16ème législature

Question N° 11878
de Mme Mathilde Paris (Rassemblement National - Loiret )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > professions de santé

Titre > Désertification médicale et incitations fiscales

Question publiée au JO le : 03/10/2023 page : 8723
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11306

Texte de la question

Mme Mathilde Paris attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention au sujet du manque de cohérence entre les différents classements des agences régionales des incitations fiscales prévues pour enrayer la désertification médicale. En effet, Mme la députée a été contactée par plusieurs de ses administrés face aux problèmes de désertification médicale du Loiret. Ainsi, en février 2022, l'agence régionale de santé (ARS) a publié une nouvelle carte des zones dites « prioritaires » pour bénéficier d'aides à l'installation de nouveaux médecins : 84,5 % des habitants de la région Centre Val de Loire et 65 % des Loirétains sont concernés par ce classement en zone prioritaire. La désertification médicale a tendance à s'aggraver dans la plupart des départements de la région et notamment dans le Loiret où le constat est alarmant : la totalité du département est désormais considéré comme « sous-doté ». Fort de ce constat, il y a quelques semaines, l'Association des maires du Loiret et 70 maires Loirétains ont annoncé porter plainte contre l'État face à la désertification médicale pour « non-assistance à personnes en danger » tandis que le territoire ne compte que 104 médecins pour 100 000 habitants, selon l'Insee. Le classement du Loiret comme territoire « sous-doté » par l'ARS est un premier pas, néanmoins, un problème demeure : l'ARS a dessiné des nuances qui suscitent l'incompréhension des élus, des habitants et des professionnels de santé. En effet, le département, bien qu'étant classé dans sa totalité comme une « zone sous dotée » - et certaines zones sont classées comme zones très sous-dotées - en médecins et professionnels de santé, le classement effectué par l'agence régionale de santé (ARS) diffère de celui reconnu par les services des finances publiques afin d'obtenir des aides et des incitations fiscales. En effet, le classement effectué par les finances publiques dans le Loiret est divisé en zones de revitalisation rurale et en « zones classiques », la première bénéficiant d'aides et d'incitations fiscales pour les professionnels de santé s'y installant, contrairement à la seconde. Or la commune de Bray-Saint-Aignan se trouve à proximité de communes classées en zone de revitalisation rurale, mais n'en fait pas partie selon le classement établi par les finances publiques. Ainsi, la commune de Bray-Saint-Aignan, bien que classée par l'ARS en « zone très sous dotée » en chirurgiens-dentistes, n'est pas reconnue par les classements des finances publiques en zone de revitalisation rurale, ce qui la prive des aides fiscales sus-mentionnées. Or la situation sur la commune est catastrophique, avec seulement un seul chirurgien-dentiste s'occupant de la patientèle de la commune et des communes adjacentes suite à des départs en retraite. Ce dernier, ayant signé un contrat d'engagement de service public (CESP) durant ses études en faculté de chirurgie dentaire, a choisi la commune de Bray-Saint-Aignan pour s'y installer. Or, malgré sa présence sur un territoire classé par l'ARS comme « sous-doté », ce dernier ne peut pas bénéficier d'aides fiscales en raison du non-classement de Bray-Saint-Aignan en « zone de revitalisation rurale » et envisage aujourd'hui de la quitter, s'étant retrouvé seul chirurgien-dentiste dans sa zone d'exercice. Le possible départ du chirurgien-dentiste de la commune aggraverait la situation de difficulté d'accès aux soins subie par les Loirétains et aurait des conséquences dramatiques. Au regard de l'ensemble de ces considérations, elle lui demande quelles mesures il pourrait mettre en place afin de soutenir économiquement et d'inciter les médecins et les professionnels de santé comme les dentistes à s'installer et à exercer dans des territoires étant classés en « zones sous-dotée » ou « très sous-dotée » mais n'étant pas reconnus comme des « zones de revitalisation rurale », les privant ainsi d'un accès à des aides et incitations fiscales avantageuses. Elle lui demande également d'étudier une harmonisation des classements entre l'ARS et les finances publiques afin d'assurer une meilleure cohérence des zonages.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir l'accès aux soins de tous les citoyens et lutter contre les fragilités territoriales et la pénurie de médecins, notamment en milieu rural. Depuis 2017, il déploie une stratégie incitative comportant une large palette de solutions, adaptables à chaque contexte local. Car la réponse aux difficultés démographiques n'est pas unique mais repose sur la confiance aux acteurs, professionnels de santé et élus locaux pour innover et construire des solutions sur-mesure. L'enjeu aujourd'hui, dans un contexte démographique tendu, est bien de mobiliser tous les leviers existants pour trouver du temps médical et augmenter l'attractivité des territoires les plus concernés, étant donné que les bénéfices de la fin du numérus clausus ne se feront effectivement sentir que dans une dizaine d'années. Dans le cadre de la stratégie « Ma Santé 2022 » des dispositions à effet de court terme ont été déployées, sans attendre que les mesures