16ème législature

Question N° 11972
de M. Didier Le Gac (Renaissance - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > consommation

Titre > Affichage environnemental sur les produits alimentaires

Question publiée au JO le : 10/10/2023 page : 8914
Réponse publiée au JO le : 14/05/2024 page : 3786
Date de changement d'attribution: 12/01/2024
Date de renouvellement: 30/01/2024

Texte de la question

M. Didier Le Gac appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en œuvre par la France de l'affichage environnemental sur les produits alimentaires. Conformément à la loi « Climat » du 22 août 202, le ministère de l'environnement a officialisé le 27 mars 2023 ses propositions concernant les modalités de mise en œuvre de l'affichage environnemental pour le secteur de l'alimentation. Sur un modèle proche du « Nutri-Score », ce dispositif devra permettre d'apporter au consommateur une information sur les impacts environnementaux des produits. Cet affichage, pour le secteur alimentaire, resterait basé sur le volontariat. Un décret en précisera les modalités. Toutefois, selon les informations en sa possession, il semblerait qu'il soit prévu d'utiliser les mêmes données d'impact environnemental pour un produit alimentaire quel que soit son pays d'origine. Ainsi, un produit d'importation se verrait d'office attribuer le score environnemental d'un produit équivalent produit en France, du fait de l'absence de données harmonisées à l'échelle européenne et mondiale. Une telle méthode a deux conséquences majeures. D'une part, elle est susceptible de générer de fortes distorsions de concurrence. En effet, dans le cas où un produit français aurait une performance environnementale supérieure à ses concurrents étrangers, cela ne se traduirait pas dans l'affichage, ce qui reviendrait à accorder un avantage comparatif aux produits issus de l'importation. D'autre part, elle risquerait d'avoir un effet démobilisateur pour les producteurs nationaux pour la mise en œuvre de pratiques vertueuses en matière de climat et d'environnement. En effet, quels que soient les efforts qu'il feraient pour améliorer leurs performances, ils sauraient que leurs concurrents seraient évalués à la même aune. Par ailleurs, alors que l'Union européenne a finalement renoncé à imposer une méthode commune dans le cadre du projet de directive sur les allégations environnementales, la France a choisi de déployer une méthode spécifiquement française. Le ministère de l'environnement prévoit ainsi de compléter la méthode de référence internationale (ACV - analyse de cycle de vie), par des critères supplémentaires relatifs à la biodiversité mais aussi au bien-être animal. Or l'article de 2 de la loi « Climat » indique que seuls des critères environnementaux peuvent être pris en compte, de surcroît s'ils sont évalués scientifiquement. On peut donc s'interroger sur la conformité de ce dernier critère avec les objectifs politique décidés par le législateur dans la loi « Climat ». Plus largement, la France prend le risque, en adoptant une méthode qui lui est propre, de ne plus jamais être en mesure à l'avenir d'estimer l'impact environnemental des produits français et d'importation sur les mêmes bases. C'est pourquoi alors que la ferme France, placée dans un enjeu très concurrentiel au niveau européen et mondial, y compris pour les filières autosuffisantes, s'inscrit dans la défense de la souveraineté alimentaire de la France, il lui demande de lui préciser les dispositions qu'il entend prendre afin que l'affichage environnemental sur les produits alimentaires ne favorisent les produits d'importation, de faire réaliser une étude d'impact sur les conséquences du choix d'une méthode spécifiquement française pour mesurer l'impact environnemental des produits alimentaires, de lui indiquer également comment il apprécie le fait que la méthode visiblement retenue pour construire cet indicateur environnemental place sur le même plan, les produits français et les produits d'importation et, enfin, de l'informer des fondements scientifiques sur lesquels se serait appuyée l'administration afin de considérer que les conditions d'élevage constituent des externalités environnementales.

