moins chère d'Europe, si bien qu'EDF est d'ailleurs obligée de vendre à ses concurrents une partie importante de sa production à 46 euros le mégawattheure (MWh). Et pourtant, nous appliquons un prix européen de l'électricité, indexé sur le prix du gaz et déconnecté des coûts de production, ce qui pénalise nos entreprises et nos artisans, notamment les boulangers, et qui, de surcroît, alimente une spéculation absolument inadmissible.

Ces faits sont aisément constatables sur le site comparatif des tarifs de l'électricité de l'Union européenne. Quand j'ai voulu poser ma question, le 14 décembre dernier, le prix de l'électricité en France était de 450 euros le mégawattheure – raison pour laquelle les opérateurs ont considérablement augmenté les prix facturés à nos boulangers et à nos artisans –, tandis qu'en Espagne et au Portugal, qui appliquent un prix national, il était de 83 euros le mégawattheure.

J'ai consulté le site ce matin : la France détient encore le prix de l'électricité le plus élevé d'Europe, notamment en comparaison avec le Portugal et l'Espagne. Ces deux États membres de l'Union européenne ont bel et bien repris leur liberté, et appliquent un prix national fondé sur leurs coûts de production ; de fait, leur électricité est bien moins chère qu'en France, et ils évitent votre usine à gaz de subventions et de boucliers.

Le bon choix est très simple : il consiste à revenir à un prix national de l’électricité. Le Gouvernement passe sa vie à affirmer qu'il s'active à Bruxelles pour changer les choses, mais en réalité, il ne change rien du tout ! Pourquoi refusez-vous d’imiter deux pays européens qui ont préféré défendre leurs entreprises et leurs artisans plutôt que d'obéir à une bureaucratie et à des intérêts étrangers ? Notez que les intérêts en question sont d'ailleurs allemands, puisque l'Allemagne a toujours voulu éviter que la France puisse bénéficier de son industrie nucléaire et de ses prix modiques.

Vous dites avoir changé les choses en plafonnant le prix de l'électricité à 280 euros le mégawattheure pour les artisans, mais, comme me l'ont confié ce week-end des boulangers de ma circonscription, il reste insupportable de passer de 50 à 280 euros le mégawattheure ; cela les conduit tout simplement à fermer boutique. Vous n'avez donc pas résolu le problème pour les entreprises et les artisans. Vous avez certes créé un bouclier tarifaire pour les ménages, mais vous restez enfermés dans votre aveuglement idéologique et votre soumission à une Union européenne qui va à l'encontre de nos intérêts profonds. Quand allez-vous enfin revenir au prix national de l'électricité, et ainsi sauver nos entreprises ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Une fois de plus, avec tout le respect que je vous dois en tant qu'élu de la nation, vous racontez absolument n’importe quoi ! Vous prétendez qu'EDF vend de l'électricité à ses concurrents à un tarif privilégié. Or l'accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) – puisque c'est à ce dispositif que vous faites référence – n'est pas fixé à 46 euros le mégawattheure, comme vous le dites, mais à 42 euros, et profite avant tout aux consommateurs, qu'il s'agisse des ménages ou des entreprises.

De fait – et contrairement à ce que vous dites –, la plupart des pays européens affichent un prix de l’énergie bien supérieur à celui que paient les ménages et les entreprises français. Vous racontez que l'Espagne et le Portugal sont sortis du marché européen de l'énergie : c'est faux. Le prix de l’énergie y est certes faible – à un niveau relativement comparable à celui que paient nos concitoyens –, mais cette baisse dont bénéficient les consommateurs espagnols et portugais est compensée par une taxe payée par ces mêmes contribuables. En définitive, la douleur est donc partagée de la même manière.

Vous reconnaissez toutefois que nous avons instauré un bouclier tarifaire : il protège fortement les boulangers, les artisans et plus généralement l'ensemble des très petites entreprises de France. Vous omettez de préciser qu’au-delà du bouclier tarifaire, les boulangers – comme toutes les entreprises éligibles – ont accès, pour les plus énergivores, au guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz.

Ainsi, nous avons déployé un arsenal grâce auquel les ménages français – vous en convenez – mais aussi les entreprises sont parmi les plus protégés d’Europe. Cela se traduit par des faits – car j'aime à vous rappeler régulièrement que les faits ont de l'importance : la croissance française a été extrêmement soutenue en 2022, à + 2,6 %. Nous sommes l'un des seuls pays occidentaux dont il est attendu une croissance positive, tandis que certains de nos partenaires européens sont en récession. Est-il besoin de rappeler que l’inflation française est actuellement la plus faible d’Europe ? Nous devons ces résultats aux politiques menées par le Gouvernement – politiques que vous n'avez pas votées, mais que la majorité a soutenues.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous ne manquez pas de culot, à travestir les faits et à accuser l'autre de mentir ! Les opérateurs privés paient l'électricité 42 euros le mégawattheure, mais ils la facturent 450 euros aux artisans : comment pouvez-vous dire cela ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit que vous racontiez n’importe quoi.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous n'avez pas instauré un bouclier tarifaire pour les entreprises, les PME et les artisans – vous le savez pertinemment. De fait, des milliers de boulangers sont en train de faire faillite.

Enfin, vous refusez de sortir du prix européen de l'électricité, alors que cela nous permettrait de traiter le problème à la racine : si nous nous fondions sur nos propres coûts de production, nous bénéficierions d'un prix de l'électricité nettement inférieur. Vous mentez sur toute la ligne.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Transition énergétique

Ministère répondant : Transition énergétique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2023

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