16ème législature

Question N° 1180
de M. Mickaël Bouloux (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Ille-et-Vilaine )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Pénurie de professeurs

Question publiée au JO le : 13/09/2022 page : 3991
Réponse publiée au JO le : 16/05/2023 page : 4444

Texte de la question

M. Mickaël Bouloux interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse au sujet de la pénurie de professeurs lors de la rentrée scolaire 2022-2023. Quelque 4 000 enseignants français manquent en effet à l'appel à l'issue des concours du printemps 2022, soit environ un poste sur six. De fait, les résultats du CAPES 2022 ont entériné la baisse des vocations pour le métier de professeur : 816 candidats admissibles en mathématiques contre 1.705 en 2021, pour 1 035 postes, 83 admissibles en allemand contre 177 en 2021, pour 205 postes proposés, et 425 candidats admissibles en SVT contre 552 en 2021,pour 260 postes à pouvoir. De façon générale, depuis 2018, le nombre de candidats a diminué fortement, passant de 33 490 en 2019 à 31 494 en 2021. Le salaire des professeurs est une question centrale pour relancer les vocations. En euros constants, depuis ces 20 dernières années, ils ont en effet perdu entre 15 et 20 % de leur rémunération. Par ailleurs, leur salaire est inférieur à celui des actifs du privé de 21 % dans le pré-élémentaire, de 23 % dans l'élémentaire et de 12 % au collège. Enfin, 70 % des professeurs des écoles et 50 % des certifiés gagnent moins de 2 500 euros nets, primes et heures supplémentaires comprises, sans compter qu'après 15 ans de carrière, les enseignants français du premier degré sont payés 14 % de moins que leurs homologues de l'OCDE et ceux du second degré 20 % de moins. Les réformes engagées sous le précédent quinquennat par le ministre Jean-Michel Blanquer ont par ailleurs tari la source des candidatures en supprimant, pour les étudiants en master, la possibilité de devenir fonctionnaires stagiaires rémunérés dès la seconde année de formation. De facto, une grande partie des candidats issus de milieux modestes ont dû renoncer à s'engager dans ce cursus, du fait de la suppression des moyens financiers qui leur étaient assurés précédemment durant leur formation. Enfin, alors que quelque 60 000 postes avaient été créés dans l'éducation nationale entre 2012 et 2017, près de 8 000 postes ont été supprimés en cinq ans dans le second degré avec pour conséquence des classes surchargées, des options supprimés dans les établissements, ou encore des difficultés croissantes de professeurs remplaçants. Face à cette situation, le Gouvernement a annoncé vouloir recourir à des contractuels, ce qui constitue une remise en cause du service public d'enseignement. De surcroît, le recrutement des contractuels est priorisé alors même qu'il existe un vivier de 700 candidats aux concours qui ont été admis sur liste complémentaire pour pallier les éventuels désistements des enseignants admis sur liste principale. Cette préférence est d'autant plus anormale que les personnes inscrites sur ces listes complémentaires bénéficient d'une formation au métier de professeur, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les contractuels. Pire : dans une logique comptable, des recrutements en tant que contractuels, en CDD, ont été opérés auprès de candidats inscrits sur listes complémentaires. Il s'agit ici d'un dévoiement inacceptable qui contribue à décourager davantage les futurs professeurs de s'engager dans cette voie. Enfin, le mode de recrutement des contractuels passe par des entretiens express, ce qui pose question quant à la considération du métier de professeur. Il ne suffit en effet pas d'être doué en mathématiques, en français ou en histoire-géographie pour être capable de transmettre un enseignement de qualité. La pédagogie ne se décrète pas : elle s'acquiert à l'issue d'une formation de plusieurs années. La situation actuelle est préjudiciable pour les professeurs quant à la reconnaissance de leur statut et quant à leur rémunération. Elle est également source de préoccupations légitimes quant à la qualité des enseignements dispensés aux élèves, dont l'avenir ne saurait être hypothéqué par des politiques de courte vue. Par conséquent, le Gouvernement envisage-t-il de repenser sérieusement un cursus de formation des professeurs qui réponde pleinement aux enjeux d'une école au sein de la République ? Il lui demande quelle politique il compte mettre en place pour redonner toute son attractivité au métier de professeur.