Texte de la réponse

L'affichage environnemental vise à répondre au double défi d'une meilleure information des consommateurs quant à l'impact de leur consommation, et d'une incitation pour les producteurs à adopter des modes de production plus vertueux contribuant ainsi à la transition du secteur agroalimentaire. L'objectif d'information du consommateur a été consacré en 2009, au travers de la loi Grenelle, qui posait la nécessité d'une information environnementale sincère, objective et complète. La loi pour une croissance verte de 2015 est venue encadrer les allégations environnementales (article 90), posant ainsi les bases d'un cadre législatif mettant l'accent sur l'importance de la transparence et la responsabilité des acteurs en matière environnementale. Toutefois, la loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire (loi AGEC) (article 15) a mis en place l'expérimentation d'un dispositif d'affichage environnemental sur une période de 18 mois, sur la base d'entreprises volontaires, destinée à évaluer les différentes méthodologies et modalités d'affichage environnemental. Ainsi, selon un rapport, transmis au Parlement en mars 2022, cette expérimentation a permis de dégager un consensus sur l'intérêt d'une méthode d'évaluation basée, en partie, sur l'analyse de cycle de vie (ACV), élaborée à partir de la méthodologie européenne du Product Environmental Footprint (PEF). Si cette expérimentation a été instructive, le rapport souligne aussi que cette méthodologie d'affichage environnemental doit être complétée, en vue notamment de couvrir davantage d'enjeux (biodiversité, stockage carbone dans les sols…).  La loi « Climat et résilience » de 2021, prévoit une nouvelle expérimentation de l'affichage environnemental, pour une durée maximale de cinq ans (article 2). Concernant le secteur alimentaire, l'affichage environnemental s'appuie sur « Agribalyse », porté par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui est une base de données environnementales relatives aux produits agricoles et alimentaires. Cependant, dans un souci de simplification, l'outil « Ecobalyse » a été récemment mis en place afin d'agréger les données présentes sur « Agribalyse », permettant aux opérateurs de s'en saisir et de calculer les impacts environnementaux de leurs produits agroalimentaires distribués en France. En ce sens, les travaux sur un affichage environnemental français se poursuivent, afin d'affiner la méthodologie de calcul et qu'elle ne se révèle pas pénalisante pour les productions nationales, tout en identifiant les différences de conditions de production des produits d'importation. Par ailleurs, de nombreux affichages environnementaux, publics et privés, se sont développés au sein des États membres de l'Union européenne (UE), de sorte qu'il est apparu nécessaire de proposer une méthode d'évaluation des affichages environnementaux au niveau européen. Ainsi, faisant suite au « Pacte vert pour l'Europe », la Commission européenne s'est engagée à donner aux consommateurs les moyens de faire des choix éclairés. En effet, une étude, réalisée en 2020 à l'initiative de la Commission européenne, a révélé qu'une part considérable des allégations environnementales (53,3 %) fournissait des informations vagues, trompeuses voire infondées sur les caractéristiques des produits dans l'ensemble de l'UE. Face à ce constat, la Commission européenne a donc développé la méthode PEF [sur lequel se base l'analyse de cycle de vie (ACV) en France], qui couvre seize impacts environnementaux (changements climatiques, impacts sur l'eau, l'air, les ressources, utilisation des sols, toxicité…). Dès lors, la Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à lutter contre l'écoblanchiment : le projet de directive dite " Green Claims " prévoit d'encadrer les labels environnementaux, publics ou privés, qui devront être fiables, en se fondant sur des critères scientifiques reconnus, accessibles, notamment aux consommateurs, et vérifiables, en introduisant des mesures de contrôle de ces allégations. À ce stade, des décisions sont encore en cours à propos des exigences qui seront posées par cette directive, tant sur le plan de l'harmonisation des critères retenus, qu'au regard de la coexistence des affichages environmentaux européens avec les affichages nationaux. Lors de la dernière séances plénière du Parlement, les autorités françaises ont obtenu que les dispositions de cette directive soient cohérentes avec le dispositif national en cours de construction, notamment en matière de coexistence des labels environnementaux publics et privés. La France a également défendu que cet encadrement efficace et harmonisé au niveau européen, soit une garantie d'un traitement juste entre les États membres et qu'il ne pèse pas, de manière injustifiée et disproportionnée, sur les entreprises.