Question écrite n° 11949 :
Violation de l'embargo des Nations unies sur la vente d'armes en Libye

16e Législature

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la vente de matériel d'espionnage aux troupes du maréchal Khalifa Haftar en Libye, par la société française Nexa. En juin 2021, la société Amesys, ancêtre de Nexa et son fondateur Stéphane Salies, ont fait l'objet d'une mise en examen pour « complicité de torture », dans le cadre d'un contrat signé en 2007 avec le régime Libyen de Mouammar Khadafi. Or le journal Mediapart révèle ce 6 octobre 2023 que dans le cadre de cette enquête, les juges d'instruction et les gendarmes de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH) ont découvert que Nexa a signé fin 2020 un contrat d'une valeur de 3,3 millions d'euros avec la faction politique et militaire dirigée en Libye par le maréchal Khalifa Haftar, pour la fourniture de matériel d'interception des télécommunications. Ce contrat semblerait constituer une violation de l'embargo sur les ventes d'armes à la Libye édicté par l'Organisation des Nations unies. Une violation délibérée, plusieurs montages et dispositifs de sociétés écran ayant été utilisés pour contourner les restrictions. Il pose par ailleurs des questions éthiques et politiques graves, dès lors qu'il a été conclu en dépit des enquêtes pour crimes de guerre qui visent le maréchal Haftar et au mépris du fait que son gouvernement n'est pas reconnu par la communauté internationale et l'Organisation des Nations unies. Le signataire pour la partie libyenne se trouvait être M. Ahmed al-Werfalli, dont le frère, M. Mahmoud al-Werfalli, lieutenant du maréchal Haftar, faisait avant sa mort en 2021 l'objet de plusieurs mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale pour son implication dans des exécutions sommaires. Or la poursuite de l'enquête menée par les juges d'instructions chargés de l'affaire se serait heurtée, selon les révélations de Mediapart, aux réticences des autorités, du parquet national anti-terroriste (PNAT) et du ministère de l'économie. Pour s'en tenir au ministère de l'économie, ce dernier a fait obstacle à l'élargissement de l'enquête au délit de violation de l'embargo sur la Libye, élargissement autorisé par le PNAT. Ce délit nécessite en effet, pour engager des poursuites, une plainte signée par M. le ministre. Mais celle-ci n'a jamais été déposée. M. le député souhaite donc apprendre de M. le ministre les raisons pour lesquelles il n'a pas déposé cette plainte, empêchant ainsi la justice de faire la pleine lumière sur la vente de matériel d'espionnage sensible à un groupement politique et militaire visé par plusieurs enquêtes pour crimes de guerre et en violation d'un embargo décidé par l'Organisation des Nations unies. Il souhaite savoir s'il était informé du contrat entre Nexa et la faction Haftar et s'il lui a apporté délibérément une forme de caution et de couverture, qui s'inscrivait dans le contexte d'une politique de rapprochement avec le maréchal Khalifa Haftar menée au même moment par le gouvernement français. Plus largement et au vu du refus manifeste du Gouvernement de déposer plainte et de permettre que la pleine lumière soit faite, il souhaite savoir quelle est aujourd'hui la position de la France quant au respect des mesures d'embargo sur les ventes d'armes adoptées par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies.

Réponse publiée le 27 février 2024

En tant que membre fondateur des Nations Unies et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France veille au respect des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies dont les résolutions sont mises en œuvre, en tout ou partie, par l'Union européenne. Les mesures restrictives transposées dans la réglementation européenne comprennent, outre des mesures de gel de fonds et de ressources économiques, des prohibitions à l'exportation pour un certain nombre de marchandises, telles que les armes, les matériels de guerre, ou les biens à double-usage. Afin d'assurer le respect de ces dispositions, les demandes d'exportation de matériel de guerre et de biens à double usage font l'objet d'une procédure rigoureuse d'autorisation préalable, instruite par les services de l'Etat. En conséquence, aucune exportation d'armes, de matériels de guerre ou de biens à double-usage ne peut être réalisée depuis la France sans obtention préalable d'une autorisation auprès des autorités compétentes, et ce indépendamment du pays de destination des marchandises. Les services du ministère de l'économie et des finances contribuent à l'instruction interministérielle des demandes d'autorisation d'exportation. Dans ce cadre ils veillent particulièrement à ce que les exportations envisagées soient conformes à nos valeurs et à nos engagements internationaux et tiennent compte du risque de contournement. Aucune licence d'exportation n'a été accordée sans être conforme à ces deux objectifs. En complément de ce travail d'instruction des demandes, un contrôle systématique est opéré par les services douaniers afin de vérifier la présence de la licence correspondant à l'exportation sollicitée lors du dépôt de déclaration d'exportation. Ce dispositif de contrôle est complété par la réalisation d'enquêtes intervenant a posteriori des formalités de dédouanement. Deux hypothèses sont à distinguer : 1. Les poursuites, sur le fondement de dispositions prévues au code des douanes, des infractions aux interdictions d'exporter des biens tels que des armes, des matériels de guerre ou des biens à double usage ne nécessitent pas de plainte du Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. 2. Le fait de contrevenir ou de tenter de contrevenir aux mesures de restriction des relations économiques et financières (gel de fonds et de ressources économiques ou interdiction de mise à disposition) est puni des peines prévues à l'article 459 du code des douanes. La poursuite de ces infractions ne peut être exercée que sur la plainte du ministre de l'Économie et des Finances ou de l'un de ses représentants habilités à cet effet. Cette plainte est déposée auprès du procureur de la République compétent dès lors qu'une enquête douanière a établi des faits en infraction avec de telles dispositions « financières » ou que la formalisation d'une telle plainte a été sollicitée par l'autorité judiciaire. Au cas particulier des agissements de la société NEXA, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique n'a été saisi à aucun moment, et sous aucune forme, de quelque demande que ce soit, sur une violation d'embargo en Libye. Les investigations judiciaires sont toujours en cours et marquées par le secret de l'enquête pénale.

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Armes

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 10 octobre 2023
Réponse publiée le 27 février 2024

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