Texte de la réponse

Lors de la session 2022 des concours de recrutement des personnels enseignants du second degré, 13 690 postes avaient été ouverts, soit 300 postes de plus qu'en 2021. Par rapport à la session 2021, le nombre d'inscriptions a baissé avec 91 310 candidats en 2022 contre 115 694 en 2021. Dans le premier degré, le nombre de recrutements ouverts au concours de professeurs des écoles a été maintenu par rapport à 2021 à hauteur de 9 900 postes. Par rapport à la session 2021, le nombre d'inscriptions au concours, hors session supplémentaire, est en baisse avec 55 876 candidats en 2022 contre 100 482 en 2021. Cette évolution du nombre de candidats s'est traduite par une dégradation des rendements de concours d'environ 10 % dans le premier et le second degrés. La diminution du nombre de candidatures enregistrées s'explique pour partie par la mise en œuvre de la réforme de la place du concours puisque les candidats doivent maintenant détenir un master 2 et ne peuvent plus se présenter en fin de première année de master ; or les candidats justifiant d'une 1ère année de master avaient pu passer le concours en 2021, contractant le vivier de candidatures en 2022. Par ailleurs, une forte tension sur le marché de l'emploi qualifié pèse sur la capacité du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) à recruter avec une attractivité suffisante, étant précisé que cette tension n'est pas sans conséquence sur l'ensemble des concours de la fonction publique. Ces évolutions prévisibles ont été anticipées dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire 2022. Au regard des besoins d'enseignement, les candidats des listes complémentaires des concours du second degré ont tous été appelés. Dans le premier degré, les académies ont été autorisées dès le 25 juillet 2022, dans la limite de leur schéma d'emploi, à faire appel aux listes complémentaires pour compenser, comme il est d'usage, les renonciations ou démissions intervenant en début d'année scolaire mais également pour pourvoir des postes vacants. Ainsi, au 9 septembre 2022, sur les 1 215 lauréats inscrits sur les listes complémentaires des concours de recrutement des professeurs des écoles, 870 lauréats avaient été appelés. Lorsqu'il n'est plus possible de recourir aux listes complémentaires, les besoins nouveaux qui apparaissent sont pris en charge par des professeurs contractuels. Il faut préciser que plus de 80 % des contractuels en poste à la rentrée scolaire 2022 ont vu leur contrat renouvelé, c'est-à-dire qu'ils avaient déjà exercé le métier d'enseignant. Le recrutement de droit commun des agents contractuels correspond au niveau de qualification exigé pour se présenter aux concours internes des différents corps d'enseignement, d'éducation et de psychologue concernés. Les personnels ainsi recrutés bénéficient d'une formation et d'un accompagnement pendant la durée de leur contrat afin de faciliter leur intégration dans les fonctions occupées. La nature et la durée de la formation d'adaptation à l'emploi dépendent de l'expérience professionnelle antérieure de l'agent. Afin de permettre aux contractuels d'accèder à un emploi pérenne, outre les concours internes "classiques", des concours internes exceptionnels ont été ouverts début 2023 pour les enseignants contractuels disposant d'au moins 18 mois d'expérience. Ces concours permettront de recruter des professeurs des écoles et des maîtres exerçant dans des établissements d'enseignement du premier degré privé sous contrat dans trois académies (Créteil, Versailles, Guyane). Pour suivre les préparations aux concours de recrutement d'enseignants, les contractuels sont accompagnés et disposent de facilités. Cet accompagnement peut prendre la forme d'un suivi exercé par un tuteur qui a pour mission de contribuer à l'acquisition par l'agent contractuel des gestes professionnels correspondant aux métiers de l'enseignement, de l'éducation, ou de psychologue. Par ailleurs, le ministère poursuit son travail de revalorisation des personnels et de transformation des métiers de l'éducation au sein d'un processus global d'amélioration des conditions de travail des personnels et du système éducatif. Au terme d'un cycle de concertation avec les organisations syndicales conduit par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, des mesures de revalorisation des rémunérations, des carrières et des missions des professeurs ont été annoncées. Elles s'appliqueront à compter de la rentrée scolaire 2023. Dès le 1er septembre 2023, l'ensemble des professeurs bénéficieront d'une hausse inconditionnelle de rémunération, quels que soient leur corps, leur statut (titulaire, contractuel ou stagiaire) ou leur ancienneté. Cette revalorisation s'adresse à tous les enseignants du premier et du second degrés en fonction dans des écoles et établissements scolaires publics ou privés sous contrat (professeurs des écoles, professeurs certifiés, professeurs agrégés, professeurs de lycée professionnel…). Pour reconnaître l'importance et la charge des missions d'accompagnement et d'orientation, le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (1er degré) et de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (2nd degré) sera ainsi doublé pour atteindre 2 500 euros bruts