structurantes (comme la suppression du numerus clausus ou le déploiement de l'exercice coordonné) puissent produire pleinement leurs effets : - facilitation de l'embauche d'assistants médicaux, pour seconder et appuyer les médecins dans un ensemble de tâches administratives et soignantes. Aujourd'hui, on compte plus de 5 000 contrats d'assistants médicaux signés. L'objectif est d'accélérer le recours à ce dispositif pour atteindre 10 000 assistants médicaux fin 2024. Il est estimé, sur la base des premiers recrutements, que les gains sont de 10 % de patients en plus pour les médecins du fait du temps médical gagné ; - déploiement des protocoles de coopération pour améliorer l'accès aux soins et la réponse en santé en réorganisant les modalités d'intervention auprès des patients. Actuellement 57 protocoles nationaux sont autorisés dans lesquels sont engagées 2 400 équipes. Et 90 protocoles locaux ont été déclarés depuis 2021 dans lesquels un peu plus de 1 000 professionnels de santé se sont engagés ; - déploiement de la pratique avancée ce jour ouverte uniquement aux infirmiers, mais qui reste à développer pour les auxiliaires médicaux. Actuellement 1 619 infirmiers en pratique avancée ont une autorisation d'exercice de l'Ordre national infirmier. Ils exercent principalement à l'hôpital. Leur déploiement en ville est encore à faciliter ; - rénovation de l'accès aux formations de santé, dans un objectif de décloisonnement des études de santé pour favoriser des modes d'exercice partagés et pluri-professionnels mais aussi pour former le nombre de professionnels de santé dont les territoires ont besoin ;  - accélération du virage numérique en santé, avec notamment le déploiement de la télémédecine dans les zones en tension, pour contribuer à faciliter l'accès aux soins grâce à une prise en charge et un suivi plus rapides. Le Ségur de la Santé lancé en juillet 2020 a ensuite mis l'accent sur le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes (Maisons de Santé Pluri-professionnelles, centres de santé, Communautés professionnelles de territoire) et le recours à la télésanté. La formation des professionnels de santé est aussi un levier important pour attirer de nouveaux professionnels sur les territoires, et différentes mesures ont été prises en ce sens telles que les dispositifs de la loi d'organisation et de transformation du système de santé encourageant la réalisation des stages dans les zones sous-denses et qui sont aujourd'hui effectives. Des dispositifs spécifiques sont également destinés à faciliter l'installation des médecins dans les zones sous-dotées :  - simplification des aides dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, en passant à une logique de guichet unique. En août 2023, 6 308 contrats en cours dont : - 2 651 contrats d'aide à l'installation médecin (CAIM), - 3 408 contrats de stabilisation et de coordination médecin (COSCOM), - 99 contrats de transition pour les médecins (COTRAM), - 150 contrats de solidarité territoriale médecin (CSTM) dans le cadre de leur exercice dans une zone d'intervention prioritaire (installation, maintien, renfort auprès de leurs confrères …), - travail sur le cadre de vie global offert aux professionnels de santé : possibilités d'emploi pour le conjoint, établissements scolaires, accès au réseau, moyens de transports… Les élus locaux ont aussi une part à prendre, certains s'engagent d'ores et déjà dans cette voie. Sur la coexistence de plusieurs zonages, les praticiens peuvent en effet bénéficier d'aides à l'installation et au maintien de la part de l'Etat, de l'assurance maladie ou encore des collectivités territoriales, dans des territoires en tension et ce sont les Agences régionales de santé (ARS) qui déterminent ce ciblage, à partir d'une méthodologie nationale actualisée en 2021. Les aides fiscales, à l'exclusion des exonérations relatives à la participation à la permanence des soins ambulatoires, relèvent quant à elles d'une autre dynamique, sachant qu'elles s'adressent plus largement aux entrepreneurs (dont font partie les médecins exerçant en cabinet). La diversité des situations locales nécessite par ailleurs plus que jamais l'action concertée de l'ensemble des parties-prenantes, y compris évidemment des collectivités territoriales. C'est le sens des concertations locales qui ont été menées dans le cadre du Conseil national de la refondation. Des ateliers ont à ce titre été organisés sur l'ensemble des bassins de vie afin d'identifier et de déployer des solutions permettant de garantir la continuité des soins. A travers plus de 250 réunions locales, les CNR territoriaux ont fait émerger des centaines de bonnes idées, de projets et de modes de fonctionnement collectifs innovants. Pour accompagner la suite concrète de l'engagement des territoires, une enveloppe dédiée est réservée en 2023 sur le Fonds d'Intervention régional. Les ARS sont des facilitateurs dans ce contexte et accompagnent le déploiement de projets identifiés localement. Enfin les travaux se poursuivent à divers niveaux. L'examen de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels se ainsi poursuit au Parlement. Elle porte un nombre important de nouvelles mesures dont le déploiement rapide contribuera à améliorer la situation dans de nombreux territoires. Et la reprise de la négociation conventionnelle avec les médecins libéraux doit permettre d'identifier de nouvelles solutions pour l'accès notamment aux généralistes.