par an. Cette augmentation de 1 350 euros bruts par an pour l'ISAE et de 1 294 euros pour la part fixe de l'ISOE apportera une hausse de rémunération de près de 100 euros nets par mois pour tous les professeurs. Les professeurs documentalistes et les enseignants chargés de fonctions spécifiques ou exerçant dans des structures particulières (conseillers pédagogiques, enseignants référents à la scolarité des élèves en situation de handicap, enseignants référents pour les usages du numérique, enseignants en milieu pénitentiaire, maîtres formateurs et formateurs académiques…) bénéficieront d'une revalorisation de leur régime indemnitaire dans les mêmes proportions. Il en ira de même pour les conseillers principaux d'éducation (CPE) et les psychologues de l'éducation nationale (PsyEN). Par ailleurs, afin d'augmenter significativement la rémunération des professeurs en début de carrière, la prime d'attractivité sera étendue au bénéfice des professeurs stagiaires et revalorisée pendant les quinze premières années de carrière (jusqu'à l'échelon 7 inclus). Ainsi, comme le Président de la République s'y était engagé, tous les professeurs titulaires commenceront leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 euros nets par mois. En complément de la revalorisation des régimes indemnitaires, des mesures de carrière offriront de meilleures perspectives d'évolution professionnelle en facilitant et en accélérant l'accès aux grades supérieurs pour les deuxièmes moitiés de carrière. Grâce au relèvement progressif de son taux de promotion (21 % en 2023, 22 % en 2024 et 23 % en 2025), le passage au 2e grade (hors classe) s'effectuera un an plus tôt en moyenne. Dès 2023, 5 000 promotions supplémentaires pourront être effectuées en comparaison de la situation actuelle. Le relèvement du contingement d'accès au 3e grade (classe exceptionnelle) de 10 % à 10,5 % permettra d'effectuer 3 000 promotions supplémentaires en 2023 par rapport à 2022. En 2024, un taux de promus/promouvables viendra remplacer la règle du contingentement. Ce passage facilité et accéléré aux grades supérieurs permettra aux professeurs de terminer leur carrière à des indices plus élevés qu'auparavant, ce qui constituera un avantage pour la liquidation de leur retraite. En outre, le ministère offrira de meilleures conditions d'entrée dans le métier aux lauréats des concours. Depuis 2022, les services réalisés dans le secteur privé sont pris en compte à hauteur de deux tiers de leur durée pour déterminer l'échelon de départ des enseignants ayant réussi le concours de 3e voie. Ces conditions de reclassement s'appliqueront désormais aux concours externes et internes, permettant à l'ensemble des lauréats d'entamer leur seconde carrière avec une rémunération plus attractive. Des missions nouvelles et attractives seront proposées aux professeurs volontaires afin d'améliorer la qualité du service public de l'éducation. Ces missions complémentaires au service d'enseignement permettront de répondre aux besoins des élèves et aux nécessités de fonctionnement des écoles et des établissements. Un premier ensemble de missions portera sur des activités pédagogiques en présence des élèves. Des missions de remplacement de courte durée (18 heures par an) devront être effectuées dans l'ensemble des collèges et des lycées pour que les élèves bénéficient de l'ensemble des heures d'enseignement prévues à leur emploi du temps. Pour assurer la maîtrise des savoirs fondamentaux à l'entrée au collège, les professeurs des écoles pourront effectuer du soutien renforcé auprès des élèves en difficulté et intervenir en classe de 6e dans le cadre des nouvelles heures hebdomadaires de soutien ou d'approfondissement en français ou en mathématiques. Un second ensemble de missions relevant d'un engagement annuel portera sur l'amélioration du fonctionnement des écoles et des établissements, sur les projets des équipes éducatives et sur des fonctions d'accompagnement ou d'orientation (coordination et mise en œuvre de projets pédagogiques innovants, notamment dans le cadre du CNR Éducation « Notre école, faisons-la ensemble », accompagnement renforcé des élèves à besoins éducatifs particuliers, coordination de la découverte des métiers de la 5e à la 3e…). Chaque mission ainsi définie fera l'objet d'une rémunération de 1 250 euros bruts par an, soit 3 750 euros bruts pour trois missions. S'agissant du lycée professionnel, la rémunération des missions complémentaires pourra atteindre 7 500 euros bruts par an.  Grâce à l'ensemble de ces mesures, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse entend renforcer l'attractivité du métier enseignant et améliorer les conditions d'exercice. Il est à noter une augmentation des inscriptions aux concours ouverts à la session 2023 qui, avec 61 561 candidats dans le premier degré public, se traduit par une progression globale de 10,2% par rapport à 2022. Les inscriptions aux concours externes et troisièmes concours de professeur des écoles, avec 56 146 candidats, progressent notamment de 9%. Les inscriptions aux concours de recrutement d'enseignants du second degré public avec 94 255 candidats, dont 64 089 aux concours externes et troisièmes concours, ont également augmenté cette session à hauteur de 3%.